Vidéo. «J’ai vécu le massacre de Casablanca du 7 avril 1947»

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massacre de Casablanca
Image d'illustration./Crédits: DR.

Le Maroc commémore cette année le 76e anniversaire du massacre de Casablanca du 7 avril 1947, ayant fait des centaines de morts. Abdallah Naguib, grand amateur de l’histoire de la capitale économique, a vécu ses évènements. Il nous raconte.

« J’avais dix ans lorsque se sont déroulés les évènements du 7 avril 1947 de Casablanca », nous confie Abdallah Naguib, banquier à la retraite et passionné d’Histoire et plus particulièrement celle de sa ville natale, Casablanca, qui a été façonné et marqué par cet évènement sanglant.

Nous sommes en avril 1947. Le sultan sidi Mohamed ben Youssef, futur roi Mohammed V, décide de se rendre à Tanger, alors ville internationale. Le sultan devait traverser la partie française, puis passer par la zone Nord contrôlée par les Espagnols avant d’accéder à la ville du détroit.

Le voyage était prévu le 8 avril. Le programme du sultan a été divulgué peu avant et tout le monde savait donc qu’il allait voyager par voie ferroviaire jusqu’à Tanger, où il allait prononcer un discours le 9 avril, nous explique Abdellah Naguib, notant que « tout cela était fait avec l’accord du résident général de l’époque ».

Empêcher Mohammed V de prononcer son discours

Mais le discours du roi Mohammed V n’inquiétait pas uniquement la France, mais aussi toutes les puissances coloniales de l’époque, qui voyait également la montée en puissance de la Ligue arabe.

« Tous les représentants des légations étrangères à Tanger allaient l’accueillir à son arrivée, ce qui allait faire de la promotion au Maroc libre. Et puis la presse étrangère allait immortaliser cet acte de bravoure, ce qui n’arrangeait pas les affaires des Français », poursuit notre interlocuteur.

Afin de stopper net le sultan Mohammed ben Youssef, il fallait répandre la peur et le sang. Philippe Boniface, ancien « directeur des affaires politiques », puis chef de la région de Casablanca de 1946 jusqu’en 1953, a rédigé le scénario des évènements du 7 avril.

Boniface fait appel aux tirailleurs sénégalais (parfois d’autres nationalités) qui se trouvaient à la caserne de la Jonquière, sur le boulevard Ibn Tachfine, l’ancienne route de Benslimane. « Ils étaient à quelques minutes de marche de Darb Al Kabir, du côté de la gare routière d’Oulad Ziane », précise Naguib qui se trouvait à ce moment là à rue du Monastir.

Lire aussi: Fête de l’Indépendance: ces résistants qui ont donné leur nom à des boulevards casablancais

« À l’époque, on avait dit aux tirailleurs que deux d’entre eux avaient été tués par des Marocains, par des jets de pierres. Ils ont alors riposté. Mais on sait bien qu’ils ne pouvaient pas prendre les armes sans l’accord de l’officier français et donc forcément ce dernier était au courant de ce qui se passait », raconte-t-il.

Les tirailleurs traversent alors le boulevard Ibn Tachfine et entrent dans le quartier de Derb Al Kabir. « Il était 16H, des tirs ont été entendus jusqu’au soir de Ben Msik à Derb Carlotti, en passant par garage Allal et la route de Médiouna », se rappelle Naguib, encore enfant à l’époque.

Les médias et autorités françaises annoncent le décès d’une quarantaine de personnes, tandis que du côté marocain, on parlait de centaines de morts.

Pourquoi le massacre de Casablanca ?

« Boniface n’a pas choisi Derb Al Kabir juste comme ça », souligne Abdallah Naguib. Casablanca vivait un grand élan patriotique. Depuis le débarquement des forces américaines en novembre 1942 dans le cadre de l’opération Torch, les Marocains ont changé de mentalité. « Nous n’avions plus cette idée que la France ou l’Espagne voulaient nous protéger, bien au contraire », poursuit-il.

« Jusqu’en 1945, soit au lendemain de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Casablancais s’épanouissaient. Des troupes de théâtre ont fleuri, la Ligue Libre de Football a été fondée par Abdeslam Bennani et les écoles libres ont été crées un peu partout au Maroc, grâce à Mohammed V qui venait avec ses enfants inaugurer en personne ces établissements. Les Marocains s’émancipaient donc intellectuellement. C’était pratiquement impensable sans la présence des Américains durant cette période ».

Feu Mohammed V avait reçu un rapport sur le massacre de Casablanca, « image à l’appui ». Il y effectua une courte visite et se rendra tout de même à Tanger pour y prononcer son discours. « Le sultan a modifié son discours, pas en profondeur, mais il l’a fait. Sa simple présence, après avoir traversé son pays, colonisé de bout en bout, était un fort message à la communauté internationale, surtout depuis la ville de Tanger », conclut Abdallah Naguib.

 

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