Au Maroc, la pauvreté et l’ignorance derrière la persistance du mariage des mineures

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Le président du ministère public a présenté le 29 novembre les résultats d’une étude inédite sur le mariage des mineures au Maroc, dont la majorité sont des filles.

Si le législateur marocain a autorisé le mariage pour les personnes n’ayant pas encore atteint l’âge de 18 ans dans des cas exceptionnels, comme spécifié dans le Code de la famille, les statistiques montrent que cette pratique résiste. Le mariage des mineures « empêche les enfants de jouir de leurs droits, les rend plus vulnérables face aux violences de toutes sortes et est derrière des taux élevés de mortalité maternelle et infantile », déplore le ministère public dans une étude présentée le 29 novembre, à Marrakech, par son président Moulay El Hassan Daki.

Ce « mariage constitue également l’un des principaux obstacles pour assurer l’éducation, l’emploi et d’autres opportunités d’autonomisation pour les filles et les jeunes femmes », lit-on dans le document.

Lire aussi: Lutte contre le mariage des mineures: Hayar en faveur d’un dialogue public

En 2020, les tribunaux marocains ont reçu 19.966 demandes d’autorisation pour des mariages de mineures, avait déjà fait savoir le 23 novembre dernier Moulay El Hassan Daki. Sur ces demandes, 13.335 ont été acceptées. Pour mieux comprendre les raisons derrière, le ministère public s’est intéressé à plusieurs indicateurs, dont justement le temps pris par chaque juge pour donner son autorisation aux demandeurs.

24 heures pour autoriser un mariage

Il en ressort que le délai de décision dans ce genre de cas ne dépasse pas les 24 heures pour la majorité d’entre eux, soit 57%. Selon l’étude, 36% des autorisations émises par les juges se sont faites en une semaine, alors que seules 7% ont nécessité un délai de plus d’une semaine après la demande.

 

Le « pourcentage élevé des demandes d’autorisation pour le mariage des mineures qui se font au quotidien ne permet pas de faire une recherche sociale », que ce soit au niveau du tribunal ou en se déplaçant au domicile de la personne mineure. Les recherches effectuées par les juges des affaires familiales « ne suffisent pas à constituer une conviction sur la réalité des motifs et circonstances du mariage de la mineure ».

Aussi, un « grand pourcentage des autorisations reposent uniquement sur la recherche sociale » et non sur une « expertise médicale ». Or, c’est une « procédure de base qui permet de donner une image fidèle basée sur des données scientifiques sur l’éligibilité de la mineure, physiquement et psychologiquement, à supporter les conséquences du mariage », déplore l’étude.

Autre constat inquiétant: la majorité (89.20%) des recherches menées avant d’accorder l’autorisation de mariage à une mineure se font à la fois avec le fiancé et la mineure, ce qui rend la conclusion du contrat de mariage contrainte par celui-ci.

 

L’âge prédominant du mariage chez les mineures « victimes de mariages précoces » est compris entre
16 ans et demi et 17 ans et demi. Une avancée rendue possible, selon le ministère public, grâce aux formations continues administrées sur le sujet aux magistrats.

Marier ses filles pour moins dépenser 

Il a également été constaté que la plupart des mineures mariées grandissent dans des situations sociales difficiles, souvent caractérisées par une précarité. Le mariage précoce est alors perçu comme un solution à cette situation, surtout avec l’augmentation du nombre de femmes au sein de la même famille.

« Le mariage précoce est une occasion de se débarrasser des dépenses concernant les mineures, et une opportunité d’obtenir une aide matérielle de la part du futur mari et de sa famille », souligne l’étude. Résultat: pour 11,37% des cas de mariages précoces autorisés, le motif principal est la pauvreté.

Les milieux où l’analphabétisme et l’ignorance sont répandus sont les plus « productifs pour ce type de mariage », souligne l’étude. Dans la plupart des cas, ces mariage ont lieu dans des milieux caractérisés par un niveau d’éducation faible, ne dépassant pas le niveau primaire. La déperdition scolaire est la principale source de mariage pour les filles mineures.

A l’inverse, plus le niveau d’instruction de la mineure, de sa famille et du fiancé est élevé, plus le taux du mariage précoce est bas.

Enfin, l’étude s’est penchée sur les profils des personnes majeures qui prétendent à des mariages avec des mineures. Plusieurs parmi eux sont des « hommes de l’éducation et des imams », soit les premiers censés contribuer à la lutte contre ce phénomène.

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