Coronavirus: bloqués à l’étranger, des Marocains témoignent leur galère

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Des Marocains attendent de passer la frontière à Sebta, le 13 mars 2020. AFP

A la suite de la décision du Maroc de bloquer ses liaisons aériennes et maritimes avec la France, l’Espagne, puis le reste du monde, des centaines de Marocains se retrouvent bloqués dans les pays dans lesquels ils séjournaient. Témoignages. 

La soeur de Leila* est bloquée à Algésiras. A l’annonce de l’arrêt des vols entre l’Espagne et le Maroc jeudi dernier, la jeune fille qui séjournait en Espagne avait pris d’urgence un bateau pour Sebta, afin de rentrer au Maroc via la frontière terrestre de l’enclave. Sauf que les frontières terrestres des enclaves espagnoles ont également été fermées le jour d’après, soit le vendredi 13 mars. Commence alors un long périple pour la jeune fille et son mari qui vont dormir trois nuits dans leur voiture à Sebta dans l’espoir de passer enfin de l’autre côté de la frontière.

D’après le témoignage de Leila, ils étaient quelques 250 Marocains bloqués à Sebta ce weekend, attendant dans des conditions précaires des nouvelles des autorités. « Ma soeur et son mari avaient au moins leur voiture pour s’abriter. Des familles avec enfants en bas âge, des personnes âgées…ont dû dormir dans la rue », s’indigne la jeune femme. Les autorités espagnoles leur ont ensuite interdit de sortir du secteur de la douane et des associations locales sont venues pour leur donner à manger, poursuit-elle, précisant que l’interdiction de passage venait des autorités marocaines et non espagnoles.

Le passage par Sebta ne sera finalement pas possible. Ce matin, à 4h, « les autorités espagnols ont réveillé les Marocains pour les faire embarquer dans un bateau en direction d’Algésiras ».

Ci-dessous une vidéo dans laquelle un groupe de Marocains bloqués ce matin à Algésiras prend la parole et appelle le roi Mohammed VI à débloquer la situation:

« Depuis ce matin, je n’ai pas eu de nouvelle de ma soeur », s’inquiète Leila, « nous avons appelé les autorités, on essaye les numéro d’urgence mais aucune réponse, on a appelé le consulat d’Algésiras qui nous a répondu qu’ils ne peuvent rien faire pour nous », ajoute-t-elle, désespéré. « Les gens sont livrés à eux-mêmes, c’est une catastrophe, cette situation peut rendre des gens malades. Macron a bien fait en sorte que les Français rentrent chez eux, pourquoi le Maroc ne fait pas la même chose pour ses ressortissants?! », plaide-t-elle.

A Paris, Khalid et son épouse sont également livrés à eux-mêmes. « Malheureusement nous n’avons aucune nouvelle de l’ambassade et/ou des consulats; pourtant ils nous avaient demandé de laisser nos coordonnées avec la promesse de nous contacter », témoigne-t-il. « Je comprends parfaitement la situation de notre pays devant le risque de la pandémie mais ceci ne doit pas être une excuse pour nous traiter de la sorte. C’est la non visibilité et l’indifférence qui nous mettent en rage. Nous sommes désemparés, nous ne savons pas quand et comment nous allons rentrer. À l’aéroport il y avait des cas graves de personnes seules séparées de leurs enfants ou conjoints et qui n’ont pas où aller… »

« Nous sommes les oubliés, les laissés pour compte »

Khalid et son épouse logent chez leur fils et peuvent faire du télétravail mais craignent que la situation s’aggrave avec « les rumeurs qui annoncent le couvre-feu imminent en France ». « Un ami s’est déplacé ce matin à l ambassade. Quelques dizaines de personnes faisaient la queue. Plusieurs responsables sont sortis leur parler. Au final, rien d’autre à faire que d’attendre que Rabat donne le feu vert pour nous affréter quelques avions ».

L’artiste Jihane Bougrine fait partie des chanceux qui ont pu regagner de justesse le royaume. Elle était en voyage en Europe et à New-York pour divers événements culturels. Elle prend un vol New-York-Paris le 12 mars et son vol retour pour le Maroc était initialement prévu pour le 18 mars. Voyant que les événements s’annulent petit à petit, elle essaye de trouver un vol pour le Maroc le jour-même mais les prix étant chers, elle se rabat sur un vol Air France le samedi 14 mars. « Vendredi matin, la nouvelle de la suspension des vols tombe et là c’est la descente aux enfers car nous n’avons eu aucune nouvelle. J’essaye d’appeler l’ambassade du Maroc à Paris pour savoir s’il y a un délai mais aucune réponse, ni du côté des compagnies aériennes alors qu’ils savaient que c’était jusqu’à samedi soir », rapporte-t-elle.

 

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L’artiste cherche alors du côté des vols transit et pose deux options, un vol via Tunis et l’autre via Amsterdam avec le risque que ces pays limitent également leurs échanges. « Le vendredi soir, Air France m’annonce que le vol est annulé, et dans la foulée mes deux options aussi, c’est un cauchemar », poursuit-elle. « J’ai alors commencé à chercher des appartements à louer, Paris est comme un deuxième chez moi car j’y ai vécu jusqu’à mes 13 ans mais j’ai quand même eu très peur, même niveau financier, je n’aurais pas eu assez d’argent pour survivre. Je n’ose même pas imaginer les touristes marocains de passage et qui n’ont rien », se désole Jihane Bougrine.

« Personne n’a prêté attention à nous, tandis que je voyais les messages de l’ambassade de France au Maroc défiler et très réactifs pour leurs ressortissants, nous, nous étions les laissés pour compte, les oubliés, et le pire, c’est le comportement de la RAM », raconte Jihane. En effet, « après le discours de Macron, les vols retours au Maroc sont passés de 150 à 1.600 euros ». « C’est une honte que la compagnie aérienne nationale spécule sur des vies comme ça, j’aurais passé trois mois à rembourser ce billet », s’insurge Bougrine qui a eu la chance de trouver un vol Bruxelles-Tanger avec Air Arabia pour 300 euros.

« A Bruxelles, on était des milliers de Marocains à faire la queue. C’était la panique car personne ne savait s’il y aurait des vols, la plupart était là depuis 24h sans avoir dormi. On se demandait même si l’avion pourrait atterrir, donc c’est la panique jusqu’à la dernière minute », poursuit-elle, saluant les mesures de sécurités prises par le personnel de l’aéroport de Tanger. « A mon arrivée à Tanger, j’ai été très fière de constater les mesures de sécurité mises en place au Maroc, le scanner, le contrôle de la fièvre, etc, c’était assez incroyable et je ne l’ai vu ni à Berlin, ni à Berlin, ni aux Etats-Unis. Mais ce qui est regrettable, c’est de laisser les Marocains coincés à l’étranger ».

De nombreux Marocains bloqués à l’étranger ont partagé leur désarroi sur les réseaux sociaux:

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