Don d’organes au Maroc: comment devenir un donneur potentiel et pourquoi c’est important

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Crédit photo : Brendan Smialowski - AFP

Seulement 1200 donneurs potentiels sont inscrits sur le registre du don à ce jour. Comment devient-on donneur d’organes au Maroc et quels sont les principaux freins à cette pratique? 

« Le don d’organes est parfois le meilleur moyen de sauver des vies. ll y a la dialyse mais la greffe est la solution la plus pérenne et économique pour les ménages. Elle offre une certaine qualité de vie et facilite la réinsertion sociale », nous explique Dr Hamdi, médecin généraliste et chercheur en politiques et systèmes de santé.

Pourtant, cette pratique est peu adoptée au Maroc où seulement 1200 donneurs potentiels sont inscrits sur le registre du don à ce jour.

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Les statistiques du Registre international sur le don et la transplantation d’organes (IRODat) montrent le peu d’engouement que suscite cette pratique auprès des Marocains

Comment devient-on donneur d’organes au Maroc? Il faut distinguer le don d’organes du vivant de la personne et le don d’organes en état de mort encéphalique. Pour le premier cas, la personne doit être un donneur apparenté: le père, la mère, le fils, la fille, le frère, la sœur, l’oncle, la tante, le cousin germain, la cousine germaine et le conjoint après un an de mariage. Il faut être adulte majeur et en bonne santé.

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L’Espagne et les Etats-Unis, champions du monde du don d’organes post-mortem/ IRODat

Quel que soit le lien entre le donneur et le receveur, toute forme de pression psychologique ou financière est interdite par la loi. Le consentement est obligatoirement exprimé devant le Président du Tribunal de Première Instance du lieu d’habitat du donneur. Il s’assure que le candidat est bien informé sur les risques et les conséquences du prélèvement et que son consentement est libre et éclairé, indique le site du ministère de la Santé.

Lire aussi : Don d’organes: le nombre des donneurs demeure très faible comparé à celui des patients

« Nous n’avons pas de donneurs vivants non-apparentés au Maroc. Le donneur vivant ne peut donner pour un organe vital que le rein, parce qu’on en a deux, et il faut s’assurer que l’autre fonctionne bien, ou une partie du foie. A part ça, on ne peut donner que des cellules mais pas d’organes », précise Dr Amal Bourquia, néphrologue et présidente de l’association Reins.

Pour le cas du donneur post-mortem, ce dernier doit également s’inscrire sur le registre des acceptations auprès du Président du Tribunal de Première Instance de sa région. « Il faudra aussi signifier votre choix et le dire à vos proches (conjoint, parents, enfants) afin qu’il soit respecté. Vous pouvez aussi porter une carte de donneur dans vos papiers. Cette démarche n’a pas de valeur légale mais facilite la décision de vos proches », lit-on encore sur le site du ministère de la Santé.

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La demande est déposée au registre des acceptations auprès du Président du Tribunal de Première Instance de la région du donneur

« Les gens sont mal informés »

Malgré cela, il arrive souvent qu’en pratique, les familles du défunt refusent, regrette Dr Bourquia, et dans ce cas, les médecins n’iront pas à l’encontre de leur volonté. Au Maroc, la culture du don d’organes n’existe pas. En environ quatre décennies, 600 transplantations rénales ont été réalisées dans notre pays. De son côté, l’Espagne fait six à sept fois plus chaque année, soit plus de 4000 transplantations par an.

« Généralement, les gens sont mal informés. Il faut informer, sensibiliser et rassurer. Surtout que sur les 34 000 personnes sous dialyse au Maroc, plus de la moitié seraient des candidats potentiels à la greffe », souligne Dr Hamdi qui se dit favorable à cet acte. « Le principal souci est de protéger cette opération du commerce ou de la pression. »

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Don d’organes par pays / AFP

Pour l’expert, le Maroc n’a pas su capitaliser sur ses acquis pour avancer dans la voie du don d’organes. « En 1952, la loi autorisait le prélèvement de tissu sur les cadavres dans les hôpitaux; en 1958, une association a été reconnue d’utilité publique pour la greffe de cornée », relate Dr Hamdi qui développe cinq principales raisons à ce blocage:

  1. Un frein culturel: par exemple, 12% des patients sous dialyse rénale s’opposent à la transplantation pour plusieurs motifs;
  2. Un défaut d’information, communication et sensibilisation: seuls 12% des dialysés sont inscrits sur la liste d’attente pour greffe rénale. De plus, selon une étude, 62,70% de ces hémodialysés avaient déclaré n’avoir jamais été informés sur le sujet; et sur les 37% informés, moins d’un dialysé sur deux (48.39%) seulement déclare avoir reçu les informations de leurs néphrologues, alors qu’ils passent quatre heures par séance trois fois par semaine durant des années au contact du personnel médical;
  3. La peur et les craintes: certaines peuvent être légitimes comme le cas de citoyens ayant déjà des relations conflictuelles avec le système de santé (dans le public et privé) pour des soins de tous les jours. D’autres sont non fondées comme la peur des complications et celle du trafic d’organes, alors que la loi marocaine est très stricte et le pays n’a pas d’antécédent;
  4. Un frein législatif: le don d’organes des mineurs est interdit, sauf pour un don de moelle osseuse. La démarche de s’inscrire quand on est favorable ne facilite pas l’initiative à l’inverse d’un registre des refus avec consentement par défaut comme c’est le cas dans certains pays étrangers;
  5. Coûts et assurance maladie: sachant que la greffe coûte beaucoup moins chère que la dialyse (donc économie pour le patient et les caisses de maladie).
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Guide élaboré par le ministère de la Santé pour encourager le don d’organes

« Un choix de société »

Pour Dr Bourquia, qui milite depuis des années en faveur de la greffe, il s’agit d’un « choix de société ». « Il ne faut donc pas compter sur ce traitement pour les Marocains. C’est quand même dommage. On a tellement d’accidents de la route et on pourrait sauver tellement de vies. On a beaucoup de jeunes et d’enfants qui sont dialysés qu’on pourrait aider », déplore la spécialiste qui balaye l’argument religieux invoqués pour justifier certains refus.

« Les gens ne veulent juste pas donner et se cachent derrière ça alors que s’ils se retrouvent dans le besoin d’une greffe, ils ne diront pas non. Ils ne penseront pas à la religion », s’indigne la présidente de Reins.

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Sondage réalisé par Market Insights pour le quotidien l’Economiste

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La question du don d’organes au Maroc a été remise sur le devant de la scène, le mois dernier, dans le scénario de la série télévisée ramadanesque «Kaina dorouf». Son traitement a suscité une vive polémique, à la suite de la mort de l’héroïne après avoir donné son rein à son frère souffrant d’insuffisance rénale chronique.

Lire aussi : À Casablanca, quatre personnes devant la justice pour trafic d’organes

« Des gens inconscients, ils ne devaient pas traiter ce sujet si sensible avec autant de désinvolture. On fait tout pour que les donneurs n’aient aucun problème et vivent longtemps sans aucun problème », rassure Dr Bourquia.

« On fait tout pour que les donneurs n’aient aucun problème et vivent longtemps »

C’est seulement après une évaluation minutieuse par une équipe spécialisée et autorisée que le don devient possible. Le prélèvement chez un donneur vivant ne peut être pratiqué que par des équipes médicales très spécialisées et dans des établissements hospitaliers autorisés par le ministre de la Santé selon des critères très stricts.

Il n’y a pas de limite d’âge, il suffit que l’organe ou le tissu prélevé soit sain et que le prélèvement n’ai pas de conséquences significatives sur la santé du donneur. Dans une étude récente, 97% des donneurs s’estiment en bonne santé, 10 années après le don.

 

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