Qatargate: la crédibilité de l’enquête mise en cause après le départ du juge Claise

Publié le
crédibilité, Qatargate, eurodéputée grecque, Eva Kaili,Michel Claise , Panzeri , Kaili
Le juge Michel Claise. (Photo AFP)

Un risque de conflit d’intérêts a contraint le juge belge chargé du Qatargate à se retirer, un coup de théâtre qui jette le doute sur la crédibilité de sa retentissante enquête anticorruption, ont estimé mardi les conseils de plusieurs suspects. 

« Cela soulève des questions énormes et évidentes quant à l’impartialité de tous les actes d’enquête qui ont été menés jusqu’à présent », ont tonné les avocats de l’eurodéputée grecque Eva Kaili, une des figures du scandale.

Lundi soir, le parquet fédéral a annoncé que le juge Michel Claise se retirait de l’enquête « par mesure de précaution ». Il laisse son dossier entre les mains d’une magistrate qui en a déjà eu connaissance précédemment.

« Des éléments sont apparus récemment » qui « pourraient susciter certaines questions quant au fonctionnement objectif de l’enquête », a justifié le parquet, parlant aussi de la nécessité de « séparer la vie privée et familiale et les responsabilités professionnelles ».

Selon plusieurs médias belges, le fils aîné du juge Claise est associé dans une société de commercialisation de CBD (cannabis thérapeutique) avec le fils de l’eurodéputée belge Marie Arena. Une information confirmée à l’AFP par une source proche du dossier.

Le nom de Marie Arena, une proche de l’Italien Pier Antonio Panzeri, un des inculpés, a été cité très vite quand le scandale a éclaté.

Lire aussi. Qatargate: l’eurodéputée Eva Kaili autorisée à retirer son bracelet électronique

Le 9 décembre 2022, la police belge avait mis la main lors d’une série de perquisitions à Bruxelles –notamment aux domiciles de M. Panzeri et Mme Kaili– sur environ 1,5 million d’euros en petites coupures réparties dans des valises ou des sacs.

Les enquêteurs soupçonnent que des versements en liquide aient été effectués par le Qatar et le Maroc en échange de décisions ou prises de position politiques favorables au Parlement européen, ce que Doha et Rabat ont fermement nié.

Proche de M. Panzeri et issue des rangs socialistes au Parlement comme Mme Kaili et le Belge Marc Tarabella (eux aussi inculpés), Marie Arena a été citée dans l’enquête mais jamais interrogée par Michel Claise, ce dont s’étonnent plusieurs suspects.

Cette élue belge francophone née de père sicilien a assuré en janvier n’avoir « rien à se reprocher ».

Elle a expliqué son départ de la présidence de la sous-commission Droits de l’homme du Parlement (où M. Panzeri avait officié auparavant) par la volonté de ne pas nuire au travail de l’instance. Et s’est faite discrète depuis lors sur les bancs de la seule institution élue de l’UE.

« Omissions délibérées »

Mardi, Me Maxim Töller, avocat de M. Tarabella, a assuré être à l’origine de la découverte du conflit d’intérêt que constitue le lien d’affaire entre le fils du juge et le fils de Mme Arena, et à ce titre, avoir contraint Michel Claise à se retirer.

« Cela remet en cause tant la fiabilité que la légalité des actes d’enquête. On peut se poser la question de savoir pourquoi la piste Arena n’a pas été exploitée par le juge », a déclaré à l’AFP Me Töller.

Un avis partagé par Sven Mary et Michalis Dimitrakopoulos, avocats d’Eva Kaili, qui ont dénoncé des « omissions délibérées », alors que les investigations « ont relié » Mme Arena à M. Panzeri.

M. Tarabella, remis en liberté au printemps après deux mois de détention préventive, a été mis en cause par M. Panzeri, qui l’a accusé d’avoir perçu de grosses sommes d’argent liquide. L’ex-élu italien a par ailleurs dédouané Marie Arena de toute responsabilité.

Lire aussi. « Qatargate » : l’eurodéputée grecque Eva Kaili est sortie de prison

M. Panzeri, ancien eurodéputé (2004-2019) devenu dirigeant d’ONG à Bruxelles est le « repenti » du dossier. Il a négocié une peine de prison limitée en échange de déclarations précises aux enquêteurs sur les participants à la fraude.

Pour Me Töller, il n’est pas digne de confiance. « C’est la parole corrompue d’un homme corrompu », a fustigé l’avocat.

Au total six suspects ont été inculpés depuis décembre. Un septième, l’eurodéputé italien Andrea Cozzolino, est arrivé lundi en Belgique pour y être entendu.

La rédaction vous conseille

Les titres du matinNewsletter

Tous les jours

Recevez chaque matin, l'actualité du jour : politique, international, société...

Qatargate: la crédibilité de l’enquête mise en cause après le départ du juge Claise

S'ABONNER
Partager
S'abonner