Ni mosquée, ni « mall »: le coronavirus bouscule les habitudes dans le Golfe
Publié leSalutations à distance, prières à domicile, plus d’achat aux « malls » ou de chicha entre amis dans les cafés… De Dubaï à Koweït City, en passant par Doha et Mascate, la peur du nouveau coronavirus bouleverse les habitudes dans le Golfe.
Plus de 800 cas ont été annoncés dans les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), avec aucun décès à ce jour.
Les Emirats, l’Arabie saoudite, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et Oman ont pris des mesures drastiques pour prévenir la propagation de l’épidémie de Covid-19, limitant voire interdisant le trafic aérien commercial et les rassemblements dans les espaces publics.
Dans le trépidant hub commercial et financier qu’est Dubaï, la circulation est inhabituellement limitée dimanche, premier jour de la semaine dans la plupart des pays musulmans. De nombreux employés ont été incités à travailler depuis leur domicile.
« C’est comme si c’était le week-end, pas le début de la semaine », observe Amal al-Hachem, qui travaille pour un média à Dubaï, où elle vit depuis plus de 15 ans.
Plus de chicha
Même scène à Koweït City, où la route vers l’aéroport international est presque vide. Le Koweït a pris les mesures les plus strictes dans la région, suspendant tous les vols commerciaux, à l’instar de l’Italie, l’un des pays les touchés à l’échelle mondiale.
Ses habitants ont été priés de ne pas se rendre dans les lieux publics, et notamment les « malls », ces grands centres commerciaux très fréquentés dans le Golfe. Comme en Chine, la police utilise des drones pour diffuser des messages dans les rues incitant les gens à rester chez eux.
A Doha comme à Ryad, les magasins sont également délaissés par les clients.
Les restaurants et cafés ont désormais interdiction de servir les chichas qui accompagnent souvent le thé et les petits plats levantins.
Ultime sacrilège, le café arabe, normalement servi dans des tasses, est versé dans des gobelets en papier dans certains restaurants du Koweït.
« La panique » s’est emparée des rues de Mascate, constate un habitant de la capitale du sultanat d’Oman. Selon lui, les gens ont cessé de se serrer la main ou de s’embrasser et tiennent à être équipés en permanence de gel désinfectant, conformément aux recommandations des autorités sanitaires.
« Serrer la main ou pas? J’essaie d’éviter mais que faire si on me tend la main en premier? », s’interroge Abdelrahman, un homme d’affaires saoudien de 60 ans, à Ryad.
Les pays du Golfe ont appelé leurs citoyens à se contenter de salutations verbales et à éviter de tendre la main, la joue ou le nez, par le bout duquel on se dit bonjour aux Emirats et au Qatar.
Les habitants du Golfe sont aussi tenus d’éviter les rassemblements à la mosquée, en particulier durant la grande prière du vendredi, jour saint en islam.
L’Arabie saoudite a suspendu le petit pèlerinage, ou Omra, qui attire chaque année des millions de musulmans venus du monde entier. Les fidèles présentant des symptômes de la maladie ont été appelés à ne pas se rendre dans les mosquées.
« Priez chez vous »
Là encore, le Koweït est allé plus loin en annonçant l’arrêt des sermons et des prières du vendredi. Sur les réseaux sociaux, des internautes ont partagé des vidéos où un muezzin entonne un inhabituel appel à la prière: « Priez chez vous! Priez chez vous! ».
Le Koweït, l’Arabie saoudite, Bahreïn et Oman, pays à majorité sunnite, abritent des centaines de milliers de chiites, dont beaucoup se rendent régulièrement en pèlerinage en Iran. Or la République islamique est l’un des pays les plus touchés par la pandémie et la plupart des premiers cas enregistrés dans le Golfe étaient des personnes revenant d’Iran.
Si la région n’a pas connu de tensions confessionnelles malgré ce contexte, l’Arabie saoudite a décidé la semaine dernière de boucler la région de Qatif (ouest), à majorité chiite, d’où sont originaires les premiers cas annoncés dans le royaume.
A Bahreïn, on appelle à « l’unité ». « Il n’y a pas de place pour la haine, la colère, la discrimination (…) car ce virus (…) nous menace tous sans distinction », a affirmé à l’AFP une députée, Zeinab Abdelamir.