Coronavirus: pourquoi le Maroc ne généralise pas les tests de dépistage ?

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Le Maroc n’effectuerait pas assez de tests selon certains qui demandent la mise en place d’un dépistage massif de la population. D’autres rétorquent que ce choix est imposé par la «réalité locale», mais cette situation devrait évoluer dans les semaines à venir. Les explications de spécialistes.

Alors que la pandémie touche de plein fouet la planète, deux politiques de dépistages se sont imposées. Certains pays plus proches de l’épicentre qu’était la Chine dans un premier temps, ont opté pour un dépistage massif. C’est le cas de la Corée du Sud qui a effectué plus de 300. 000 tests. Résultat : 9.037 cas ont été confirmés, pour un total de 120 morts. Un choix stratégique réalisé avec succès, dicté en partie par le fait que le pays avait déjà fait des miracles avec ce procédé pour combattre le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003 et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) en 2015.

De plus, au pays du matin calme, la facilité de la pratique du test est encouragée avec près d’une cinquantaine de stations de test accessibles et praticables à partir de la voiture.

Enfin, la réussite du dépistage massif en Corée du Sud a été couplée à l’utilisation de la traçabilité des déplacements de la population par GPS et à une participation volontariste du citoyen dans cette démarche. Chose inimaginable dans nos contrées…

D’autres pays voisins de la Corée ont suivi cette démarche comme Singapour ou Taiwan, qui effectuent des dépistages massifs leur permettant de freiner plus rapidement la propagation du virus.

 

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A l’inverse, des pays comme la France ont décidé de limiter les tests de dépistages qu’aux personnes atteintes par le virus. Une politique dictée en partie par le nombre insuffisant de tests disponibles dans le pays.

Au Maroc, depuis l’annonce de la détection du premier cas, un peu moins de 900 tests ont été effectués. Là aussi, on déplore le manque de moyens pour pratiquer davantage de tests.

Le confinement semble être la seule mesure applicable pour pister et endiguer l’épidémie, et le nombre de dépistages ne dépasse pas 300. Le royaume applique ainsi à la lettre les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui préconisent de ne tester que les personnes suspectes et les placer en quarantaine pour limiter la propagation du virus.

 

Manque de moyens financiers, matériels et humains

Dans le même temps, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelait récemment les Etats à intensifier les tests de dépistage au nouveau coronavirus (Covid-19). «Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés. Testez, testez, testez», martelait Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.

Si le Maroc tarde autant à effectuer plus de tests, c’est en principe à cause du dispositif dont il est doté actuellement, nous explique Joumana El Turk, microbiologiste et doyenne de la faculté des sciences de la santé à l’Université Internationale de Casablanca.

«Aujourd’hui, nous avons à peine de quoi faire les tests pour les personnes malades», explique la microbiologiste. La raison étant que «les tests actuels sont assez complexes et pour avoir les résultats il faut quasiment une demi-journée», poursuit-elle.

De plus, seuls trois laboratoires sont habilités à effectuer ces tests, à savoir l’Institut Pasteur du Maroc à Casablanca, l’Institut d’Hygiène de Rabat et le Laboratoire de l’Hôpital d’Instruction Militaire Mohammed V de Rabat. Ces institutions sont les seules à disposer «de locaux adéquats et des personnes hautement qualifiées pour mener ces tests».

 

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Mais au-delà du manque de moyens, le Maroc a également été pris de court, comme bon nombre d’autres pays, par la propagation de ce nouveau virus. Notre spécialiste nous explique que le pays «n’a pas commandé assez de tests, mais des nouveaux seront livrés dans un court délai».

«Ces nouveaux tests seront plus rapides, avec un temps d’attente de seulement 45 minutes pour obtenir un résultat. Ce qui permettra donc faire des dépistages en masse, étant donné que le test sera plus rapide, moins cher et mois complexe et pourra être effectué par plus de laboratoires», affirme notre interlocutrice. Pour rappel, actuellement, la vitesse du dépistage développée par les laboratoires permet d’avoir des résultats dans un délai variant entre 3h30 et 5 heures.

Le coût du dépistage est également à prendre en compte pour comprendre sa limitation. En France, il est de 54 euros, et pris en charge par la Sécurité sociale et les mutuelles. Au Maroc, aucune prise en charge n’a été décidée pour les tests dont le coût reste exorbitant au vu du niveau de vie du Marocain moyen.

 

« Le confinement, seule mesure efficace »

 

Contacté par H24Info, Marouane Hakam, médecin expert en télémédecine souligne pour sa part que pour le moment «le Maroc a fait le choix que lui impose sa réalité locale, tout en prenant en compte les conseils de l’OMS».

Cette batterie de mesures est principalement «anticipatoire», se traduit notamment par la fermeture des écoles et des mosquées, l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes, la suspension des liaisons maritimes et aériennes, qui seront suivies par le confinement et depuis peu la déclaration de l’état d’urgence dans le pays.

Quant à la gestion du dépistage, elle reste ancrée dans cette réalité locale, souligne le spécialiste, rappelant que «les tests sont effectués sur les personnes symptomatiques et qu’un traçage et une surveillance visent également leur entourage et leurs derniers contacts».

 

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«Cette réalité régionale a également fait que nous avons une usine qui fabrique la chloroquine qui a été introduite dans le protocole», poursuit notre interlocuteur. En effet, cet antipaludique qui divise les experts, a été validé par le ministère marocain de la Santé pour le traitement du nouveau coronavirus (Covid-19).

Pour l’heure, la solution miracle n’existe pas. «La distanciation sociale est la seule mesure reconnue efficace par tous et les mesures barrière sont les seules mesures qui nous permettront de passer cette crise dans les prochaines semaines», conclut le médecin.

Aujourd’hui, le confinement sanitaire ou total reste la solution la plus réaliste et la plus économique pour notre pays. Alors, on ne le répètera jamais assez : «S’il vous plait, restez chez vous».

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