Stations de ski: pourquoi ne sont-elles pas entretenues au Maroc?

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Stations de ski: pourquoi ne sont-elles pas entretenues et valorisées au Maroc?
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Le Maroc possède plusieurs domaines skiables non exploités ou non entretenus, principalement les stations de l’Oukaïmeden et de Michlifen. Pourquoi la filière du ski n’est-elle pas entretenue et valorisée au Maroc? Eléments de réponses avec des acteurs du secteur. 

« Dans les années 80, nous avions de la neige d’octobre à fin mai. La station était pleine à craquer de passionnés de ski. Il y avait donc un fonctionnement des infrastructures et de l’activité pour les opérateurs (restaurants, hôtels, clubs de ski, etc.). Puis, dans les années 90, il n’y avait pas de neige et donc très peu de visiteurs, à tel point que les cambriolages se sont multipliés. Cela a commencé à se dégrader… », se souvient Driss Rhafes, un propriétaire de chalet à Oukaïmeden depuis plusieurs dizaines d’années.

« A l’époque, il y avait plusieurs télésièges; aujourd’hui, il n’y en a plus qu’un », poursuit-il, actuellement à l’arrêt selon plusieurs témoignages. Première cause de ce manque d’entretien: l’absence de neige en quantité suffisante. « L’irrégularité de la neige tue toute volonté de se pencher sur ce sujet-là », explique Othmane Ibn Ghazala, fondateur de l’agence de voyages Iktichaf Travel.

« Il n’y a pas eu assez de neige donc les investisseurs ou pouvoirs publics ne vont pas s’engager. En ce moment, il y a pas mal de neige donc les gens peuvent aller skier. Mais il y a un manque d’équipements et d’infrastructures. C’est le serpent qui se mord la queue », abonde-t-il.

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« La gestion des infrastructures locales coûtaient cher par rapport à l’utilisation qu’on pouvait en faire sur place », explique à son tour Ayoub Koutar, secrétaire général de la Fédération Marocaine des Professionnels du Sport (FMPS). « C’est un cercle vicieux et vertueux en même temps. Si on faisait la promotion de la filière du ski, il y aurait plus de monde qui utiliserait les remontées mécaniques et donc cela permettrait de financer leur entretien, gestion, etc. », reprend-t-il, insistant sur le fait qu’ « au Maroc, nous n’avons rien à envier aux Alpes ou aux Pyrénées en termes de possibilités de faire du ski ».

« Imlil n’a rien à envier à Chamonix »

« Nous avons des montagnes qui atteignent les 3000 mètres d’altitude. Imlil n’a rien à envier à Chamonix. C’est juste que nous, nous considérons le ski comme une discipline non prioritaire, pas attractive, qui ne concerne pas la masse. Par conséquent, on n’investit pas dans ce secteur ni n’en fait la promotion pour créer les conditions d’un développement de cette pratique au niveau du territoire », regrette Ayoub Koutar, également cofondateur du média sportif Outdooors.

« L’ONMT n’est pas dans la logique selon laquelle le tourisme sportif est un tourisme qui peut rapporter énormément pour le royaume. On est dans le marketing de leasure, c’est-à-dire les loisirs, hôtels, la consommation, le balnéaire, etc. C’est dommage », déplore-t-il encore. « Ils ne sont pas réticents mais parlent de priorité. Ils essayent de voir le pouvoir d’achat d’un Marocain moyen, ce n’est pas comme celui d’un Européen. »

Autre cause dans l’absence de volonté à entretenir les stations de ski: l’insuffisance du pouvoir d’achat du Marocain pour un sport qui nécessite un certain nombre d’équipements et infrastructures coûteuses. Des paramètres qui freinent la popularisation de ce sport au Maroc.

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« Un Marocain avec un salaire moyen dans les 6000/7000 DHS ne peut pas se permettre d’aller faire du ski pendant un weekend, ce qui lui coûterait dans les 300/400 euros par personne. Il ira plutôt à la plage parce que c’est gratuit, accessible d’acheter un maillot de bain ou bien ira faire du foot en termes de discipline sportive. La culture du ski est corrélée au pouvoir d’achat de la population locale », développe Ayoub Koutar.

Selon l’acteur, l’ONMT n’a pas besoin d’attirer non plus une clientèle internationale car celle-ci « ne payera pas un billet d’avion pour venir faire du ski à l’Oukaimeden dont les remontées mécaniques et les pistes ne sont pas intéressantes », tout en mentionnant l’intérêt de cette même clientèle pour le hors-piste au Maroc. « Mais ils n’ont pas besoin de l’ONMT pour vivre cette aventure ».

« Montrer qu’on peut skier au Maroc peut susciter l’intérêt pour la destination »

De son côté, Othmane Ibn Ghazala estime qu’il faudrait quand même se pencher sur la question, et que promouvoir la filière du ski aura des retombées positives sur le secteur touristique de manière générale. « En communiquant sur le ski, on pourrait ne pas toucher que les skieurs. Beaucoup de touristes sont loin d’imaginer qu’il y a de la neige au Maroc. Montrer qu’on peut skier au Maroc peut chambouler complètement ceux qui avaient une image de dunes de sables et de dromadaires, et susciter ainsi leur intérêt pour la destination », explique-t-il.

Interrogé également, Ali Ait Haj, guide et moniteur de ski à l’Oukaïmeden témoigne aussi de l’absence d’entretien. Pour lui, cela s’explique par le fait que « les entreprises n’ont pas encore pris leur responsabilités », « ou bien la passation n’a pas encore été établie entre l’ONEP qui dirige l’infrastructure depuis 1967 et la SMIT ». Sans travail, le guide entreprend de temps en temps quelques randonnées avec des visiteurs. Pourtant, il y a actuellement de la neige mais pour le ski, c’est impossible. « C’est difficile de monter la piste à pieds avec ses chaussures ».

Il souligne toutefois l’augmentation de visiteurs qui viennent admirer le panorama ou séjourner quelques jours dans la région. « Le weekend dernier, on a reçu quelque 6000/7000 visiteurs par jour. En semaine, environ 1000. Pendant les vacances et les weekend, c’est plein », dit-il.

Pour rappel, un plan d’action a été lancé il y a un an visant à augmenter le nombre de visiteurs pour ce site à 500 000 par an d’ici 2030. Le projet consiste à la restructuration et revalorisation de la station touristique d’Oukaimeden, de manière à consolider davantage son attractivité.

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