Effina: « le Maroc fera face à une concurrence acharnée dans la CEDEAO »

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Monnaie unique, les opportunités pour les investisseurs marocains, mais également les défis… Driss Effina, économiste, explique dans cet entretien les enjeux de l’adhésion du Maroc à la CEDEAO.

 

Driss Effina, économiste

H24Info: Quelles sont les opportunités de l’adhésion du Maroc à la CEDEAO ?

Driss Effina: La volonté du Maroc d’intégrer la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en tant que membre à part entière s’inscrit dans une volonté royale du développement de la coopération Sud-Sud, couronnée dernièrement par le retour du Maroc à l’Union africaine.

Cette décision présente des opportunités mais également des défis pour le Maroc notamment en matière d’investissements et de coopération économique.

Ainsi, les entreprises marocaines peuvent tirer profit des potentialités de croissance que recèlent les économies de cette communauté économique.

Il est question de la possibilité d’accéder directement aux richesses naturelles abondantes et variées et aux ressources humaines jeunes et bon marché, de réduire des coûts de production et de pénétrer un marché, d’environ 320 millions d’habitants, dont les besoins socioéconomiques ne sont que très faiblement couverts.

 

Quels sont les avantages pour les pays de la CEDEAO?

En terme d’avantages pour les pays de la CEDEAO, les opérateurs privés et publics marocains vont apporter leur expertise et leur savoir-faire.

Dans ce sens, plusieurs domaines sont concernés, notamment au niveau des infrastructures et de l’agriculture en particulier à travers les programmes de formation, l’assistance technique, le transfert de la technologie ainsi que l’aide au développement.

De même, la position privilégiée du Maroc grâce à son statut avancé avec l’Union Européenne et aux différents accords de libre-échange conclus notamment avec les Etats-Unis d’Amérique et la Turquie vont profiter aux pays de cette communauté économique.

Par ailleurs, la concrétisation du projet gazoduc annoncé récemment, qui doit acheminer du gaz Nigérien via le Maroc jusqu’en Europe, en passant par de nombreux pays membres de ce groupement régional, ambitionne une révolution économique et énergétique en Afrique de l’Ouest.

Ce projet aspire aussi à soutenir la création de pôles industriels susceptibles d’augmenter les flux d’investissements directs étrangers vers la région.

La présence des opérateurs marocains dans la CEDEAO induit également de nombreux défis.

Concernant les défis à relever, ils sont immenses.

Même si la majorité des IDE marocains (90%) se concentre seulement dans trois pays de la CEDEAO (Mali, Côte d’Ivoire et Sénégal), la présence des opérateurs économiques nationaux dans cet ensemble régional risque d’être accompagnée d’une concurrence acharnée, et pour cause. La plupart de ces pays sont devenus, durant les deux dernières décennies, un enjeu stratégique mondial, en particulier pour les pays émergents dont notamment la Chine. Cela sans se passer de l’influence grandissante de certains pays membres de la CEDEAO comme le Nigéria.

Par ailleurs, et dans la mesure où les IDE sortants constituent une fuite d’une partie de l’épargne locale, l’augmentation des flux d’investissements vers les pays de la CEDEAO peut se traduire par un manque à gagner en termes d’investissement et d’emploi au niveau national, au moment où le Maroc s’est engagé dans des grands chantiers structurants qui nécessitent des financements importants.

De ce fait, il est opportun d’encourager, en parallèle, l’entrée d’investissements desdits pays pour rééquilibrer le compte des opérations financières entre les deux parties.

 

Les investisseurs marocains seront-ils confrontés à des risques financiers ou liés à la d’insécurité dans certains pays de la CEDEAO ?

 

Malgré les avancées réalisées en matière de l’amélioration de la gouvernance et de la stabilité politique dans les pays membres de la CEDEAO, durant ces dernières années, de multiples risques et menaces planent encore sur un grand nombre de pays.

On cite la montée du terrorisme au Mali, principale destination des IDE marocain, et du Nigéria dont les opportunités d’investissements sont prometteuses notamment avec la concrétisation du projet gazoduc.

Cette situation d’insécurité au Mali et au Nigéria, avec un impact non négligeable sur les pays voisins, est de nature à peser négativement sur les intérêts des opérateurs marocains agissant au niveau de ce bloc économique régional.

 

Qu’en est-il de l’idée d’une future monnaie unique de la CEDEAO?

Cette question de la monnaie unique ne doit pas être un obstacle pour l’adhésion du Maroc à la CEDEAO.

On commence d’abord par les échanges économiques, le projet de la monnaie unique pourrait se concrétiser par la suite si les conditions nécessaires sont réunies. En outre, c’est une initiative qui nécessite plus d’une décennie pour se concrétiser.

Aussi l’élargissement du partenariat économique avec la CEDEAO, dont cinq pays sont anglophones (Gambie, Ghana, Liberia, Nigeria et Sierra Leone), impose l’apprentissage par les opérateurs économiques marocains de la langue anglaise et des cadres réglementaires hérités des Anglo-Saxons.

Mais force est de constater que pour l’instant les pays concernés ne sont pas prêts pour une monnaie unique.

La raison est qu’ils ont des bases économiques différentes, sans parler des problèmes liés à la souveraineté de ces pays qui ne sont pas assez matures à ce niveau.

L’Union européenne, elle-même, risque un éclatement de sa zone euro selon des prévisions, alors qu’elle est plus avancée en termes d’organisation et de puissance économique.

 

 

 

 

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