Mohammed VI: "Le règlement de la question d'Al-Qods nécessite une volonté politique réelle"

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Le roi Mohammed VI a adressé un message aux participants à la 5è Conférence internationale sur Jérusalem, qui a ouvert ses travaux mardi à Rabat.
Voici le texte intégral du Message royal dont la lecture a été donnée par le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita:
 »Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Il nous plaît d’adresser ce message aux participants à la cinquième Conférence internationale sur Al-Qods, dont Rabat est honorée d’abriter les assises. A toutes et à tous, nous souhaitons la bienvenue, en tant qu’hôtes du Royaume du Maroc.
Nous tenons d’abord à renouveler notre attachement à la Cause palestinienne, marqué par un soutien constant, un appui sans réserve et une solidarité indéfectible. Il est l’expression d’un engagement que le Maroc maintiendra de manière irréversible, jusqu’à ce que le peuple palestinien recouvre la plénitude de ses droits inaliénables; droits dont la légitimité est attestée par la force du droit international, les faits sur le terrain et l’Histoire.
Cette session diffère très sensiblement des précédentes dans la mesure où elle se tient dans le sillage de graves développements. Il s’agit en l’occurrence de la décision des Etats-Unis d’Amérique de reconnaître Al-Qods comme capitale d’Israël, du transfert de leur ambassade vers la Ville Sainte et de son inauguration officielle le 14 mai 2018. Le Maroc a d’emblée considéré cette démarche comme inacceptable et contraire au droit international ainsi qu’aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU.
Aussi, anticipant l’annonce de cette décision, en qualité de Président du Comité Al-Qods, nous avons pris l’initiative d’envoyer deux lettres, respectivement à Son Excellence le Président américain, Monsieur Donald Trump et à Son Excellence le Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur Antonio Guterres. Nous avons notamment souligné que toute atteinte au statut juridique, politique et historique d’Al-Qods aurait des conséquences graves sur la paix dans la région, en ce sens qu’elle saperait les efforts internationaux pour créer un climat propice à la reprise des négociations de paix et permettre in fine de parvenir à un règlement juste et global du conflit israélo-palestinien.
Nous avons également, de nouveau, assuré notre Frère, son Excellence le Président Mahmoud Abbas, de notre refus de la démarche américaine. Et Nous lui avons réitéré la pleine et entière solidarité du Maroc ainsi que son engagement fort à tout mettre en œuvre pour mobiliser la communauté internationale dans le but de faire prévaloir les droits légitimes du peuple palestinien qui aspire à instaurer son Etat indépendant, avec Al-Qods orientale, comme capitale.
Mesdames et Messieurs,
La décision américaine constitue une transgression de la légalité internationale et une atteinte aux termes de ce référentiel. De ce fait, elle met à mal l’autorité et la respectabilité de la communauté internationale et menace la sécurité et la stabilité dans la région et au-delà.
Au regard des graves et inquiétants développements nés de cette décision, Nous estimons que la volonté résolue de tenir cette session à la date convenue, traduit une prise de conscience internationale de la nécessité d’aplanir les difficultés qui continuent d’entraver le règlement de ce conflit. Ainsi est préservé l’espoir de trouver une voie susceptible de conduire à la solution souhaitée.
Mesdames et Messieurs,
Parti de faux postulats, le conflit israélo-palestinien s’est constamment nourri d’idées erronées et de concepts mystificateurs et il s’est enfermé en définitive dans des visions étriquées, qui l’ont rendu, in fine, difficile et complexe. Néanmoins, il reste encore une chance d’aborder cette question, non plus comme une fatalité ou un fait accompli dont il faut s’accommoder, mais comme un contentieux auquel il est possible de mettre fin.
En fait, ce conflit est susceptible d’être résolu, à la condition qu’on en finisse avec les illusions et la nostalgie du passé pour s’orienter positivement vers l’avenir avec réalisme. Pour ce faire, il est nécessaire d’envisager une approche rationnelle de l’Histoire qui en épousera la dynamique vertueuse; une dynamique qui rompt avec une posture rétrograde générant une négativité destructrice; une dynamique qui entraîne vers l’avant, en quête de lendemains meilleurs.
Ce conflit, qui n’a que trop duré, suscite une grande consternation et beaucoup de regrets, en raison des innombrables victimes innocentes qu’il fait et des générations successives qu’il prive d’opportunités de développement, de liberté et de sécurité; mais aussi du fait qu’il alimente sans cesse davantage de clivages et de divisions au sein de la communauté internationale.
Pire encore: plus on se montre inapte ou peu disposé à régler le conflit, plus complexe, plus ardue est la tâche; et plus dramatiques sont les conséquences pour la région et pour le reste du monde.
La chronicité de ce conflit et son enlisement, depuis 2014, dans l’immobilisme politique, ne doivent pas devenir un prétexte au désinvestissement et à la démotivation, ou un alibi pour afficher des attitudes négatives et adopter des décisions iniques, propres à accentuer le sentiment d’injustice et de frustration chez les Palestiniens, à les jeter en pâture à l’extrémisme et au désespoir.
Au vu de la situation, désormais, il appartient impérativement à la communauté internationale de faire preuve de célérité dans la mutualisation des efforts visant à remettre ce dossier sur la table des négociations dans l’espoir de parvenir à une solution concertée, équitable et sûre. Cette action doit être menée dans le cadre d’un processus rigoureusement défini, se fondant sur une vision réaliste et un échéancier clair, s’appuyant sur les référentiels existants, et garantissant que les deux parties y adhèrent de façon sérieuse, volontariste et responsable.
Par ailleurs, les grandes puissances internationales, au premier rang desquelles les Etats-Unis d’Amérique, et les puissances régionales influentes, se doivent, chacune selon sa position, de jouer le rôle qui leur incombe en la matière, dans un esprit de responsabilité et d’équité.
Mesdames et Messieurs,
En bute à un horizon politique fermé, le conflit israélo-palestinien est exacerbé par des décisions unilatérales et des pratiques qui offensent le sentiment national palestinien. Telle est la cause principale des tensions qui engendrent de la violence de part et d’autre et qui génèrent un usage disproportionné de la force, de la part des forces d’occupation israéliennes.
Ces tensions ont été perceptibles à l’occasion des Marches du Retour menées, au long de la zone frontalière de la Bande de Gaza, à des fins pacifiques et symboliques. En guise de riposte, les forces d’occupation israéliennes ont tiré à balles réelles directement sur les manifestants, faisant tomber des dizaines de martyrs et blessant des centaines de civils palestiniens sans défense.
Le Royaume du Maroc a exprimé sur-le-champ sa condamnation et son refus de ce comportement israélien, dangereux et contraire au droit international, ainsi que sa profonde tristesse face à ces événements dramatiques qui accroissent encore davantage la souffrance des enfants du peuple palestinien frère.
Ayant à cœur d’alléger ces souffrances et de manifester notre solidarité effective envers nos frères palestiniens, Nous avons personnellement supervisé le lancement d’une initiative humanitaire à leur intention, pendant le mois sacré de Ramadan. Initialement destinée à la Bande de Gaza, elle a été étendue à Al-Qods Al-Charif et à Ramallah.
Nous avons également veillé au déploiement, dans la Bande de Gaza, d’un hôpital de campagne relevant des Forces Armées Royales marocaines et offrant de multiples spécialités, notamment en pédiatrie, en orthopédie, en gastro-entérologie, en ophtalmologie et en oto-rhino-laryngologie.
Mesdames et Messieurs
Nombreux sont les colloques et les conférences dédiés à Al-Qods. Ces initiatives louables sont bien évidemment les bienvenues dans la mesure où elles se fondent sur de bonnes prémisses, procèdent d’intentions sincères, et qu’elles servent la Cause palestinienne, grâce au potentiel qu’elles sont susceptibles d’apporter en termes de solidarité, de sensibilisation, de soutien effectif et de recommandations réalistes et constructives.
Cependant, nous gardons en vue l’impératif de déployer plus d’efforts diplomatiques pour faire adopter des décisions internationales contraignantes en faveur d’Al-Qods; des décisions propres à protéger la ville sainte et à préserver son cachet spirituel et culturel et son statut juridique. Nous ne perdons pas non plus de vue la nécessité d’agir sur le terrain, en matière de développement et dans les domaines social et humanitaire, afin d’aider le peuple palestinien à lutter contre les politiques d’expulsion, d’éloignement et de déplacement exercées à son encontre.
Telle est l’approche que Nous suivons en tant que Président du Comité Al Qods, en veillant notamment à nouer des contacts réguliers et intenses avec les dirigeants des pays influents, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies et le président palestinien Mahmoud Abbas. Nous orientons aussi l’Agence Bayt Mal Al-Qods Al-Charif pour mener, sous notre supervision, une action continue sur le terrain. Ainsi, dans la Ville Sainte, ont été réalisés de nombreux projets économiques et sociaux couvrant des domaines aussi importants que le logement, l’éducation, la santé, les affaires sociales, la protection de la femme, de l’enfance, de la jeunesse et des catégories en situation difficile.
Mesdames et Messieurs,
Al-Qods doit faire l’objet d’un règlement politique réaliste et équitable, s’appuyant sur les référentiels internationaux existants et débouchant, par le biais de négociations directes entre les deux parties au conflit, sur la définition d’un statut final. A cet égard, c’est la responsabilité de la communauté internationale tout entière d’agir impérativement pour parvenir au règlement escompté. Pour cela, elle devra redonner vie au processus de paix, en assurer la supervision et accompagner les deux parties impliquées.
De fait, la question d’Al-Qods n’est pas l’affaire d’une religion, d’un peuple ou d’un pays, à l’exclusion des autres. C’est l’affaire de deux peuples et de deux Etats. Son règlement nécessite une volonté politique réelle et un effort collectif concerté; il requiert un parrainage international, qui s’appuie sur les atouts de l’expérience, de l’autorité, du pouvoir d’influence et qui répond au critère de neutralité.
De ce fait, il importe de mobiliser toutes les bonnes volontés dans un cadre fédérateur qui les unifiera et les insérera dans un mécanisme collectif équilibré. Ce dispositif a ainsi pour vocation d’aider les deux parties au conflit à observer les règles du droit international et à respecter la légalité internationale, les accords et les arrangements bilatéraux. Il doit également les inciter à se garder de toute solution anticipée sur les questions de statut final, avec, au premier chef, celles d’Al-Qods, des réfugiés et des frontières, les engageant à les régler dans le cadre des négociations sur le statut final.
Al-Qods a été et restera un espace de coexistence et de tolérance et un patrimoine universel, commun aux adeptes des religions révélées. Il appartient donc à tous de contribuer à sa sauvegarde et à sa protection, par une mobilisation constructive, des efforts sincères et des propositions judicieuses.
Pour donner un sens concret à l’importance de la ville d’Al-Qods et à sa symbolique universelle, je préconise d’envisager la possibilité que des sessions de cette conférence internationale soient organisées dans des pays situés en dehors du monde arabo-islamique.
Puisse Dieu couronner vos travaux de succès et guider vos pas et vos actions en faveur de la paix et de la sécurité ».

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