Aïcha Aouad (chorégraphe): “Le Maroc, un vivier pour le monde du cirque et de la danse contemporaine”

Publié le
aicha aouad 3

Pour sa 3e édition, le festival culinaire et artistique “L’Olive au cœur” qui s’est déroulé du 9 au 19 novembre 2023 à Fès, a connu un joli succès avec cette année un programme étendu sur six jours et organisé sur les sites traditionnels du festival et dans la médina. Rencontre avec Aïcha Aouad, danseuse chorégraphe franco-marocaine qui a qui a monté à cette occasion le spectacle “L’Escale FEStive”.

Porté par l’association marocaine d’aides aux enfants en situation précaire, ce festival était aussi l’occasion pour les apprentis de l’école Kan Ya Makan Rdda d’exprimer leur savoir-faire et leur potentiel afin de contribuer à la dynamisation de la vie culturelle locale.

Au programme : des spectacles, des conférences, des démonstrations de production d’huile d’olive par pressage au domaine Noor Fès ou encore des dégustations avec les apprentis de l’École des Arts culinaires de l’École Moulay Ali Chrif, encadrés par des chefs français et internationaux de renom.

Le spectacle itinérant baptisé “L’escale FEStive” dans le quartier de Lalla Yeddouna près de Rcif a mis en lumière le patrimoine local à travers les arts vivants et la gastronomie. Interview avec Aïcha Aouad, danseuse chorégraphe franco-marocaine qui dirige la compagnie “La rose des vents” à Aix-en-Provence.

 

H24Info. Vous avez présenté un très beau spectacle au festival l’Olive au cœur, quel bilan en tirez-vous ?

Aïcha Aouad : Je suis ravie de l’accueil chaleureux du public lors de ces six représentations à Fès à Dar Laraki. Le bilan de ce projet est vraiment positif. Le festival “L’Olive au cœur”, organisé et pensé par l’association d’aide aux enfants en situation précaire (AMESIP), est un projet fédérateur qui accompagne concrètement la réinsertion sociale de ces jeunes, leurs formations ou encore leur professionnalisation dans leur domaine respectif (art du cirque du mouvement, arts culinaires, régie son lumière etc…)

Les 25 jeunes que j’ai eu l’occasion de réunir ont répondu merveilleusement à cette dynamique de groupe et à cet élan collectif.  Tout le monde s’est mobilisé durant 40 jours pour donner le meilleur de soi en traversant des creux de vagues, des joies, des peines, mais tout en œuvrant collectivement avec passion et en acceptant que la vie soit « mouvement fragile » .

Cette expérience commune à la fois artistique et humaine a été très forte et restera inscrite dans nos mémoires.

aicha aouad

Pendant les répétitions.

Vous avez rassemblé une trentaine de jeunes artistes venus d’horizons divers, parfois opposés.

Les jeunes rassemblées autour du projet sont tous issus des écoles Moulay Ali Chérif de Fès et de l’école nationale du cirque Shems’y à Salé. Ont rejoint par la suite le projet, des danseurs et collaborateurs artistiques de la compagnie Rose des vents venus de France pour l’occasion : ils étaient là pour transmettre un savoir-faire comme l’art du jonglage, la confection de marionnettes, ou fusionner avec des musiciens locaux…  Et certains ont participé pleinement au spectacle en suscitant de vraies rencontres et beaux partages.

 

Quelle a été la recette pour que la magie opère ?

La magie opère à mon sens lorsque certains ingrédients sont réunis comme, dans notre cas, les notions de partage, d’écoute, de curiosité, essentielles dans la transmission. Il s’agit d’être dans une pédagogie de la découverte, sans perdre l’exigence artistique. Il faut également que tout le monde s’approprie le projet, se sente investi et trouve sa place… Enfin, il faut une dose de confiance et de respect réciproques, d’intuition et surtout une grande dose de travail, sans oublier le petit grain de folie…

Pour ma part, ces projets ne sont jamais écrits d’avance, ils se construisent au jour le jour à partir de ce que chacun donne et reçoit, dans un souci d’échange et de dialogue.

escale festive 1

Parlez-nous de “L’Escale FEStive”, ce spectacle organisé dans le magnifique riad Laraki de Fès autour de 6 tableaux

Ils sont trente jeunes, issus de l’école Moulay Ali Cherif ou de l’école nationale de cirque Shems’y, encore amateurs en remobilisation sociale, apprentis ou lauréats. Pour certains, il s’agit de mettre en lumière leurs premières ébauches artistiques et, pour d’autres, de partager leur expérience de créateurs et d’interprètes…
Cette escale à laquelle ils nous invitent est en effet un temps qui sort du cadre de la scène et offre au public une visite guidée en 6 tableaux, 6 espaces, dans les labyrinthes de Dar Laraki

Il s’agit d’un travail in situ. J’ai souhaité des tableaux différents tantôt en lien avec l’architecture du lieu tantôt en clin d’œil au festival (culinaire, l’olivier … ) à la fois sensibles, poétiques, et où l’espace de jeux et de liberté restent présents pour les interprètes. Cette expérience collective insuffle du jeu, de l’espérance et donne la force d’aller de l’avant !

 

escale festive

Une expérience à renouveler ?

Je suis dans la nécessité de partager et de faire vivre des projets artistiques dans le contexte de notre pays avec le plus d’authenticité possible à travers ma longue expérience de danseuse contemporaine, d’interprète et de chorégraphe vivant en France depuis 40 ans. La France m’ a permis de vivre de mon art en toute liberté, de me construire, de fonder une famille … C’est une chance, c’est précieux. Mon expérience de la danse a été très riche, et je souhaite peut-être transmettre à travers mon vécu le sens de l’engagement et une vision du mouvement moins académique, plus sensible.

Je pense profondément que l’art et l’expression artistique sont vecteurs d’émancipation, que la jeunesse marocaine que je côtoie porte en elle une fougue, du talent, une énergie débordante, le courage d’aller de l’avant… si nous lui ouvrons des portes.

Il faut que les espoirs portés par ces talents puissent s’exprimer et que ces expériences ne soient pas des feux de paille. Je souhaite véritablement que l’art contemporain puisse s’exprimer dans toute sa diversité et à travers toutes les strates de la société. Mais je n’oublie pas que mon premier engagement pour ces jeunes est de restaurer et conforter l’image qu’ils ont d’eux-mêmes en développant l’estime de soi et la confiance qui en découle.

Je remercie d’ailleurs l’AMESIP de m’avoir ouvert la porte pour permettre ce dialogue avec cette jeunesse marocaine qui m’apprend chaque jour, et en particulier sa présidente Touraya Bouabid qui entreprend des choses remarquables pour et en direction des jeunes .

escale festive 4

Comment s’organise ce genre de spectacle quand on vit en France ?

Mes aller-retour entre le Maroc et la France ne sont pas faciles, mais vitaux. C’est à travers ces liens, ces ponts entre les deux rives que se situe le sens même de mon travail. Les périodes de travail restent courtes, car l’essentiel de mon travail est en France. Je souhaite inverser ce temps à l’avenir afin de développer des collaborations plus profondes et plus stables.

Je souhaite que la  compagnie Rose des vents continue d’avoir une existence en France, mais qu’elle trouve sa place au Maroc. Je sais qu’il existe un vrai vivier en danse contemporaine, cirque et musique et espère aller à la rencontre de ces associations, institutions pour imaginer des collaborations riches et fructueuses. Je reste optimiste !

La rédaction vous conseille

Les titres du matinNewsletter

Tous les jours

Recevez chaque matin, l'actualité du jour : politique, international, société...

Aïcha Aouad (chorégraphe): “Le Maroc, un vivier pour le monde du cirque et de la danse contemporaine”

S'ABONNER
Partager
S'abonner