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Portrait. Viktor Medvedtchouk, alias « le prince des ténèbres », l’homme de Poutine en Ukraine
Publié leL’Ukrainien Viktor Medvedtchouk, un proche de Vladimir Poutine qui demande dans une vidéo diffusée lundi par l’Ukraine à être échangé contre les soldats et civils de la ville assiégée de Marioupol, est l’homme du président russe dans ce pays où il a défendu ses intérêts depuis plus de 20 ans.
« Je veux m’adresser au président russe Vladimir Poutine et au président ukrainien Volodymyr Zelensky avec la demande de m’échanger par la partie ukrainienne contre les défenseurs de Marioupol et ses habitants », a déclaré le député et homme d’affaires ukrainien Viktor Medvedtchouk dans cette courte vidéo.
Arrêté par les services spéciaux du pays alors qu’il était en fuite depuis l’invasion russe, le député et homme d’affaires ukrainien de 67 ans est habillé de noir et assis à une table dans cette vidéo non datée.
Sur une photo de lui publiée dans la soirée du 12 avril par le président Zelensky, ce multi-millionnaire, jadis un des hommes les plus influents du pays, ne semble plus que l’ombre de lui-même. Il apparaît sur le cliché menotté, les cheveux ébouriffés, en uniforme militaire ukrainien, assis sur une chaise dans ce qui ressemblait à un vieux bureau.
L’annonce de l’arrestation de ce député, un des politiciens les plus honnis en Ukraine pour ses liens avec le maître du Kremlin, avait suscité ce jour-là une explosion de joie sur les réseaux sociaux.
« C’est un événement symbolique, c’est comme capturer Goebbels », avait dit à l’AFP Serguiï Lechtchenko, conseiller du chef du cabinet du président Zelensky, en référence à l’ancien chef de la propagande de l’Allemagne nazie.
Surnommé « prince des ténèbres » par des médias, « c’est l’homme qui recevait des instructions directes et des ressources de Poutine pour préparer le terrain pour l’invasion », avait affirmé M. Lechtchenko.
Le président Zelensky a proposé de l’échanger contre des Ukrainiens capturés par les forces russes mais le Kremlin a esquivé cette idée. M. Medvedtchouk n’est « pas un citoyen russe » avait avancé Moscou, disant ne pas savoir s’il souhaitait que la Russie se mêle de son cas.
Selon M. Medvedtchouk, sa relation avec Vladimir Poutine « s’est développée pendant 20 ans ». « Je ne veux pas dire que j’exploite cette relation, mais elle fait partie de mon arsenal politique », racontait-il en 2021 au magazine américain Time.
Les deux hommes font connaissance au début des années 2000: Vladimir Poutine, ancien du KGB, vient d’être élu président de Russie et M. Medvedtchouk, un avocat soupçonné d’avoir été collaborateur non officiel du KGB, dirige alors le cabinet du président ukrainien.
« Vice-Poutine » en Ukraine
A ce poste, il est accusé d’avoir organisé en 2004 des fraudes électorales massives en faveur d’un prorusse, ce qui déclenche le premier Maïdan, soulèvement prooccidental.
Fin 2013, la deuxième révolution pro-occidentale éclate à Kiev entraînant la chute d’un président prorusse. Un mois plus tard la Russie annexe la Crimée, et s’en suit une guerre avec les séparatistes soutenus par Moscou dans l’Est du pays.
Discret, M. Medvedtchouk s’associe aux pourparlers de paix et finit par entrer au Parlement en 2019, après 15 ans sans fonction politique officielle.
Ouvertement soutenu par Moscou, son parti Plateforme d’opposition – Pour la Vie arrive en deuxième position aux législatives, derrière le parti du président Zelensky. Mais en février 2021, l’horizon commence à s’assombrir pour Medvedtchouk, 12e fortune d’Ukraine l’an dernier avec 620 millions de dollars selon le magazine Forbes.
Le président Zelensky interdit par décret trois de ses chaînes de télévision, porte-voix de la propagande russe. Les autorités annoncent ensuite la saisie des biens de la famille Medvedtchouk dont un oléoduc qui achemine du pétrole russe vers l’Europe.
En mai 2021, il est inculpé pour « haute trahison » dans le cadre de la crise diplomatique russo-ukrainienne. Il lui est reproché la possession de biens immobiliers en Crimée, mais aussi d’avoir investi en 2014 dans une raffinerie russe ayant alimenté en carburant les forces séparatistes du Donbass.
Le placement de Medvedtchouk en résidence surveillée met en colère Poutine qui dénonce « une purge politique ».
« Medvedtchouk était le vice-Poutine, son homme de confiance, ses yeux et ses oreilles en Ukraine, qui diffusait des messages de Moscou » par ses médias, résume Serguiï Lechtchenko.
Armoiries russes
Le dernier cliché public de MM. Poutine et Medvedtchouk date d’octobre 2020. Né en Sibérie le 7 août 1954, Viktor Medvedtchouk retourne avec sa famille en Ukraine dans les années 1960.
Après ses études de droit, il a pris le rôle de défenseur de plusieurs dissidents ukrainiens mais est accusé par ses détracteurs de n’avoir rien fait pour empêcher un nouvel emprisonnement pour activités anti-soviétiques du célèbre poète Vassyl Stous, mort au goulag à 47 ans.
Déjà frappé par des sanctions américaines pour son rôle dans l’annexion de la Crimée, M. Medvedtchouk a également été sanctionné par le Royaume-Uni.
Après sa fuite, des médias ukrainiens ont découvert sur le terrain de sa résidence près de Kiev un wagon de train grandeur nature abondamment décoré de dorures et de velours et portant les armoiries russes, apparemment un cadeau d’anniversaire de son épouse, présentatrice de télévision Oksana Martchenko, qui a fui en Russie.
Sur le « quai » à côté de l’horloge, s’affiche le nom de la station « Dalniaïa » (lointaine en russe).