Manuka, un miel convoité qui suscite la discorde entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande

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L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont lancées dans une bataille judiciaire sans merci pour assurer l’exclusivité autour de l’appellation « miel de Manuka », un élixir aux vertus miraculeuses qui compte toujours plus d’amateurs à travers le monde.

Dans une intervention exceptionnelle dans le domaine privée, le gouvernement néo-zélandais a récemment approuvé une demande de certification visant à commercialiser en Chine du miel sous l’appellation “manukaé”, une démarche qui fragiliserait l’industrie du miel australienne et son milliard de dollars australiens à l’exportation.

L’ »Unique Manuka Factor Honey Association », qui représente un groupe de producteurs de miel néo-zélandais, cherche ainsi à empêcher les apiculteurs australiens d’utiliser le terme « miel de Manuka » dans diverses juridictions du monde. Avant la Chine, l’association avait demandé une marque de certification sur ce terme en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans l’Union européenne.

 

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Affirmant que « Manuka » est un terme maori, relevant de la culture du peuple indigène de Nouvelle-Zélande, John Rawcliffe, le porte-parole de l’Unique Manuka Factor Honey Association, demande aux apiculteurs australiens de s’abstenir d’utiliser cette dénomination et de trouver un autre nom à leur miel. « Ce miel est connu sous le nom de miel d’arbre à thé ou de gelée du bush depuis 130 à 140 ans, dans la littérature scientifique. Donc changer subitement d’avis et utiliser le terme qui a maintenant une renommée mondiale liée à la Nouvelle-Zélande, je trouve que c’est inadmissible », s’indigne-t-il.

Si cette démarche s’avère concluante, l’industrie naissante du miel de Manuka en Australie sera durement secouée. L’ »Australian Manuka Honey Association », qui regroupe les apiculteurs australiens, estime qu’il faudrait au moins dix ans pour que leur produit soit reconnu sous une nouvelle dénomination. « Si elles réussissent, ce serait une catastrophe », s’indigne l’apiculteur australien Nicola Charles, qui vend du Manuka depuis maintenant 10 ans. « Il s’agit de la viabilité de notre industrie », souligne-t-il.

 

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Trevor White, le directeur du conseil australien de l’industrie du miel d’abeille, se défend et affirme que le terme « Manuka » était utilisé par les Aborigènes de Tasmanie (un État insulaire isolé au large de la côte sud de l’Australie), et que les Néo-Zélandais n’ont donc pas le monopole du mot, rappelant que le miel d’arbre à thé australien est produit depuis les années 1800.

Les deux voisins s’engagent ainsi dans une guerre judiciaire à ramifications financières très importantes. Le miel de Manuka est devenu un produit cher et convoité dans le monde entier, grâce à ses prétendues propriétés médicinales. Il se vend jusqu’à 400 dollars le kilogramme, selon la teneur de son principe actif, le méthylglyoxal.

La médecine maorie utilisait le manuka, l’huile essentielle que l’on extrait par distillation à la vapeur pour ses propriétés antiseptique, antifongique et décongestionnante. La science a découvert que le miel dispose de plusieurs composés actifs, notamment le caryophyllène, le géraniol, le pinène, le linalol, l’humulène et le leptospermone, mais surtout le méthylglyoxal, un élément qui offre au miel une puissance antibactérienne.

Le Manuka (Leptospermum scoparium) est un arbrisseau de la famille des Myrtacée, à feuilles persistantes à écorce écaillée, s’élevant jusqu’à 3 mètres. Ses feuilles sont petites et odorantes et ses fleurs blanches et parfumées. Il est parfois mieux connu sous son nom anglais de Tea-tree. Il pousse à l’état sauvage en Nouvelle-Zélande, Australie, y compris la Tasmanie dans des régions au climat doux et océanique, en sol acide.

La popularité du Manuka ne cesse de grandir ces dernières années, notamment grâce à des célébrités qui l’ont adopté, notamment le joueur de tennis serbe Novak Djokovic qui en prendrait deux cuillères tous les matins, l’actrice américaine Gwyneth Paltrow qui l’ajoute à ses smoothies ou la star de télé-réalité Kourtney Kardashian.

Selon William Van Caenegem, professeur de droit à la Bond University, « le véritable enjeu du débat est de savoir si le miel de Manuka est juste un terme descriptif pour un style de miel, ce qui signifierait que les Australiens peuvent l’utiliser aussi bien que les Néo-Zélandais ».

« Prenez le kiwi par exemple. C’est un terme qui a été développé en Nouvelle-Zélande, mais c’est devenu un terme descriptif mondial de ce type de fruit », relève-t-il, ajoutant que « le kiwi est cultivé en Europe, mais on l’appelle toujours le kiwi même s’il ne vient pas de Nouvelle-Zélande. »

Cette bataille judiciaire, dans laquelle les deux nations du Pacifique ont injecté des millions de dollars, n’est pas fortuite. Selon les estimations, le marché de ce miel devrait atteindre 1,2 milliard de dollars d’ici 2028. Si les applications pharmaceutiques et cosmétiques du miel sont pleinement exploitées, cette évaluation pourrait plus que doubler.

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