Pétrole et gaz iraniens: la Chine aux aguets, face au retrait des USA
Publié le Par H24Info.ma avec AFP
La Chine, assoiffée d’hydrocarbures et premier partenaire commercial de Téhéran, pourrait ignorer les sanctions américaines et muscler ses investissements en Iran, au risque d’un coûteux bras de fer avec Washington.
Pour Pékin, l’accord nucléaire iranien de 2015, dont le géant asiatique est signataire et dont l’administration Trump s’est retirée avec fracas, s’accompagne d’intérêts économiques étroits.
Des entreprises chinoises étaient impliquées en juin 2017 dans au moins 33 milliards de dollars de projets d’infrastructures en Iran: une illustration de l’ambitieux programme économique des « Routes de la Soie » que déploie Pékin en Asie et au-delà.
Le régime communiste a accordé en septembre des lignes de crédit pour 10 milliards de dollars à cinq banques iraniennes pour des chantiers d’infrastructures. En mars, les deux pays s’entendaient pour une liaison ferroviaire désenclavant le port de Bouchehr.
Certes, le rétablissement par les Etats-Unis des sanctions contre Téhéran concerne toutes les entreprises ayant des activités en territoire américain ou opérant en dollars.
« Mais ces sanctions, en entraînant le retrait d’entreprises américaines, européennes ou japonaises, peuvent aussi élargir les opportunités des firmes chinoises », indique à l’AFP l’économiste d’une université pékinoise, Hu Xingdou.
Surtout, la manne d’hydrocarbures s’avère irrésistible pour le premier pays importateur de brut: l’Iran est le 5e fournisseur de pétrole de la Chine, où il exporte plus d’un quart de sa production.
Dopés par l’or noir, les échanges commerciaux sino-iraniens ont bondi de 20% en 2017, à 37 milliards de dollars.
Recours au yuan
Le géant énergétique chinois CNPC est également engagé avec le français Total dans un contrat de 4,8 milliards de dollars pour développer la phase 11 du vaste champ gazier iranien Pars Sud.
Or, Total a reconnu mercredi qu’à moins d’une dérogation américaine, il « ne pourra pas continuer ce projet ». Le ministre iranien du Pétrole Bijan Namdar Zanganeh a aussitôt prévenu: si Total se retire, ses parts (50,1% du projet) seront allouées à CNPC.
« Vu les contentieux commerciaux et politiques sino-américains, la Chine sera réticente à se plier » aux sommations de Washington, a observé sur la chaîne CNBC Victor Shum, vice-président du cabinet IHS,
D’autant que le retrait d’acheteurs européens fera chuter le prix du brut iranien, le rendant plus attractif pour des importateurs asiatiques, ajoute-t-il.
Par ailleurs, Washington entend s’attaquer aux transactions en dollars: ce qu’un recours au yuan pourrait permettre de contourner.
« En 2012-2013, l’Iran a déjà ouvert des comptes dans les devises de certains pays achetant (son pétrole), devises qu’il utilisait pour importer des biens », relève Michael Cohen, analyste de Barclays.
« Si la Chine, l’Inde ou la Corée du Sud ne sanctionnent pas la banque centrale iranienne, il est peu probable qu’ils cessent leurs acquisitions », estime-t-il.
« Tant que (Téhéran) respecte ses obligations internationales, la Chine poursuivra une coopération concrète transparente », a confirmé Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise.
Spectre du Venezuela
Des contrats à terme pétroliers libellés en yuans ont justement été lancés en mars à Shanghai, avec l’ambition de concurrencer le Brent londonien et le WTI new-yorkais, baromètres en dollars du marché mondial.
Or, le volume d’échanges sur ces contrats shanghaïens a doublé au lendemain de la décision américaine sur l’Iran. Les échanges ont désormais quasi-triplé sur un mois.
Pékin, soucieux « d’internationaliser sa devise », pourrait imposer le yuan à Téhéran, soulignent les analystes de BMI Research.
Mais l’impact sera modéré, avertissent-ils: « Les échanges sino-iraniens ne représentent qu’une fraction du marché pétrolier mondial, et ne seront pas immunisés face aux sanctions ».
« Les hydrocarbures iraniens ne sont pas irremplaçables: la Chine peut importer davantage de Russie (via un nouvel oléoduc récemment inauguré, NDLR) et d’Arabie saoudite », insiste Hu Xingdou.
Surtout, les entreprises chinoises « demeureront très prudentes pour ne pas compromettre leurs activités aux Etats-Unis ou en Occident », ajoute-t-il, notant que CNPC possède diverses coopérations avec des partenaires américains.
Selon lui, les milieux d’affaires sont traumatisés par le cas ZTE — géant chinois des télécoms dont la survie est menacée par une sanction de Washington après qu’il ait violé un embargo américain sur l’Iran.
Enfin, l’incertitude politique à Téhéran peut être dissuasive.
« Il est possible que le régime iranien change à tout moment, faisant partir en fumée les investissements chinois », indique M. Hu. « La Chine doit tirer les leçons du passé: elle avait investi massivement en Libye et au Venezuela, et y a perdu énormément ».
jug/ehl/nas
Pour Pékin, l’accord nucléaire iranien de 2015, dont le géant asiatique est signataire et dont l’administration Trump s’est retirée avec fracas, s’accompagne d’intérêts économiques étroits.
Des entreprises chinoises étaient impliquées en juin 2017 dans au moins 33 milliards de dollars de projets d’infrastructures en Iran: une illustration de l’ambitieux programme économique des « Routes de la Soie » que déploie Pékin en Asie et au-delà.
Le régime communiste a accordé en septembre des lignes de crédit pour 10 milliards de dollars à cinq banques iraniennes pour des chantiers d’infrastructures. En mars, les deux pays s’entendaient pour une liaison ferroviaire désenclavant le port de Bouchehr.
Certes, le rétablissement par les Etats-Unis des sanctions contre Téhéran concerne toutes les entreprises ayant des activités en territoire américain ou opérant en dollars.
« Mais ces sanctions, en entraînant le retrait d’entreprises américaines, européennes ou japonaises, peuvent aussi élargir les opportunités des firmes chinoises », indique à l’AFP l’économiste d’une université pékinoise, Hu Xingdou.
Surtout, la manne d’hydrocarbures s’avère irrésistible pour le premier pays importateur de brut: l’Iran est le 5e fournisseur de pétrole de la Chine, où il exporte plus d’un quart de sa production.
Dopés par l’or noir, les échanges commerciaux sino-iraniens ont bondi de 20% en 2017, à 37 milliards de dollars.
Recours au yuan
Le géant énergétique chinois CNPC est également engagé avec le français Total dans un contrat de 4,8 milliards de dollars pour développer la phase 11 du vaste champ gazier iranien Pars Sud.
Or, Total a reconnu mercredi qu’à moins d’une dérogation américaine, il « ne pourra pas continuer ce projet ». Le ministre iranien du Pétrole Bijan Namdar Zanganeh a aussitôt prévenu: si Total se retire, ses parts (50,1% du projet) seront allouées à CNPC.
« Vu les contentieux commerciaux et politiques sino-américains, la Chine sera réticente à se plier » aux sommations de Washington, a observé sur la chaîne CNBC Victor Shum, vice-président du cabinet IHS,
D’autant que le retrait d’acheteurs européens fera chuter le prix du brut iranien, le rendant plus attractif pour des importateurs asiatiques, ajoute-t-il.
Par ailleurs, Washington entend s’attaquer aux transactions en dollars: ce qu’un recours au yuan pourrait permettre de contourner.
« En 2012-2013, l’Iran a déjà ouvert des comptes dans les devises de certains pays achetant (son pétrole), devises qu’il utilisait pour importer des biens », relève Michael Cohen, analyste de Barclays.
« Si la Chine, l’Inde ou la Corée du Sud ne sanctionnent pas la banque centrale iranienne, il est peu probable qu’ils cessent leurs acquisitions », estime-t-il.
« Tant que (Téhéran) respecte ses obligations internationales, la Chine poursuivra une coopération concrète transparente », a confirmé Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise.
Spectre du Venezuela
Des contrats à terme pétroliers libellés en yuans ont justement été lancés en mars à Shanghai, avec l’ambition de concurrencer le Brent londonien et le WTI new-yorkais, baromètres en dollars du marché mondial.
Or, le volume d’échanges sur ces contrats shanghaïens a doublé au lendemain de la décision américaine sur l’Iran. Les échanges ont désormais quasi-triplé sur un mois.
Pékin, soucieux « d’internationaliser sa devise », pourrait imposer le yuan à Téhéran, soulignent les analystes de BMI Research.
Mais l’impact sera modéré, avertissent-ils: « Les échanges sino-iraniens ne représentent qu’une fraction du marché pétrolier mondial, et ne seront pas immunisés face aux sanctions ».
« Les hydrocarbures iraniens ne sont pas irremplaçables: la Chine peut importer davantage de Russie (via un nouvel oléoduc récemment inauguré, NDLR) et d’Arabie saoudite », insiste Hu Xingdou.
Surtout, les entreprises chinoises « demeureront très prudentes pour ne pas compromettre leurs activités aux Etats-Unis ou en Occident », ajoute-t-il, notant que CNPC possède diverses coopérations avec des partenaires américains.
Selon lui, les milieux d’affaires sont traumatisés par le cas ZTE — géant chinois des télécoms dont la survie est menacée par une sanction de Washington après qu’il ait violé un embargo américain sur l’Iran.
Enfin, l’incertitude politique à Téhéran peut être dissuasive.
« Il est possible que le régime iranien change à tout moment, faisant partir en fumée les investissements chinois », indique M. Hu. « La Chine doit tirer les leçons du passé: elle avait investi massivement en Libye et au Venezuela, et y a perdu énormément ».
jug/ehl/nas
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