Comment survivre à un mouvement de foule?

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A Séoul, 156 personnes ont trouvé la mort dans une bousculade à l'occasion de la soirée d'Halloween. Crédits photo: Linda Dabaklusa via Reuters

En écho au drame de Séoul qui a causé la mort de 156 personnes dans une bousculade à l’occasion de la soirée d’Halloween, H24Info s’est intéressé aux bons réflexes à adopter en cas de mouvements de foule. 

« Depuis les années 1990, l’intensité des mouvements de foule n’a cessé de croître. En moyenne, environ 380 personnes meurent chaque année ce type d’accidents, dont le plus meurtrier a causé la mort de 2.300 personnes à La Mecque en septembre 2015 », explique Mehdi Moussaid, chercheur interdisciplinaire spécialisé dans le comportement des foules, dans un article publié en 2019 sur The Conversation.

Le spécialiste énumère « trois attracteurs qui occasionnent les plus grands rassemblements: la religion, le football et la fête ». C’est justement une fête qui a provoqué la mort de 156 personnes, à Séoul, à l’occasion d’une soirée Halloween le samedi 29 octobre dernier. Une bousculade meurtrière a pris naissance dans une rue beaucoup trop étroite pour la densité de population réunie.

Les mouvements de foule peuvent survenir dans les lieux de rassemblement intense comme les stades de foot, les concerts, les marchés, les manifestations diverses… Au Maroc, on se souvient des 15 personnes décédées et cinq autres blessées dans un mouvement de foule lors d’une distribution d’aide alimentaire dans la région d’Essaouira, en 2017.

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Plus récemment, en avril dernier, le quart de finale retour de Ligue des champions opposant le Raja à Casablanca aux Égyptiens d’Al Ahly a failli tourner au cauchemar. Après la fermeture de la billetterie, un mouvement de foule devant le stade a semé la panique, sans provoquer de blessé.

« Toute foule implique un risque. En général, que ce soit sur le plan médical ou autoritaire, la gestion des foules est stratifiée avec des grades, etc. Généralement, on dit que le risque est proportionnel à la probabilité d’avoir un incident négatif. Il est proportionnel également aux enjeux liés à plusieurs conditions: vulnérabilité variable des personnes, étroitesse des espaces, exposition au soleil … Ces paramètres aggravent les risques », commente Dr Tayeb Hamdi, médecin généraliste et chercheur en politiques et systèmes de santé.

« Le risque est proportionnel à la probabilité d’avoir un incident, aux enjeux, mais il est inversement lié à la prévention. À chaque fois qu’on n’a pas de mesure de prévention, le risque est à son maximum. À chaque fois qu’une prévention est mise en place, le risque est bas. C’est donc une équation dans laquelle le risque est égal à la probabilité d’avoir un incident multiplié par l’enjeu divisé par la prévention », détaille le spécialiste qui précise qu’une situation devient risquée à partir de cinq personnes au mètre carré.

« Gestion des foules »

Sur le plan pratique, cela nous ramène à dire que la gestion des foules commence avant qu’il n’y ait des foules. Tout ce qu’il va se passer par la suite dépend de ce qu’on a préparé en amont. « Il faut mettre en place des parcours pour les secouristes, médecins, sur place, il doit y avoir des médecins, des infirmiers, des urgentistes, et des personnes formées en secourisme, il faut qu’il y ait des salles ou tentes et ambulances dédiées à agir le plus rapidement possible », préconise Dr Hamdi.

« Pourquoi mobiliser des sites sur places? Car les personnes sur place vont faciliter l’évaluation des dégâts et donc du risque et peuvent communiquer avec les hôpitaux pour organiser déjà le transport et la prise en charge. Sur place, l’équipe a l’avantage médical de prendre en charge les victimes urgentes: arrêt cardiaque, fracture cervicale, aussi un avantage organisationnel…« , abonde-t-il, indiquant que la majorité des problèmes peuvent être réglés sur place.

« Généralement, l’évacuation vers les hôpitaux ne concerne que 2 à 5% des incidents ». Tout le reste se gère sur place…, d‘où l’importance d’avoir des antennes sur place, mais aussi de connaître les gestes de premiers secours.

Dans le cadre d’une bousculade, il s’agit généralement d’une mort par asphyxie et donc un arrêt cardiaque. Les patients sont tellement serrés les uns contre les autres que le thorax subit une pression, il y a alors un manque d’oxygène, provoquant un arrêt cardiaque par asphyxie. « Sinon les personnes sont piétinées, dans ce cas, ce sont des fractures dans des zones très sensibles comme les cervicales, chutes, hémorragies internes…« , poursuit Dr Hamdi qui mentionne que quand on parle de bousculade, il y a un peu de tout: blessures, traumatismes, arrêts cardiaques, asphyxies, angoisses.

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Chaque type d’incident nécessite des premiers soins différents: immobiliser le blessé pour qu’il n’y ait pas d’aggravation des lésions ou arrêter l’hémorragie d’une plaie en train de saigner gravement, d’autres personnes n’auront besoin que d’être rassurées…

« Quelqu’un qui a perdu connaissance, il faut peut-être essayer de communiquer avec lui ou de faire la position latérale de sécurité (PLS). Quelqu’un de blessé, il faut lui réserver un espace et faire un cordon autour de lui en attendant l’arrivée des secours. Si on déplace mal quelqu’un qui a une fracture par exemple aux cervicales, cela peut lui causer une paralysie à vie ou même un décès. Les citoyens sur place qui connaissent les gestes de premier secours peuvent rejoindre spontanément les équipes médicales », développe le médecin qui regrette que l’enseignement des gestes des premiers secours ne soit pas généralisé dans les établissements scolaires.

« Normalement, on doit avoir au moins une personne par famille qui connaît les premiers gestes de secours », estime Dr Hamdi. Il  appelle tout un chacun à contacter le Croissant rouge ou les sapeurs pompiers pour suivrent des formations en secourisme gratuitement. « Il faut que ce soit institutionnalisé par le ministère de la Santé ».

De son côté, Mehdi Moussaid, spécialiste des mouvements de foule, prodigue dix conseils pour survivre pendant un mouvement de foule:

1. Ouvrir les yeux 

Il s’agit d’être attentif et de se diriger vers l’endroit où la densité de population est la plus faible. Regardez aussi autour et au-dessus de vous s’il n’est pas possible de s’extraire d’une manière ou d’une autre (un muret, une table, etc.).

2. Partir avant qu’il ne soit trop tard

N’hésitez pas à quitter la foule dès que vous sentez que cela devient compliqué et que vous avez encore suffisamment d’espace pour vous mouvoir. Cela réduira en même temps le risque d’encombrement.

3. Rester debout

Il est très important de se concentrer à rester debout, maintenir son équilibre. Si l’un tombe, il pourrait entraîner par effet domino une ribambelle de chutes dont il serait difficile de se relever.

4. Économiser l’oxygène

Dans la mesure du possible, contrôlez votre respiration, ne criez pas, restez calme, pour économiser votre oxygène.

5. Replier les bras

A la manière d’un boxeur, repliez les bras devant vous pour maintenir un espace de sécurité de quelques centimètres permettant à votre cage thoracique de puiser la respiration nécessaire.

6. Se laisser porter par la vague

Lors d’un mouvement de foule, surtout, ne résistez pas et laissez-vous porter par la vague en vous concentrant sur le maintien de l’équilibre.

7. S’éloigner des parois

Les simulations numériques du chercheur montrent que les pressions les plus intenses sont exercées au voisinage d’un obstacle solide. Dans la mesure du possible, il est nécessaire de s’écarter des murs, des poteaux et des grillages.

8. Jauger les signaux de densité

« Si vous n’avez aucun contact physique avec vos voisins, vous êtes probablement encore en dessous de 3 pers/m2, il n’y a pas de risque. Si vous touchez involontairement un ou deux de vos voisins en même temps, la densité doit se situer entre 4 et 5 pers/m2. Il n’y a pas de danger immédiat, mais il serait préférable de commencer à vous éloigner tranquillement du cœur de la congestion. Si les mouvements de vos bras sont entravés au point que vous ayez du mal à approcher votre main de votre visage. Il y a trop de monde. Partez!« , détaille Mehdi Moussaid.

9. En cas de panique

Il faut garder en tête que le mouvement de foule peut présenter plus de dangers que la menace que l’on fuie. Prenez le temps d’analyser la situation et éloignez-vous calmement en gardant vos distances avec la cohue.

10. L’entraide

Une foule solidaire a plus de chance de survie qu’une foule d’individualistes, assure le chercheur. « Alors, restez humain et bienveillant envers les autres en proposant votre aide quand vous le pouvez, en évitant de causer la chute de vos voisins et en veillant sur les plus faibles. Tout le monde en profitera, y compris vous-même.« 

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