La fermeture des hammams a « causé 12.000 pertes d’emploi à Casablanca », selon la profession

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Asphyxiés par les mesures sanitaires liées à la pandémie, les professionnels des hammams et des spas de Casablanca ont lancé une récente pétition appelant le gouvernement à autoriser la réouverture de leur secteur. Le représentant syndical a été reçu aujourd’hui par les parlementaires pour discuter de solutions. 

« J’ai signé la pétition mais je n’y crois plus. Actuellement, on survit. Depuis le 16 mars, on attend que ça passe », témoigne sous anonymat la propriétaire d’un salon d’esthétique et spa de Casablanca. Totalement démotivée, la jeune femme nous raconte sa lassitude face aux mesures « illogiques » adoptées par les autorités vis-à-vis de ce secteur.

« Je ne comprends pas pourquoi ils ne font pas la distinction entre hammam beldi et hammams individuels pour lesquels les précautions de distanciation sociale peuvent être respectées », s’indigne-t-elle, confiant que beaucoup d’établissements se voient contraints d’ouvrir en cachette.

D’autant que malgré la pandémie, la demande pour ce service utilisé quotidiennement ne désemplit pas. « Je reçois des dizaines d’appels par jour de clientes qui veulent faire un hammam, elles nous supplient de les laisser », raconte impuissante la professionnelle qui respecte scrupuleusement la consigne.

Fermés le 20 mars dernier lors du premier confinement, puis rouverts le 25 juin, avant de refermer le 20 août, les hammams de Casablanca (ainsi que de Kénitra et d’Agadir toujours fermés) sont à l’agonie, et les employés asphyxiés économiquement.

« Des dizaines de milliers de familles affamées »

L’interdiction d’ouvrir « affame des dizaines de milliers de familles initialement déjà défavorisées et ayant à leur charge plusieurs personnes à la fois », alerte la pétition portée par l’Union Générale des Entreprises et Professions (UGEP) et initiée par Asma El Mernissi, propriétaire du spa Maison d’Asa. Lancée il y a six jours, la pétition a recueilli à l’heure actuelle quelque 600 signataires. Elle vise à attirer l’attention du gouvernement sur un secteur « largement ignoré par tous ».

« Ce secteur concerne des milliers de familles. On dirait que l’Etat a oublié ces gens-là. De plus, il y a beaucoup d’injustice; les spas hôteliers restent ouverts et jouissent de subventions. On aurait aimé que les autorités nous proposent des solutions, une réflexion, un intérêt quelconque », s’insurge Asma El Mernissi qui rappelle que le hammam est « un élément d’hygiène pour beaucoup de familles dépourvues de salles de bain ou d’eau chaude ».

Lire aussi : Réouverture des restaurants, cafés, et hammams, passage à la deuxième phase de déconfinement

Autre conséquence de ce blocage, l’essor de l’informel. « De très mauvaises pratiques sont en train de s’installer. Les travailleuses font leurs prestations à domicile et enchaînent les déplacements dans divers foyers. N’est-ce pas là un risque d’infection plus important? Aujourd’hui, on perd notre personnel et notre clientèle à cause de ces nouvelles habitudes qui s installent et qui déprécient notre métier impliquant des normes et des formations », ajoute la propriétaire de Maison d’Asa. Après avoir maintenu dans un premier temps 25% de son personnel, la professionnelle n’a pas eu d’autre choix que de remercier l’ensemble de ses salariés, faute de trésorerie.

Une profession « exclue de la CNSS »

« Comment interpréter que notre profession soit exclue de l’aide de la CNSS apportée au personnel des spas hôteliers qui de plus offrent à la clientèle tous les soins, hammams, massages, esthétique… », lit-on dans la doléance adressée au gouvernement. « Nous n’avons aucune aide de l’Etat », confirme notre première interlocutrice anonyme qui continue à payer ses deux employés de hammam malgré l’inactivité.

Et d’ajouter: « Je ne peux pas les abandonner, personne ne les aide. Elles gagnent normalement entre 3.000 et 5.000 DH/mois avec des pourboires pouvant atteindre le double de leur salaire. C’est très difficile pour des femmes qui ont des familles à charge, avec quatre ou cinq enfants ». La professionnelle a pu former ses employées de hammam à certains services de coiffure comme le lavage de cheveux afin de ne pas les licencier. Si elle parvient à tenir grâce à ses autres services esthétiques (coiffure, onglerie…), la plupart des hammams traditionnels n’ont pas d’autres activités que les bains de vapeur.

« Le Maroc abrite quelque 14.000 hammams dont environ 4.000 à Casablanca. A raison de trois ou quatre employés par établissement, cela fait environ 12.000 personnes ayant perdu leur emploi rien qu’à Casablanca », comptabilise Rabie Ouaacha, président de la Fédération nationale des associations de propriétaires et gérants de hammams traditionnels et douches publiques au Maroc. Joint par H24Info cet après-midi, le représentant syndical venait d’assister à une réunion avec les parlementaires pour discuter du cas critique des professionnels des hammams. Même si aucune date de réouverture n’a été évoquée pour le moment, Ouaacha se veut optimiste, et rapporte que « les responsables et parlementaires ont promis de saisir le gouvernement sur ce sujet afin de prendre des mesures urgentes ». Affaire à suivre…

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