Omar Kettani: « Un taux directeur à 2% impactera directement le consommateur lambda »

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Omar Kettani, économiste et professeur à l’Université Mohammed V. DR.

Pour juguler une inflation devenue accentuée, le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu le mardi 27 septembre sa troisième session de l’année 2022. Il y a été décidé de revoir à la hausse le taux directeur qui passe de 1,5 à 2%. Eclairage d’Omar Kettani, économiste et professeur à l’Université Mohammed V.

Décidément, les séquelles de la pandémie et les implications de la guerre en Ukraine s’enchaînent. Après les produits de consommation, les prix des carburants, du gaz ou encore de l’immobilier, c’est au tour des banques d’élever leur taux directeur qui passe de 1,5 à 2%. De façon quasi synchronisée, les banques centrales du monde entier s’empressent de relever leurs taux d’intérêt directeurs dans l’espoir de maîtriser l’inflation galopante.

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Les taux directeurs sont les taux d’intérêt à court terme fixés par les banques centrales. Ces dernières les utilisent pour piloter leur politique monétaire et par conséquent contrôler la masse monétaire et réguler l’activité économique de leur pays. Mais est-ce une bonne initiative ? Ne risque-t-elle pas de provoquer un ralentissement de l’économie nationale ? Cette mesure aura-t-elle un impact direct sur le consommateur lambda ?

H24info: Pourquoi les banques centrales décident-elles d’augmenter le taux directeur ?

Omar Kettani: Logiquement c’est pour lutter contre une pression inflationniste, et donc pour restreindre un petit-peu la liquidité de la monnaie qui circule sur le marché de manière à ce que moins de liquide suppose une pression à la baisse des prix. Car moins de liquidité signifie moins de disponibilité pour le prix des produits sur le marché. On augmente le taux d’intérêt pour faire pression sur l’inflation.

Des taux faibles permettent généralement d’avoir une croissance économique plus élevée et de baisser ainsi le chômage. Si au contraire, les taux directeurs augmentent, la croissance et l’emploi baissent, car moins de liquidités sont octroyées à l’économie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle toutes les banques centrales se fixent un objectif d’inflation modérée et positive, généralement autour de 2 % , afin d’encourager une croissance progressive et régulière. Mais lorsque l’inflation commence à monter en flèche, la banque centrale est en grande difficulté.

Dans les conditions actuelles, est-ce une mesure suffisante ?

Je ne pense pas que ce soit suffisant. Nous avons eu d’un côté une pression inflationniste très élevée de 8 à 8,5%. De l’autre côté, nous avons une pression inflationniste importée de l’extérieur car nous avons la contrainte de devoir importer certains produits élémentaires de l’étranger et donc quelque-soit la pression par le manque, il y aura moins d’activité économique et donc moins d’investissements. C’est ce qu’on appelle la stagflation: un risque de stagnation accompagné d’une inflation.

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Alors que lorsqu’on restreint le taux d’intérêt, on restreint les chances de crédit auprès des banques et donc on restreint en quelques sortes l’investissement. Une mesure qui peut entraîner la stagnation. Ici, avec la pression inflationniste en partie importée de l’étranger, nous risquons de subir ladite stagflation. Donc il faut plusieurs mesures pour juguler l’inflation et pas simplement le taux directeur. C’est une mesure qui n’est certes pas suffisante, mais elle est tout de même nécessaire.

Comment cette mesure pourrait impacter directement le citoyen lambda ?

Les banques commerciales, celles vers lesquelles nous nous tournons lorsque nous devons ouvrir un compte bancaire ou souscrire un prêt, empruntent directement de l’argent auprès de la banque centrale pour couvrir leurs besoins financiers les plus immédiats. Et si la banque centrale impose des taux plus élevés aux banques commerciales, ces dernières augmentent à leur tour les taux qu’elles proposent aux ménages et aux entreprises qui ont besoin d’emprunter pour investir.

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Les gens qui achètent des maisons, des voitures, des biens etc. seront donc directement impactés. Car le taux directeur va se répercuter sur tous les crédits bancaires et ce taux va à son tour se répercuter sur les consommateurs qui ont recours auxdits crédits bancaires. C’est moins grave lorsqu’il s’agit des crédits bancaires de consommation mais en ce qui est des crédits d’investissement, cette augmentation générera forcément un ralentissement du secteur.

Ce n’est pas une mesure rétroactive car sur le plan juridique, ce n’est pas acceptable. Mais en ce qui est des crédits qui seront dorénavant pris, le taux d’intérêt de 2% sera appliqué car c’est une mesure urgente qu’on mettra en vigueur rapidement.

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