Loi immigration: démission du ministre français de la Santé, la majorité fracturée 

Publié le
France: le ministre de la Santé démissionne en contestation contre le vote de la Loi immigration
Le ministre français de la Santé Aurélien Rousseau, Aurélien Rousseau, opposé à la loi sur l'immigration, a remis le 19 décembre 2023 au soir une lettre de démission à la Première ministre française Elisabeth Borne, a confirmé le porte-parole du gouvernement français Olivier Véran. © Ludovic MARIN / AFP

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a confirmé mercredi la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau, « absent ce matin au conseil des ministres », remplacé « en interim » par l’actuelle ministre déléguée chargée des professions de santé Agnès Firmin Le Bodo.

L’exécutif s’est évertué mercredi à nier toute crise au sein de la majorité macroniste malgré le profond malaise, la démission de Rousseau et les divisions générés par l’adoption au Parlement d’une loi controversée sur l’immigration, avec les voix du Rassemblement national qui s’estime idéologiquement vainqueur de la séquence.

Mais à l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a confirmé que ce texte, finalement adopté après 18 mois de revirements et rebondissements, avait eu une conséquence politique majeure: la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau.

« Il n’y a pas de mouvement de fronde ministérielle », a assuré Olivier Véran, lors du compte-rendu du conseil des ministres, au lendemain du vote au Parlement du projet de loi Immigration vivement critiqué par la gauche et applaudi par la droite et l’extrême droite.

« J’ai beaucoup d’estime, beaucoup d’amitié » pour Aurélien Rousseau « et je le remercie pour ce qu’il aura mis en place et poursuivi » a déclaré Olivier Véran.

« Le choix de démissionner n’est pas un choix facile », a-t-il ajouté, après des heures de rumeurs faisant état du départ de M. Rousseau, suite au vote du projet de loi Immigration au Parlement mardi soir. « Peut-être que les chemins sont tortueux qui conduisent à entériner l’idée de sa propre démission ».

La veille, au vu du texte très nettement marqué à droite et alors que Marine Le Pen annonçait que son groupe le voterait, plusieurs ministres avaient pourtant mis leur démission dans la balance.

L’adoption s’est finalement faite dans la douleur, des dizaines de voix de la majorité manquant à l’appel, tandis que celles de LR, premier interlocuteur du gouvernement lors des dernières tractations, compensaient ces pertes. L’attitude des ministres marqués à gauche, comme Clément Beaune (Transports), était particulièrement scrutée lors du Conseil des ministres.

Le revirement de dernière minute du Rassemblement national, opposé au texte jusqu’à mardi après-midi mais y revendiquant une « victoire idéologique » sur une de ses antiennes historiques, la préférence nationale, a été qualifié de « véritable escroquerie intellectuelle » par Olivier Véran.

Devant ses ministres, Emmanuel Macron a déclaré, selon un participant, qu’il y a dans le texte « des choses que je n’aime pas mais qui ne sont pas contre nos valeurs ».

Elisabeth Borne avait, elle, rappelé le choix du gouvernement de ne « pas tenir compte » des voix du RN puisque le texte, voté à l’Assemblée nationale par 349 voix contre 186, aurait pu être adopté sans les 88 voix du RN.

« Il n’y a pas de mesures de préférence nationale » dans le texte, ont martelé la Première ministre et le porte-parole.

Face aux critiques virulentes de la gauche, des associations et d’une partie de sa majorité, Emmanuel Macron doit s’exprimer mercredi soir dans l’émission « C à vous » sur France5.

Dans l’immédiat, il a saisi, conformément à son engagement avant l’adoption de la loi, le conseil constitutionnel pour que les Sages puissent « statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi ».

Conformité que la Première ministre a elle-même reconnu fragile. Le texte « sera amené à évoluer », a-t-elle expliqué, n’excluant pas de « revenir » sur certaines dispositions comme les aides personnalisées au logement, qui ont cristallisé les derniers débats.

Elle a aussi assuré que l’Aide médicale d’Etat (AME) pour les étrangers sans papiers ne serait « pas supprimée », après s’être engagée pourtant auprès de la droite à la réformer début 2024.

Plusieurs figures de la majorité ne cachaient pas mercredi matin leur gêne, accentuée par le ralliement de Marine Le Pen à ce texte qui a pour but de faciliter les expulsions de migrants illégaux et rendre moins attractif pour les étrangers le système de protection sociale français.

Le président de la commission des Lois Sacha Houlié, qui a voté contre le texte, a dit sur RTL avoir « un peu la gueule de bois ».

« Il est absolument nécessaire de remettre d’aplomb la majorité, ses idées, et le gouvernement », a jugé sur France 2 le patron du MoDem François Bayrou, allié historique d’Emmanuel Macron.

La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a admis qu’elle « n’aurait pas rédigé 100% du texte » qu’elle a voté mardi et que « la majorité vivait un moment plutôt douloureux ».

Quant au département du Lot, dirigé par la gauche, il a annoncé qu’il refuserait d' »appliquer la préférence nationale » instituée selon lui par la loi immigration pour l’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Dans l’opposition, le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, à la manoeuvre depuis plusieurs semaines pour faire pencher le texte à droite, a mis en doute la détermination du chef de l’Etat à appliquer le texte voté mardi, prédisant la fin du macronisme qui selon lui ne tenait que lorsqu’il y avait « des petites mesures ».

La rédaction vous conseille

Les titres du matinNewsletter

Tous les jours

Recevez chaque matin, l'actualité du jour : politique, international, société...

Loi immigration: démission du ministre français de la Santé, la majorité fracturée 

S'ABONNER
Partager
S'abonner