Afrique du Sud: Cyril Ramaphosa, l’ex-syndicaliste en marche vers le pouvoir
Publié leIl a été syndicaliste, dauphin pressenti de Nelson Mandela puis homme d’affaires à succès. A 65 ans, le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa n’a jamais été aussi près de réaliser son ambition: accéder à la tête de la nation « arc-en-ciel ».
Ramaphosa a remporté lundi la bataille pour la succession du président Jacob Zuma à la direction du Congrès national africain (ANC), face à l’ancienne épouse de l’actuel chef de l’Etat, Nkosazana Dlamini Zuma.
Un succès de l’ANC aux élections générales de 2019 lui permettrait de remplacer Zuma.
Son accession à la direction du parti constitue une consécration pour cet enfant de Soweto, militant de la première heure de la lutte contre le régime de l’apartheid. Et une revanche.
En 1999 déjà, Cyril Ramaphosa avait cru pouvoir décrocher son Graal. Considéré comme le « fils préféré » de l’icône Mandela, il s’était déjà présenté à la présidence de l’ANC. Mais les caciques du parti lui avaient finalement préféré Thabo Mbeki.
Déçu, il avait fait mine de renoncer pour se consacrer aux affaires.
Mais après avoir amassé une fortune de près de 378 millions d’euros, selon le classement 2015 du magazine américain Forbes, Ramaphosa est vite revenu en politique en se faisant élire, en 2012, vice-président de l’ANC.
Ces derniers mois, face à sa concurrente au patronyme éclaboussé par les scandales reprochés à son ex-époux, Cyril Ramaphosa a fait campagne sur l’éthique et la morale, en multipliant les attaques au vitriol contre Jacob Zuma.
‘Complice’
« Il est absolument impératif d’agir vite et fort pour faire en sorte que nous ne devenions jamais un Etat-mafia », déclare-t-il en mai.
Un peu facile, ont jugé ses adversaires, qui lui ont reproché d’avoir découvert un peu tard les turpitudes de son « patron ».
« Depuis qu’il est devenu le numéro 2 de Jacob Zuma, Cyril Ramaphosa a été au mieux silencieux, au pire son complice », l’a étrillé le chef de l’opposition Mmusi Maimane.
Qu’importent les critiques. Dans un parti en crise, le vice-président était persuadé que son heure avait enfin sonné.
Né le 17 novembre 1952 à Soweto, Cyril Ramaphosa s’est illustré dans le militantisme étudiant dans les années 1970. Arrêté en 1974, il passe onze mois à l’isolement en cellule.
Diplômé en droit, il se tourne vers le syndicalisme – forme légale de protestation contre le régime de l’apartheid – et fonde en 1982 le Syndicat national des mineurs (NUM).
Sous ses ordres, l’organisation devient une machine de guerre qui réunit 300.000 membres. Son implication dans la grande grève du secteur en 1987, qui fait vaciller le régime de l’apartheid, lui vaut d’être remarqué par les dirigeants de l’ANC.
Et quand Nelson Mandela sort de prison, en 1990, il fait du jeune syndicaliste un de ceux qui vont négocier la transition politique avec le pouvoir blanc.
Cyril Ramaphosa figure parmi « les plus doués de la nouvelle génération », a écrit de lui « Madiba » dans ses mémoires.
Dans la foulée des premières élections démocratiques de l’historie du pays, en 1994, il devient président de l’Assemblée constituante. Négociateur redoutable, c’est lui qui dirige la rédaction de la Constitution sud-africaine.
Après son échec pour succéder à Nelson Mandela à la tête de l’ANC en 1999, le socialiste autoproclamé Ramaphosa coupe les ponts avec l’ANC pour se lancer dans les affaires.
‘Politique d’abord’
A la tête de la holding Shanduka, il fait fortune en siégeant aux conseils d’administration de la Standard Bank, en présidant celui de l’opérateur de téléphonie MTN ou en rachetant toutes les licences des restaurants McDonald’s du pays.
Mais son divorce avec la politique n’est que de courte durée.
« C’est la politique qui fait battre son cœur. Ses affaires étaient un moyen, pas une fin en soi », explique son ancien partenaire Michael Spicer au journaliste Ray Hartley, auteur de la biographie « Ramaphosa, l’homme qui voudrait être roi ».
Vice-président de l’ANC en 2012, vice-président du pays depuis 2014, Cyril Ramaphosa est de retour, ambitieux comme jamais.
Pour parvenir à ses fins, il compte sur son image modérée et son passé de « héros » de la lutte anti-apartheid pour séduire les classes moyennes et les investisseurs.
Son passage dans le monde des affaires lui vaut parfois de vives critiques. En 2012, alors administrateur du groupe minier Lonmin, l’ex-syndicaliste demande à la police de rétablir l’ordre à Marikana (nord), où des mineurs réclament de meilleurs salaires. La police ouvre le feu sur les grévistes, faisant 34 morts.
Cyril Ramaphosa est blanchi par une commission d’enquête mais ce massacre continue à lui être reproché par ses adversaires.
Ni cette affaire, ni de récentes accusations d’adultère rapidement balayées ne l’empêchent toutefois de continuer sa course.
Désormais aux commandes de l’ANC, il lui reste moins de deux ans pour redresser l’image d’un parti à la popularité déclinante et affaibli pour le conduire à la victoire en 2019 et réaliser les promesses d’une nation « arc-en-ciel ».
« Nous devons construire une société plus égalitaire », a-t-il répété ces dernières semaines. La tâche s’annonce ardue.
Par Camille MALPLAT