Madrid entame les démarches pour reprendre en main la Catalogne

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Rencontre entre Carles Puigdemont et Mariano Rajoy en avril 2016. Crédit: DR

Le gouvernement espagnol a activé jeudi l’article 155, lançant la procédure qui suspend l’autonomie de la région.

Le dialogue de sourds entre le gouvernement espagnol et les dirigeants indépendantistes catalans frôle la caricature. L’exécutif de Mariano Rajoy exigeait de Carles Puigdemont, le président catalan, qu’il écarte toute déclaration d’indépendance, faute de quoi il appliquerait l’article 155 de la Constitution, qui permet de suspendre tout ou partie de l’autonomie d’une région. Puigdemont lui répond que s’il active l’article 155, le Parlement catalan proclamera l’indépendance.

Puigdemont était mis en demeure de répondre à deux demandes du gouvernement espagnol. La première était une question: suspendue ou non, l’indépendance a-t-elle été déclarée lors de son discours ambigu du 10 octobre au Parlement régional? La seconde était une exigence: replacer les institutions catalanes dans le cadre de la légalité constitutionnelle.

Coups de bluff

Le président régional a répondu de manière implicite à la question de l’indépendance. «J’ai proposé de laisser en suspens les effets du mandat populaire» issu du référendum d’indépendance, tenu dans des conditions très contestables, et que les sécessionnistes affirment avoir remporté par 90 % des suffrages. Il ajoute en conclusion que si l’article 155 était activé et la «répression» lancée, «le Parlement de Catalogne pourra, s’il l’estime opportun, voter la déclaration formelle d’indépendance qu’il n’a pas votée le 10 octobre». Autrement dit, Puigdemont reconnaît à demi-mot que l’indépendance n’a pas été déclarée, évite soigneusement de prêter allégeance à la légalité espagnole et, entre deux appels au dialogue, menace ouvertement de la violer en conscience.

Madrid n’a retenu que la seconde partie, celle des menaces. Une demi-heure après la publication de la réponse catalane, l’exécutif publiait un communiqué: «Le gouvernement de l’Espagne a constaté le refus du président de la Généralité de Catalogne de répondre à la mise en demeure qui lui a été remise.» Le texte ajoute que les procédures prévues dans le cadre de l’article 155 seront poursuivies et qu’un Conseil des ministres extraordinaire a été convoqué samedi, une fois que Rajoy sera rentré du sommet de Bruxelles. Ce Conseil des ministres devra «approuver les mesures qui seront envoyées au Sénat afin de protéger l’intérêt général des Espagnols, dont les citoyens de Catalogne, et de rétablir l’ordre constitutionnel dans la Communauté autonome».

La formule reprend la rédaction de l’article 155, qui contraint le gouvernement à demander l’autorisation de la Chambre haute. L’adoption des mesures est assurée par la majorité absolue du Parti populaire (PP, droite), la formation de Rajoy, et le soutien du Parti socialiste (PSOE) et de Ciudadanos (centre). Elle prendra toutefois un certain temps, entre une et deux semaines.

«On ne peut pas dire que le dernier délai arrive ce jeudi à expiration, veut croire Pablo Simon, professeur de Sciences politiques à l’université Carlos-III de Madrid. Même une fois que le Sénat aura voté les mesures du gouvernement, ce dernier ne sera pas tenu de les mettre en œuvre, explique-t-il. Quand on connaîtra le détail des mesures, qui seront probablement extrêmement intrusives, Puigdemont fera face à une très grande pression.»

Puigdemont sous pression

Les pressions sont exercées par le secteur le plus modéré de l’indépendantisme, ainsi que par les milieux économiques, qui observent que 700 entreprises ont transféré leur siège social hors de Catalogne depuis le 1er octobre. Madrid a réitéré sa proposition de mettre en suspens l’article 155 si le gouvernement convoquait des élections régionales anticipées. Barcelone rejette une telle voie, qui replacerait la Catalogne dans le cadre d’une simple région d’Espagne.

L’hypothèse d’élections constituantes, destinées à doter d’une Constitution une hypothétique République catalane indépendante, figurait au programme électoral des indépendantistes. Mais, d’une part, la couleuvre à avaler serait grosse pour Madrid. D’autre part, le secteur jusqu’au-boutiste des indépendantistes fait un autre calcul. Si Madrid intervient, l’article 155 pourra être présenté comme une attaque contre les institutions catalanes. Dans ces conditions, mieux vaut attendre que Madrid organise des élections pour qu’une large majorité sécessionniste s’impose, emmenée par un discours victimiste et dans un contexte de tensions et de conflit ouvert.

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