Réformateur ou «traître»? Les Russes divisés au sujet de Gorbatchev

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Mikhaïl Gorbatchev, qui a reçu en 1990 le prix Nobel de la paix pour avoir oeuvré à un meilleur contrôle des armes nucléaires et à la réduction des tensions entre Moscou et le monde occidental./Crédits: DR.

Si les hommages pleuvent à l’étranger depuis la mort mardi de Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’Union soviétique divise l’opinion en Russie, certains louant ses réformes démocratiques, d’autres, souvent les plus âgés, l’accusant d’être le fossoyeur d’une grande puissance.

Arrivé au pouvoir en 1985, Gorbatchev a tenté de moderniser et de démocratiser l’URSS avec des réformes pour la sauver, mais il n’a pu empêcher son effondrement en 1991. Un traumatisme pour beaucoup de Russes.

Pour Vladimir Zavkov, un retraité de 70 ans qui ne mâche pas ses mots, Gorbatchev est un « traître ».

« C’est une sorte de politicien illettré, qui a laissé un grand pays s’écrouler. Tout ce qu’il a pu faire de positif est annulé par cela », déclare à l’AFP cet habitant de Moscou.

Nadejda Aleksina, une conceptrice de sites web, est plus nuancée, tout en admettant que Gorbatchev est une figure « controversée ».

« Pour la Russie, je pense que c’est une figure vraiment importante. C’est grâce à lui que la Russie a existé (comme pays). Donc je pense que c’est une grande perte pour beaucoup de gens », dit-elle.

Lire aussi: Mikhaïl Gorbatchev, dernier président de l’URSS, est décédé

Signe de ce tiraillement, le président russe Vladimir Poutine a rendu mercredi un hommage du bout des lèvres à Gorbatchev, lui reconnaissant tout juste « une grande influence sur l’Histoire du monde ».

Plus offensif, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a reproché à Gorbatchev d’avoir eu une vision « romantique » de la relation entre la Russie et l’Occident.

« Très négatif »

La chute de l’Union soviétique reste une blessure douloureuse pour un grand nombre de Russes, surtout les plus âgés qui étaient habitués à ce que l’Etat décide de tout à leur place, du berceau à la tombe.

L’immédiate période post-soviétique reste synonyme de douloureuse transition vers l’économie de marché sous le successeur de Gorbatchev, Boris Eltsine, au prix d’années d’inflation galopante, de pénuries et de violences.

Ces années troubles expliquent la virulence des Russes qui tiennent Gorbatchev pour responsable de leurs difficultés.

Sous l’URSS, « nous n’étions peut-être pas riches, mais au moins on avait l’assurance d’avoir un emploi », regrette Tatiana Silaïeva, une retraitée de 67 ans qui dit avoir une opinion « très négative » de Gorbatchev.

Au-delà de ces années difficiles, la fin de l’URSS a aussi laissé place à un sentiment de déclassement au sein d’une population qui avait vécu dans le culte de la superpuissance soviétique rivalisant avec les Etats-Unis.

Gorbatchev « a fait une bonne action pour les Etats-Unis en laissant notre pays s’effondrer. Pour nous, c’était un traître complet », dit Mme Silaïeva.

« Liberté »

Loin de ces reproches, de nombreux dirigeants étrangers ont rendu hommage à Gorbatchev, qui a reçu en 1990 le prix Nobel de la paix pour avoir oeuvré à un meilleur contrôle des armes nucléaires et à la réduction des tensions entre Moscou et le monde occidental.

« Il a donné à notre pays et au monde un cadeau incroyable: il nous a donné 30 ans de paix. Sans la menace d’une guerre nucléaire mondiale. Qui est capable d’en faire autant ? », a déclaré mardi le rédacteur en chef du journal russe indépendant Dmitri Mouratov, prix Nobel de la paix 2021.

L’héritage de Gorbatchev semble aujourd’hui lointain, avec l’offensive lancée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine et une accélération de la répression en Russie.

Lire aussi: Tensions Russie-USA: Gorbatchev dénonce l’arrogance américaine

Svetlana Gannouchkina, une figure de la défense des droits humains en Russie post-soviétique, appelle à ne pas oublier les réformes de démocratisation initiées par Gorbatchev.

« Ceux qui se montrent agressifs (envers Gorbatchev) aujourd’hui sont des gens qui veulent revenir au système soviétique. Des gens qui étaient des esclaves et qui veulent le rester », dit-elle à l’AFP.

« Ils ne veulent pas être reconnaissants envers celui qui leur a donné la liberté », ajoute-t-elle. « Parce que Gorbatchev nous a donné la liberté ».

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