A Rabat, la vie des femmes enceintes menacée par le manque d’anesthésistes?

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Image d'illustration. DR.

Au Maroc, l’hôpital suffoque. Parmi les spécialités médicales les plus touchées par le manque de personnel: les médecins anesthésistes. Un problème qui pénalise le citoyen marocain et notamment les femmes enceintes qui se rendent à l’hôpital des Orangers de Rabat. Car au-delà de 16h00, aucune césarienne ne peut être envisagée. Détails.

Décidément, le problème de pénurie des médecins anesthésistes a l’air de persister. Et ce manque au niveau du personnel se ressent même dans la capitale du Maroc. À Rabat, les femmes enceintes, notamment celles présentant des complications et nécessitant une opération de type césarienne, ne peuvent plus être prises en charge au niveau de la maternité des Orangers au-delà de 16h00. Celles-ci sont directement transférées à un Centre hospitalier provincial ou au Centre hospitalier universitaire de la ville des lumières.

Pas de césarienne le soir

« C’est malheureux de voir des femmes en danger et devoir les orienter vers un autre hôpital ou les aider du mieux que nous pouvons alors que ce n’est pas à nous de le faire », déplore Abdelilah Asaissi, président de l’Association marocaine des infirmiers anesthésistes réanimateurs (AMIAR). Et si Abdelilah Assaissi s’exprime ainsi, c’est qu’il réclame le « droit institutionnel d’exercer l’activité d’anesthésie en présence effective d’un médecin anesthésiste tel que stipulé dans l’article 6 de la loi 43-13 relative à l’exercice des professions infirmières ».

Dans le détail, les mères examinées au niveau de l’unité des admissions ne présentant pas de contre-indications pour un accouchement par voie basse sont admises et prises en charge au niveau de l’hôpital même. Celles qui présenteront par contre des complications, ne serait-ce qu’une indication probable d’évolution vers une césarienne, sont transférées à l’hôpital de la Maternité Souissi « dans les conditions de qualité et de sécurité suivant le système d’orientation opérationnelle en vigueur », avait déclaré la tutelle.

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Jusqu’en septembre dernier, les infirmiers anesthésistes n’avaient pas le droit, selon l’article 6 de la loi 43-13 relative à l’exercice des professions infirmières d’exercer leur activité d’anesthésie qu’en présence effective d’un médecin anesthésiste réanimateur. Et devant un nombre insuffisant de médecins anesthésistes, le ministère de la Santé publique et de la protection sociale a appelé les infirmiers anesthésistes réanimateurs du secteur public à assurer, d’une manière provisoire, les interventions urgentes décidées par le médecin chirurgien ou le médecin responsable en urgences, et qui ne peuvent être différées, en cas d’absence d’un médecin anesthésistes réanimateur.

« Les infirmiers anesthésistes sont des collaborateurs indispensables des médecins anesthésistes réanimateurs. Nous les assistons, mais nous ne les remplaçons pas. Nous travaillons en binôme car l’anesthésie réanimation est plus facile à réaliser avec quatre mains. Notre souci, notre but, c’est la qualité des soins que nous prodiguons et la sécurité des patients », poursuit le président de l’AMIAR.

Davantage de vies en danger

« Le ministre a bien expliqué qu’en l’absence d’un médecin anesthésiste réanimateur, l’infirmier anesthésiste doit assurer l’opération. Mais le bloc opératoire de l’hôpital de Maternité et de santé reproductrice les Orangers a deux médecins réanimateurs qui terminent leurs fonctions à 16h. Pourquoi ne pas les solliciter en dehors de ces horaires et le faire avec un infirmier anesthésiste. C’est la vie des femmes enceintes qui est en jeu et pourtant ça n’a pas l’air de déranger la tutelle », se révolte un membre du bureau local du CHU Ibn Sina de la Fédération nationale de la santé (FNS) affiliée à l’Union marocaine du travail (UMT).

Pour notre source, les infirmiers opérant au sein de l’hôpital de Maternité et de santé reproductrice les Orangers ne savent pas sur quel pied danser. « Pourquoi obliger un seul infirmier de garde à procéder à des opérations urgentes que doivent normalement réaliser deux personnes ? Si deux réanimateurs sont là, pourquoi ne pas les solliciter en cas d’urgence. Surtout si le travail se fait à deux et qu’au final, c’est la sécurité de la patiente en matière de soins d’urgence qui compte le plus », ajoute notre source.

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Face à une telle situation qui met gravement en péril l’offre de soins du service public de la santé et la qualité de la prise en charge des patients, Abdelilah Assaissi dit se retrouver entre le marteau et l’enclume. Il demande en ce sens que la tutelle prenne des initiatives, non seulement pour augmenter les effectifs d’anesthésistes-réanimateurs, mais également pour apporter des réponses concrètes aux situations les plus urgentes, comme celle que connaît le l’hôpital des Orangers.

« Nous ne sommes pas contre travailler et sauver la vie des patientes. Bien au contraire, c’est un devoir. Mais nous souhaitons le faire dans les règles de l’art. On ne peut pas remplacer les médecins car chacun sa profession. Le ministère de la Santé doit soit recruter des réanimateurs anesthésistes, soit fermer les portes de l’hôpital une bonne fois pour toutes à 16h00 », réclame le membre du bureau local du CHU.

Force est de noter que cette situation ne concerne pas uniquement l’hôpital des Orangers, mais s’étend sur les quatre coins du Royaume. Et les statistiques le confirment. Au Maroc, on dispose de 876 médecins anesthésistes réanimateurs (dont 436 dans le secteur public et 440 dans le secteur privé) et 2.213 infirmiers en anesthésie-réanimation qui peuvent prodiguer des soins spécifiques à environ 37 millions de Marocains.

Ces chiffres sont largement en deçà des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Celle-ci préconise d’avoir 6 médecins anesthésistes par 100.000 habitants. «Nous nous posons beaucoup de questions sur le devenir dudit hôpital. En cas de non réponse, nous comptons faire un sit-in qui prendra le temps qu’il faudra en attendant de trouver une solution en urgence à ce problème qui pénalise la santé du citoyen marocain », conclut le membre du bureau local du CHU Ibn Sina de la FNS affiliée à l’UMT.

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