Le Liban paye à nouveau le prix du conflit entre Téhéran et Ryad

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La crise diplomatique entre Beyrouth et Ryad, qui menace le gouvernement libanais d’implosion, reflète selon des analystes la guerre par procuration entre l’Iran et l’Arabie saoudite dont le Liban, économiquement exsangue, paye le prix.

Les deux poids lourds de la région soutiennent depuis des décennies des forces politiques rivales dans le pays, mais l’Arabie saoudite s’est progressivement désengagée ces dernières années du Liban, estimant qu’il est passé sous la coupe du Hezbollah pro-iranien.

Après l’Arabie saoudite et Bahreïn, le Koweït a décidé samedi d’expulser le chargé d’affaires libanais et de rappeler son ambassadeur à Beyrouth, en réaction à des  déclarations du ministre libanais de l’Information critiquant la guerre menée par Ryad au Yémen.

« La récente escalade a très peu à voir avec ce que ce ministre a déclaré un mois avant sa prise de fonction », estime l’analyste Karim Emile Bitar. « Je pense que c’est surtout lié au conflit saoudo-iranien des dernières années ».

Pour le politologue, les propos du ministre constituent « un prétexte pour quelque chose qui se préparait, et qui est lié au fait que le Liban reste l’un des champs de bataille entre l’Iran et l’Arabie saoudite, aux côtés de l’Irak, de la Syrie, du Yémen et de Bahreïn ».

Les déclarations du ministre George Kordahi avaient provoqué le courroux de l’Arabie saoudite qui a également décidé d’arrêter toutes les importations libanaises, un coup dur pour l’économie du pays.

 

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Dans une émission télévisée datant du 5 août, soit avant la formation du gouvernement, et diffusée lundi, M. Kordahi avait qualifié « d’agression » la guerre menée depuis 2015 au Yémen par la coalition militaire conduite par Ryad et défendu les rebelles Houthis pro-iraniens.

Le Premier ministre libanais Najib Mikati s’est hâté de se démarquer de ces propos, affirmant que le ministre « n’exprime pas la position du gouvernement ».

Vendredi, M. Mikati a appelé le ministre Kordahi à « tenir compte de l’intérêt national et prendre la décision adéquate pour assainir les relations avec les pays du Golfe », l’invitant implicitement à présenter sa démission.

Mais le Hezbollah a affirmé dans un communiqué qu’il refusait « tout appel à la démission » du ministre.

 

– Deux éléphants qui se battent –

 

Annonçant vendredi sa décision de rappeler son ambassadeur, Ryad a estimé que « l’hégémonie du Hezbollah terroriste sur les décisions de l’Etat libanais avaient fait du Liban une base pour mener des projets voulus par des Etats qui ne veulent pas le bien de ce pays et son peuple », dans une claire allusion à l’Iran.

Cette escalade intervient alors que l’Iran et l’Arabie saoudite ont entamé depuis des mois des négociations visant à normaliser leurs relations rompues depuis cinq ans et faire ainsi baisser la tension au Proche-Orient.

Les deux pays s’affrontent notamment au Yémen où Ryad mène une coalition militaire soutenant le gouvernement légitime alors que Téhéran appuie les rebelles Houthis, qui visent le territoire saoudien au moyen de drones.

« Je crois que les Saoudiens intensifient leurs pressions sur leurs alliés au Liban (…) pour (les pousser à) prendre des positions plus fermes face au Hezbollah », estime M. Bitar. Le politologue se demande si le royaume saoudien ne cherche pas ainsi à « contrebalancer d’éventuelles concessions » qu’il ferait au Yémen.

« Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit et le Liban souffre une nouvelle fois des guerres par procuration », ajoute-t-il.

 

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Cette escalade fragilise encore plus le gouvernement libanais, formé après un blocage de 13 mois, et qui comprend plusieurs des principales forces politiques du pays.

Le cabinet ne se réunit déjà plus depuis trois semaines en raison de l’exigence du Hezbollah de voir le juge chargé de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth en 2020 remplacé, une crise qui a provoqué des violences dans la rue le 14 octobre.

Pour l’analyste Michael Young du centre Malcom Kerr Carnegie Middle East, « le Liban a besoin d’un gouvernement et ne gagne rien en se tirant une balle dans le pied au milieu d’un conflit régional ».

« Du moment que les Saoudiens considèrent le Liban comme une carte iranienne, ils estiment normal de se comporter ainsi à son égard », ajoute-t-il sur Twitter. « Mais le problème est qu’en isolant le Liban, ils garantiront uniquement que l’Iran et ses alliés renforcent leur contrôle sur le pays ».

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