Combats meurtriers à Tripoli: les dirigeants rivaux se rejettent la responsabilité

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Des véhicules endommagés dans une rue de la capitale libyenne Tripoli le 27 août 2022, à la suite d'affrontements entre groupes libyens rivaux. (Photo de Mahmoud TURKIA / AFP)

Les deux Premiers ministres rivaux en Libye se sont rejeté dimanche la responsabilité des combats entre groupes armés dans la capitale Tripoli, qui ont fait 32 morts et 159 blessés et ravivé le spectre de la guerre.

Deux gouvernements se disputent le pouvoir dans le pays pétrolier plongé dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011: l’un est basé à Tripoli (ouest) et dirigé par Abdelhamid Dbeibah depuis début 2021, et un autre conduit depuis mars dernier par Fathi Bachagha et soutenu par le camp du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est.

Dans un discours diffusé sur la page Facebook du gouvernement, M. Dbeibah a accusé ses rivaux de répondre à des « agendas étrangers », les taxant de « criminels » et de « putschistes » ayant « mené la guerre à la capitale avec des chars et des armes lourdes ».

« Nous allons poursuivre tous ceux qui sont impliqués » dans les violences, a-t-il lancé, promettant de relocaliser certains QG des groupes armés hors du centre de la capitale.

Son rival Fathi Bachagha, à la tête d’un exécutif installé à Syrte, à environ 500 km à l’est de Tripoli, a accusé M. Dbeibah, « sa famille régnante et ses gangs armés » d’être « responsables du sang qui a coulé et de ce qui adviendra à cause de leur obsession pour l’argent et le pouvoir qu’ils veulent conserver coûte que coûte ».

Néanmoins, selon des médias locaux et des experts, c’est M. Bachagha qui a tenté de déloger le gouvernement de son rival de Tripoli mais a échoué. Il avait déjà essayé d’installer son gouvernement en mai à Tripoli, sans succès aussi.

De vendredi à samedi soir, des tirs nourris et des bombardements ont retenti sans répit dans plusieurs quartiers de la capitale, conséquence de cette lutte de pouvoir.

Si les combats ont cessé, les dégâts sont visibles partout à Tripoli: des bâtiments criblés de balles, des centaines de voitures calcinées et six hôpitaux touchés.

« Terrifiés »

Selon le ministère de la Santé, 32 personnes ont été tuées et 159 blessées, dont un nombre indéterminé de civils.

« Des roquettes, des missiles volaient au-dessus de nos têtes, au milieu des immeubles résidentiels », a raconté à l’AFP Mohamad Abaya, 38 ans, un habitant.

« Nous étions vraiment terrifiés », a confié Lotfi Ben Rajab, un retraité vivant à proximité. « Les combats étaient extrêmement violents. Une roquette est tombée dans le salon de mon voisin mais, grâce à Dieu, n’a pas explosé. »

Des groupes armés considérés comme neutres dans le bras de fer, notamment la Force al-Radaa (dissuasion), se sont rangés du côté de M. Dbeibah, jouant un rôle décisif dans l’issue des combats.

Dans une lettre relayée par la presse locale, le procureur général a demandé à la Direction de passeports d’interdire de voyage M. Bachagha, certains de ses ministres ainsi que l’ex-patron du renseignement militaire, Oussama Jouili, un soutien clé de M. Bachagha.

La Force conjointe des opérations, une puissante milice pro-Dbeibah, a affirmé avoir arrêté plusieurs « assaillants » impliqués dans le coup de force manqué de M. Bachagha.

Les derniers affrontements ont été d’une ampleur sans précédent depuis l’échec en juin 2020 de la tentative du maréchal Haftar de conquérir militairement la capitale, au plus fort du conflit ayant suivi la chute du régime Kadhafi tombé après une révolte populaire.

Ce conflit s’est caractérisé par des rivalités entre l’Est et l’Ouest, des luttes de pouvoir, des ingérences étrangères et des combats entre groupes armés.

« Sans fin »

Le gouvernement intérimaire de Tripoli est né d’un processus parrainé par l’ONU, avec comme mission principale l’organisation en décembre dernier d’élections qui ont été reportées sine die.

Considérant que le mandat de M. Dbeibah a expiré, le Parlement basé dans l’Est a désigné en février M. Bachagha Premier ministre. M. Dbeibah, lui, ne veut céder sa place qu’à un gouvernement sorti des urnes.

Dimanche, l’ONU à de nouveau appelé au dialogue pour résoudre l’impasse politique et « à ne pas recourir à la force ».

Cela dit, la crise est loin d’être réglée avec la myriade de milices aux allégeances mouvantes à Tripoli.

« Les groupes armés qui se sont retrouvés du même côté dans les combats hier à Tripoli s’affronteront demain pour le territoire, les postes et les budgets. Les factions qui étaient hier pro-Dbeibah le défieront demain. C’est une histoire sans fin », a résumé sur Twitter, Wolfram Lacher, expert de la Libye à l’Institut allemand SWP.

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