ONCF: trains inadaptés, sous-traitants véreux, stratégie floue… le témoignage accablant d'un ancien cheminot

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Les raisons du tragique accident de train de Bouknadel qui a fait 7 morts et 125 blessés, restent une énigme. Après une enquête qui s’est faite à la vitesse de l’éclair, la gendarmerie royale a conclu à un excès de vitesse, puisque le train roulait à 158 km/h, sur un tronçon où la vitesse est limitée à 60 km/h. Un ancien cheminot nous éclaire sur les probables raisons de cet accident et les dysfonctionnements structurels qui plombent l’ONCF.
H24Info: Le parquet a retenu l’excès de vitesse comme principale cause du déraillement du train. Êtes-vous convaincu par ces conclusions ?
A.K : Il me semble que le défaut de signalement reste la thèse la plus plausible qui aurait causé l’accident. On est tenté de penser que le conducteur est supposé savoir qu’il doit limiter la vitesse sur certains traçons, même en cas de défaut de signalement. Cependant, les conducteurs peuvent être appelés à travailler sur d’autres destinations et leur programme de travail change tout le temps. Sans oublier qu’à bord de chaque locomotive, il y a un chef de train, un conducteur et parfois un mécanicien, ce qui minimise le risque d’erreurs. Enfin, je pense que les enquêtes sur ce type d’accident sont exécutées par des cabinets d’experts indépendants et je ne pense que pas la gendarmerie dispose de ce genre de cellules.
Qu’en est-il de l’état des infrastructures ferroviaires au Maroc ?
Globalement, on peut avancer que le réseau de chemin de fer est correct, même si plusieurs investissements auraient pu être consentis pour l’élargir vers des régions où la demande de transport des personnes et du fret est trop forte, comme sur l’axe Marrakech-Agadir. La densité du trafic entre Casablanca et Kénitra avec les problèmes quotidiens qui sont médiatisés, ne doit pas occulter le fait que dans certaines régions les locomotives passent de l’éclectique au diesel comme c’est le cas sur le tronçon reliant Taza à Oujda.
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Pourquoi les trains s’arrêtent parfois au milieu de nulle part sans que les voyageurs n’en comprennent les raisons ?
Il faut savoir que le réseau ferroviaire demande de la maintenance tout le temps. Ces travaux sont souvent confiés à des sous-traitants qui sont généralement des anciens cadres de l’ONCF reconvertis dans les affaires. Reste à savoir si ces sous-traitants respectent les cahiers de charges et ne sont pas tentés de bâcler le travail. Plusieurs récits de corruption qui gangrène la sous-traitance des travaux de maintenance circulent, mais il appartient à la justice d’enquêter sur le respect des cahiers de charges par certains sous-traitants véreux.
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Pourquoi on n’arrive pas à endiguer les retards surtout sur les grands axes ?
On peut expliquer ces problèmes structurels par deux raisons principales. D’abord la conception des gares au Maroc n’a pas pris en compte la démographie et les mutations socioculturelles du pays. En effet, les quais ne sont pas assez longs pour accueillir des trains avec plus de voitures. D’un autre côté, le matériel roulant gagnerait à être repensé en ayant recours à des types de trains plus adaptés, pouvant accueillir plus de gens. Aujourd’hui sur les axes les plus sollicités, les trains ont des fréquences de 30 minutes, ce qui les met à rude épreuve et au vu de l’augmentation de la mobilité, ils sont toujours bondés et le matériel souffre énormément.
Que pensez-vous des investissements consentis par l’ONCF pour renforcer le réseau ferroviaire ?
Il faut reconnaitre que la stratégie de l’ONCF n’est pas du tout claire, puisque personne ne perçoit comment le ferroviaire marocain sera dans 20 ou 30 ans. Il y a un an, l’ONCF a commandé 30 locomotives à Alstom. Personne ne comprend le pourquoi de cet investissement, ni sa forme commerciale, puisqu’il s’agit de matériel lourd et difficile à rentabiliser sur le moyen terme.
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Qu’en est-il de la privatisation de l’ONCF ?
La privatisation n’est pas un gage d’amélioration du service ferroviaire. Tout dépend des nouveaux partenaires de l’ONCF et si les travaux seront confiés à des sociétés spécialisées qui respectent à la lettre les cahiers de charges. La question n’est pas la privatisation, mais quelles sont les garanties juridiques et techniques pour améliorer ce service défaillant au Maroc.
 
Existe-t-il des craintes pour le futur LGV qui entrera en service prochainement ?
Je ne pense pas, pour la simple raison que le pôle LGV est dirigé par les meilleures cadres de l’ONCF. Sur un plan strictement technique, la ligne LGV et sa gestion bénéficient des dernières technologies et du savoir-faire d’un personnel chevronné.
 
 

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