Comprendre la position du Maroc dans la crise du Golfe

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En optant pour une position neutre dans la crise qui oppose l’Arabie saoudite et ses alliés au Qatar, le Maroc vient d’affirmer son influence diplomatique dans la région. De là à pouvoir servir d’intermédiaire dans le conflit ?

Le Maroc aura attendu une semaine avant que sa diplomatie ne sorte enfin de sa réserve concernant la crise qui sévit entre le Qatar et l’Arabie saoudite. «Le royaume du Maroc suit avec une grande préoccupation la détérioration, ces derniers jours, des relations entre le royaume d’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis, le royaume du Bahreïn, l’Egypte et d’autres pays arabes d’un côté, et l’Etat du Qatar de l’autre», peut-on lire sur le communiqué du ministère des Affaires étrangères rendu public ce dimanche 11 juin.

Réaction « normale » et « attendue »
Alors que de grands pays arabes, comme la Jordanie et l’Egypte, ont pris fait et cause pour l’Arabie saoudite dans cette brouille, le Maroc a choisi la neutralité. Mieux, Rabat offre même sa médiation pour aider à régler le conflit. «Si les parties le souhaitent, le royaume du Maroc est disposé à offrir ses bons offices en vue de favoriser un dialogue franc et global, sur la base de la non-ingérence dans les affaires intérieures, la lutte contre l’extrémisme religieux, la clarté dans les positions et la loyauté dans les engagements», poursuit le communiqué du département de Nasser Bourita.

 

Mohammed VI avec les dirigeants des pays du Golfe lors d’un sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG)

Pour Nabil Mouline, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la réaction du Maroc est tout sauf une surprise. C’est une réaction «normale» et «plus ou moins attendue», estime le politologue, pour qui, contrairement à une Egypte trop proche des belligérants et asphyxiée économiquement, «le Maroc a la chance de pouvoir ne pas prendre position dans ce conflit». Un luxe que la diplomatie marocaine a pu se permettre «grâce à son éloignement géographique mais aussi au faible impact économique des pays du Golfe sur l’économie marocaine».

Alignements motivés par des « relations personnelles »
La souveraineté affichée de la diplomatie marocaine vis-à-vis de ce conflit tranche avec les positions prises par plusieurs pays arabes et non arabes, dont certains se trouvent à des milliers de kilomètres de la péninsule arabique, à l’instar de la Mauritanie ou du Gabon, qui se sont empressé de s’aligner sur la position du régime des Al Saoud. A en croire Nabil Mouline, plusieurs raisons expliquent ces alignements à la pelle. Des raisons aussi bien économiques que personnelles.

 

Nabil Mouline, chercheur au CNRS

«Prenons le cas de la Mauritanie: une partie de l’élite au pouvoir dépend de l’aide financière de l’Arabie saoudite et des Émirats. En même temps, elles n’apprécient guère les agissements de Doha, notamment le soutien aux Frères musulmans», explique le spécialiste de l’Arabie saoudite qui rappelle que «les relations personnelles et familiales jouent un rôle prépondérant dans les relations diplomatiques entre les systèmes autoritaires de la région». Faut-il rappeler que l’ancien président Mouaouia Ould Sidi Ahmed Taïa est exilé au Qatar depuis sa déposition par l’actuel chef de l’Etat, Mohammed Ould Abdelaziz.

Arbitrage plutôt que médiation
Les réactions en concert de plusieurs pays arabes et africains favorables à la position saoudienne rappellent à bien des égards celle qui avait prévalu lors du déclenchement de l’offensive par l’Arabie saoudite et ses alliés au Yémen. «Plusieurs pays avaient apporté leur soutien aux Saoudiens via des communiqués de leurs agences de presse. Mais ça s’était arrêté là. La force de frappe de ces pays-là est proche de zéro. Ces pays ont peu d’influence sur le conflit.», nuance le chercheur.

Alors que la crise entre le Qatar et l’Arabie Saoudite et ses alliés est semble-t-il partie pour durer, le Maroc a-t-il réellement les moyens de servir d’intermédiaire dans ce conflit? «Pas plus que d’autres pays qui se sont eux aussi proposés», rétorque le chercheur, qui explique qu’«en réalité, ce conflit nécessite plus un arbitrage qu’une médiation». Et à ce jour, seuls les Etats-Unis d’Amérique semblent capables d’agir en arbitre dans ce conflit.

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