Le «Blue Whale Challenge», une menace réelle pour les jeunes Marocains

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Comme on le craignait depuis un moment, le jeu morbide «Blue Whale Challenge» a débarqué au Maroc. Qu’est-ce qui poussent des jeunes à y jouer? Et comment pouvons-nous les protéger?
Dans la famille des jeux les plus dangereux de notre époque, il s’appelle «The Blue Whale Challenge» (ou le «Défi de la Baleine Bleue» en français). Inspiré d’une légende disant que la baleine serait capable de se suicider en s’échouant volontairement sur une plage, ce jeu mobile est composé de 50 défis à relever en autant de jours, allant des plus simples (dessiner, écouter des musiques, ne plus parler…) aux plus morbides (se frapper, se scarifier, monter sur une grue…). Au 50e jour, le joueur doit relever le défi ultime: se suicider. Visant les adolescents, le «Blue Whale Challenge» est apparu il y a un peu plus de deux ans sur VKontakte, le «Facebook russe». Et il continue de faire des ravages, et pas qu’au Pays des tsars, où ses victimes se comptent par dizaines.
Le phénomène du «Blue Whale Challenge» s’est, en effet, propagé dans le monde, touchant plusieurs pays comme la France, l’Espagne, l’Italie, l’Argentine, le Brésil, l’Iran, l’Inde … et l’Algérie. Eh oui, le jeu morbide n’a pas épargné nos voisins de l’est. Cinq morts y ont ainsi été enregistrées en moins d’un mois, poussant le ministère de la Justice du pays à lancer une enquête. De son côté, la ministre de l’Éducation nationale a appelé la population à une grande vigilance. Qu’en est-il au Maroc?

Une menace réelle
Depuis plusieurs semaines, plusieurs cas de suicides dans le royaume ont été liés au «Blue Whale Challenge», l’un des plus récents concernant un enfant de huit ans qui s’est pendu à l’aide d’une écharpe, à Tanger. Mais, à l’instar des cas précédents, la DGSN a démenti tout lien entre ce drame et le «Blue Whale Challenge» dans un communiqué publié le 18 janvier dernier. Une thèse confirmée par la famille du défunt à nos confrères de Le360. Les inquiétudes au sein de la société se sont donc dissipées… mais pas pour longtemps.
En effet, le Maroc a finalement connu sa première victime du «Blue Whale Challenge», lundi dernier. Il s’agit d’un garçon de 12 ans, vivant à Benguérir, qui a commencé à jouer au jeu morbide au début de l’année, et qui aurait même invité certains de ses amis à faire comme lui. N’eût été la vigilance de son père, qui a alerté les autorités locales, il aurait atteint le dernier défi. Il sera hospitalisé très bientôt.
Cette situation ne devrait pas nous surprendre. «S’il y a eu des morts à l’étranger, alors il n’y avait pas de raison que les jeunes Marocains soient à l’abri de ce challenge», nous explique Véronique Fima, directrice de l’association Sourire de Reda d’aide aux jeunes en souffrance. De plus, les jeux dangereux de ce type ne sont pas une nouveauté, car ils existaient même avant Internet (on se souvient des jeux du foulard, du sac, ou encore de la tomate). «Internet a donné plus d’ampleur, plus de résonance, à l’ensemble de ces phénomènes», ajoute-t-elle.
Un signe de mal-être
Plusieurs raisons peuvent pousser un adolescent à jouer au «Blue Whale Challenge». Certains le font juste par curiosité, tandis que d’autres veulent tester leurs limites. Il y a aussi ceux pour qui ce challenge est un signe d’appartenance à une communauté («j’existe, je relève des défis, je suis encouragé pour le faire»). Mais jouer au «Blue Whale Challenge» peut aussi être un symptôme de mal-être. «Quand on prêt à se mettre en danger, c’est qu’il y a un malaise persistant, un malaise sous-jacent qui ne demande qu’à s’exprimer, et qui va s’exprimer justement par ces défis», explique Fima. Les origines de ce mal-être sont multiples: problèmes à la maison, chagrin amoureux, pression scolaire, harcèlement, indifférence, dispute avec un ami…

Le joueur est encouragé par un « tuteur » à chaque fois qu’il relève un défi. Crédit: DR

Une fois que l’adolescent commence à jouer au «Blue Whale Challenge», il est pris dans un engrenage infernal. Ce jeu va exercer une manipulation psychologique sur lui en l’isolant, le privant de sommeil, l’emprisonnant dans un environnement morbide, etc. Au bout de plusieurs semaines dans cette situation, on imagine aisément que le joueur puisse basculer vers l’acte suprême. Et même s’il ne va pas jusqu’au bout du challenge, c’est déjà grave. Rien que la scarification est un passage à l’acte.
Comment protéger nos enfants?
Néanmoins, il n’est jamais trop tard pour aider un jeune qui jouerait ou serait tenté de jouer au «Blue Whale Challenge». Et n’importe qui peut le faire; pas seulement les «personnes spécialisées». Tout d’abord, il faut être vigilant aux changements de comportement chez l’adolescent: état de fatigue extrême, isolement, manque de sommeil, fascination pour la mort, etc. Ensuite, agir en lui parlant, sans dramatiser ni minimiser sa situation, s’assurer qu’il est effectivement attiré par ce type de jeu, et chercher à savoir pourquoi. Fima précise qu’il est en effet important pour le jeune en souffrance de se sentir écouté, pas jugé. L’on peut également le confier à un médecin spécialisé, ou le diriger vers le service d’écoute anonyme de Sourire de Reda, «Stop Silence».
Beaucoup de personnes pourraient se demander: «Comment aborder la question du suicide avec un enfant?». Et elles auraient raison, vu que c’est un sujet tabou dans la religion, ainsi que dans la société. Mais, «les études montrent qu’en parler, c’est aider», nous rassure Fima. De plus, ce n’est pas parce qu’un adolescent pense au suicide qu’il va forcément passer à l’acte, et c’est là qu’on peut contourner cette difficulté à en parler. «On ne va pas parler de mort, mais de vie. Ce sont des messages d’espoir qu’on va faire passer», conclut la responsable associative.

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