Le premier tour de la présidentielle 2017 était l’un des plus ouverts de l’histoire de la Ve République, tant les noms des deux finalistes ont paru incertains jusqu’au soir du scrutin. Depuis des mois, tout le monde – droite, gauche, extrêmes, sondages à l’appui – annonçait les Français prêts à donner un grand coup de balai. Le résultat a dépassé les pronostics puisque les électeurs ont sèchement remercié, d’un seul coup d’un seul, le représentant du Parti socialiste et celui des Républicains, les deux formations qui dominent le paysage depuis cinquante ans, pour ne retenir que deux candidats autoproclamés «antisystème».
À quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote, le suspense concernant le second tour paraît court en comparaison. Les sondages réalisés depuis le débat de mercredi ont montré qu’Emmanuel Macron fait toujours figure de favori, voire qu’il conforterait son avance sur Marine Le Pen. Parmi les dernières études réalisées, celle d’Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France, le crédite de 61,5 % des intentions de vote. Les enquêtes d’OpinionWay pour Les Échoset Radio classique et de Harris Interactive pour LCP lui attribuent chacune 62 %. Aucune n’enregistre de progression de la candidate frontiste laissant imaginer un renversement de tendance.
Mobilisation des électeurs
Mais avant de regarder le score des finalistes, plusieurs indicateurs seront à analyser de près, dimanche. Celui de l’abstention, en premier lieu. Combien des 47,58 millions d’inscrits bouderont-ils les urnes? Au premier tour, l’abstention était de 22,23 %. Traditionnellement, la participation progresse entre les deux tours, mais il n’est pas exclu qu’elle recule cette fois-ci, notamment parce que le scrutin a lieu au milieu d’un week-end de trois jours. Si de nouveaux électeurs se rendront aux urnes dimanche, parce que le second tour est toujours considéré comme décisif, certains de ceux qui ont voté au premier tour n’y retourneront pas. Il faudra notamment surveiller la mobilisation des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, déçus de voir leur champion éliminé, ou de ceux de Nicolas Dupont-Aignan, qui n’ont pas tous signé pour un accord avec Marine Le Pen.
Un recul de la participation au second tour de la présidentielle serait une première depuis 1969, quand les Français ont eu à départager Georges Pompidou et Alain Poher, «blanc bonnet ou bonnet blanc» selon la formule du communiste Jacques Duclos.
Un autre indicateur sera très significatif: le nombre de votes blancs et nuls. Cette fois encore, le record de 1969 pourrait être battu. À l’époque, 6,85 % des électeurs n’avaient pas exprimé de suffrage. Selon certains analystes, ce taux pourrait atteindre 10 % dimanche. Entre 2,5 et 3,5 millions d’électeurs pourraient choisir de ne pas départager Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ces votes «non exprimés» se recruteraient principalement dans les rangs des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de François Fillon, selon les derniers sondages. À titre de comparaison, 2,15 millions de Français avaient renvoyé dos à dos François Hollande et Nicolas Sarkozy en 2012. Et 1,77 million avaient voté blanc ou nul au second tour en 2002.
Le score du FN
Si Emmanuel Macron venait à l’emporter, il faudra donner un sens à l’écart creusé avec sa concurrente. Son quinquennat ne prendra vraisemblablement pas le même tour s’il démarre avec une victoire nette sur Marine Le Pen ou étriquée. Les macronistes n’imaginent déjà pas la candidate du FN aussi sévèrement battue que son père en 2002. Jean-Marie Le Pen avait recueilli 17,8 % au second tour face à un Jacques Chirac porté par les appels au front républicain.
Les leçons seront complexes à tirer, y compris pour les candidats. Si Emmanuel Macron bat nettement sa concurrente, y verra-t-il le signe d’un surcroît d’adhésion à son projet ou d’une mobilisation contre le Front national? D’un mélange des deux et dans quelles proportions? Si le résultat est plus étroit qu’attendu, devra-t-il chercher à s’ouvrir à tout prix à droite ou au contraire à renforcer sa base de centre gauche? L’identité du premier ministre constituera un indice de l’interprétation qu’il fera de ces résultats.
Au FN, le score de Marine Le Pen sera d’abord un outil de validation de la stratégie suivie depuis 2010. Selon Marion Maréchal-Le Pen, passer la barre des 40 % serait déjà un succès. Le nombre de suffrages sera également surveillé de près. Jean-Marie Le Pen en avait réuni 5,5 millions il y a quinze ans. Aux régionales de 2015, les listes FN avaient recueilli 6,8 millions de voix. Près de 7,7 millions de Français ont choisi Marine Le Pen au premier tour il y a quinze jours.
Pour dimanche, elle place très modestement la barre à 12 millions. Certes, le triomphe politique ne serait pas au rendez-vous, mais la victoire arithmétique serait incontestable.
50.000 policiers et gendarmes pour sécuriser le vote
Plus de 50.000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour assurer la sécurité des Français appelés à se rendre dimanche dans les bureaux de vote. Comme lors du premier tour de scrutin, 7000 militaires de l’opération «Sentinelle» et les policiers municipaux seront appelés en renfort à travers le pays. Matthias Fekl a rappelé que «des consignes claires et précises ont été données aux préfets pour que le scrutin puisse se dérouler, sur l’ensemble du territoire, dans des conditions de sécurité maximales». Les forces ayant pour mission de protéger les abords des bureaux de vote seront organisées en patrouilles «dynamiques», c’est-à-dire très mobiles pour être «projetables et intervenir immédiatement en cas d’incident».
«Nos forces de l’ordre seront également particulièrement mobilisées pour assurer la sécurisation des célébrations, rassemblements et manifestations qui se dérouleront à l’issue de la divulgation des résultats, prévient en outre le porte-parole Pierre-Henry Brandet. Une cellule de suivi sera activée à Beauvau, de manière à adapter en permanence les dispositifs, prévenir et contenir les éventuels troubles à l’ordre public.»
À Paris et sa couronne, où plus de 12.000 policiers et militaires seront en alerte, des «policiers référents» désignés dans chaque commissariat seront les contacts des mairies et des présidents des bureaux de vote.
«Concernant les rassemblements, célébrations ou manifestations, déclarés ou spontanés», la Préfecture de police «mobilisera un dispositif de sécurisation renforcée par la mise à disposition d’unités de forces mobiles prépositionnées sur le territoire de l’agglomération».
Afin d’écarter les éventuels fauteurs de trouble, des arrêtés d’interdiction de séjour ciblés seront pris par le Préfet de police.