La presse digitale frappée au portefeuille pour financer… la télé

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L’élargissement à la presse digitale d’une taxe de 5% sur la publicité pour financer la télévision indigne les professionnels du secteur.
La publicité sur les sites électroniques est soumise à une taxe de 5% depuis le 1er janvier 2018. Une mesure imposée par la DGI dans une récente circulaire et présentée comme «un élargissement de l’assiette du droit de timbre proportionnel relatif aux annonces publicitaires diffusées sur tous types d’écrans numériques (écrans publicitaires LED, écrans d’ordinateurs, androïdes, tablettes etc..)».
Du côté des professionnels de la presse digitale nationale, on dénonce un coup porté à l’équilibre économique du secteur.
«Cette taxe impactera exclusivement les journaux électroniques marocains, dans la mesure où les annonceurs se tourneront vers des supports internationaux pour éviter cette redevance», explique Naceureddine Elafrit, directeur de publication de Médias24. En effet, selon lui, rien n’oblige les annonceurs marocains qui publient une publicité à l’étranger, sur des médias internationaux ou sur les réseaux sociaux (Facebook) ou Google de s’acquitter de cette taxe de 5%. Pourquoi? Parce que leurs annonces à l’international ne sont pas traçables, estime Elafrit.
«Cette situation va créer une distorsion de la concurrence dans un secteur qui déjà ne dispose pas d’un modèle économique viable à même de garantir une pratique journalistique de qualité», poursuit notre confrère.
Même son de cloche pour Moncef Belkhayat, actionnaire majoritaire dans Le Siteinfo. «L’ensemble de la profession a été surprise par cette taxe. Il aura été préférable de donner aux professionnels un délai pour qu’ils puissent se préparer».
Et pour cause: beaucoup d’agences sont liés par des contrats et des engagements annuels avec leurs clients, par conséquent, cette taxe risque de ne pas être encaissée par les agences.
Pour Mohamed Ezzouak, directeur du portail Yabiladi, cette taxe va impacter le résultat financier des entreprises de presse digitale qui sont pour la plupart déficitaires ou «ne gagnent que quelques miettes».
«On ne sait pas comment va être répercutée cette taxe au niveau des agences médias et des annonceurs. Il y a de fortes de chances que ce soit le site qui, à la fin de l’année, prenne à sa charge ces 5% parce qu’elles sont exigibles à son niveau et qu’il est le maillon le plus faible de la chaîne», explique Ezzouak, également président de l’Association de la presse marocaine digitale.
Et d’ajouter: «Avec cette nouvelle taxe, le gouvernement est en train d’enterrer la presse électronique qui déjà connait énormément de difficultés.
En effet, selon Mohamed Ezzouak, des supports professionnels et sérieux employant plusieurs journalistes ont été mis dans l’illégalité avec la loi de déclaration des organes de presse digitale et avec des incohérences au niveau du Code de la presse. «Et aujourd’hui, on rajoute cette taxe de 5%,comme si ça ne suffisait pas», déplore Ezzouak.
La riposte de la profession? Pour Belkhayat, l’union des agences de communication au Maroc a tenu une réunion avec les professionnels afin d’étudier la situation. Est également prévue une réunion avec la Direction générale de l’administration fiscale «pour essayer de trouver une solution d’autant qu’il y a des soucis de clarté sur la façon d’exécuter cette mesure», précise Belkhayat.
Les éditeurs de journaux s’inquiètent
La Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) a également réagi à l’élargissement à la presse électronique de la redevance audiovisuelle payée pour publicité à la télévision. «Au lieu d’apporter son appui à la presse nationale et d’honorer ses engagements fixés dans le plan d’urgence, convenu avant la fin du mandat du précédent gouvernent, les autorités publiques, liées par un partenariat stratégique avec la FMEJ, ont mis en place une mesure fiscale dangereuse, absurde et incompréhensible», indique la Fédération dans un communiqué rendu public, lundi. «L’éditeur doit mensuellement payer 5% du total de ses revenus publicitaires à la Direction des impôts, avant même qu’il soit payé par le publicitaire», précise la FMEJ, déplorant que cette mesure «porte un coup dur à la presse électronique et rend sa situation plus lamentable que pour la presse écrite déjà endeuillée».
«Cette situation intervient au moment où le gouvernement fait fi des géants mondiaux, « Google » et « Facebook » ayant été contraints, par plusieurs pays, de présenter des contributions estimées à des milliards aux fonds réservés au soutien de leur presse locale», indique la FMEJ, notant que les éditeurs de journaux marocains attendaient une augmentation notable de la subvention publique à la presse dans le cadre du contrat-programme, estimée à 6,5 milliards de centimes, tandis que la France, à titre d’exemple, présente une subvention annuelle de 1500 milliards de centimes à sa presse.
Un droit de timbre qui ne date pas d’hier
Ce «droit de timbre relatif aux publicités sur écrans» ne date pas d’hier. Cette taxe avait été créée dans les années 1970 et concernait d’abord les affiches publicitaires avant de s’élargir à la publicité à la télévision et aux écrans de cinéma à hauteur de 10%. Elle visait à financer un fonds de développement de l’audiovisuel.
«Mais durant les années 90, avec l’instauration de la redevance de financement de l’audiovisuel instaurée dans les factures d’électricité, le gouvernement avait décidé de réduire cette taxe d’écran à 5% en promettant de la supprimer. Mais aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit», souligne Elafrit.

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