Le Maroc ratifie une convention internationale obligeant les débiteurs à l’étranger à verser les pensions alimentaires

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Le Maroc s’apprête à ratifier une convention internationale facilitant le recouvrement des pensions alimentaires lorsque le parent débiteur se trouve à l’étranger. Décryptage avec Karim Harrouche, magistrat détaché au ministère de la Justice et Me Meriem Berrada, avocate au barreau de Casablanca.

Au menu du conseil du gouvernement jeudi 28 avril, l’examen d’un projet de loi, proposé par le ministère des Affaires étrangères, visant à ratifier la Convention de La Haye du 23 novembre 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille. En d’autres termes, cette convention permet de faire exécuter les jugements de pensions alimentaires même quand l’un des deux parents (débiteur ou créancier) se trouve à l’étranger.

Le Maroc deviendra ainsi le premier pays d’Afrique et du Moyen-Orient à ratifier cette convention. « Une avancée notable pour le droit de la famille, en termes de recouvrement des montants de la pension alimentaire », estime Me Meriem Berrada, avocate au barreau de Casablanca, spécialisée en droit de la famille ainsi qu’en droit des affaires, droit commercial et droit du travail.

L’objectif de la Convention de la Haye de 2007 est de faciliter le recouvrement international des aliments destinés aux enfants (et autres membres de la famille), améliorant ainsi les conditions de vie de nombreux enfants dans le monde entier via un système de coopération efficace entre les Etats membres.

Cette coopération se traduit par une mise à disposition des informations; un accès effectif aux procédures transfrontières en matière d’obligations alimentaires en fournissant gratuitement la plupart des services et une assistance juridique; des procédures accélérées et simplifiées pour la reconnaissance et l’exécution des décisions.

« Un Marocain ne pourra plus échapper à sa responsabilité en pension alimentaire même s’il part vivre à l’étranger »

« C’est une avancée extraordinaire car nous avons au Maroc beaucoup de cas de jugements de pensions alimentaires alors que l’ex-époux vit à l’étranger, et c’est souvent très difficile de les faire exécuter. Cette ratification va permettre de faciliter leur exécution, notamment dans le cas de mères divorcées qui ont seules la responsabilité de leur enfant », explique l’avocate qui précise que la pension alimentaire est une créance imprescriptible.

« Les femmes délaissées depuis des années vont ainsi pouvoir réclamer les sommes dues aux ex-époux et obtenir leurs droits rétroactivement. Un Marocain ne pourra plus échapper à sa responsabilité en pension alimentaire même s’il part vivre à l’étranger et toute Marocaine divorcée se trouvant au Maroc ou dans un Etat signataire pourra lancer une procédure de recouvrement et assurer son exécution sans avoir à chercher un avocat issu de l’Etat où se trouve l’ex-époux », développe-t-elle.

« Ces femmes n’auront qu’à transmettre leur demande à leur autorité centrale (ministère de la justice, ndlr) qui va la transmettre à son tour, en leur nom et avec leur consentement, à celle de l’Etat où réside leur ex-époux, qui se chargera de la mettre en vigueur ».

Exemple concret: une femme vit au Maroc et son ex-époux en France. Elle peut utiliser cette procédure en faisant une demande auprès du ministère de la Justice marocain qui sera transférée à l’institution homologue en France dans un délai de six semaines. Cette dernière notifiera ensuite l’Etat demandeur (Maroc) de l’état d’avancement de la procédure avec les informations nécessaires en lien avec le débiteur. Une fois retrouvé et notifié de son jugement, le débiteur bénéficie d’un délai de 30 jours pour contester ou faire appel sur la forme, mais pas le fond, soulève Me Berrada. Autre facilité: l’Etat du débiteur assure au demandeur l’assistance juridique dans les procédures judiciaires en lui octroyant si nécessaire un avocat.

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« Les bases légales qui régissent actuellement le soutien des autorités aux créanciers de pension alimentaire en vue de l’exécution de leurs jugements, y compris envers des débiteurs qui se trouvent à l’étranger, sont aujourd’hui dépassées. Avec la Convention de La Haye de 2007 sur les aliments et le Protocole de La Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires, des instruments modernes sont disponibles pour mieux aider les créanciers d’aliments », se réjouit Me Berrada.

« Instruments modernes »

Ce sont ces « instruments modernes » qui rendent « importante » la ratification de la Convention de La Haye de 2007 par le Maroc, explique de son côté Karim Harrouche, magistrat détaché au ministère de la Justice. En effet, le Maroc est déjà partie d’une convention de la HCCH (Conférence de la Haye de droit international privé) dans ce domaine: la Convention sur le recouvrement des aliments à l’étranger conclue à New York le 20 juin 1956.

« La Convention de 2007 s’inscrit dans la continuité de la ratification par le royaume du Maroc de la Convention signée à New-York en 1956. Il s’agit d’un mécanisme complémentaire, de renforcement, qui adopte des techniques d’échange assez modernes entre les Etats membres et qui facilite le processus de perception de la pension alimentaire à l’étranger, dans le but d’assurer aux enfants un niveau décent du point de vue financier », éclaire l’édile qui concède que jusqu’à présent, la Convention de 1956 ne connaissait qu’une « application limitée » de ses dispositions, « insuffisamment mises en œuvre ».

Un propos en accord avec celui de Me Berrada qui souligne que « le parent lésé n’avait aucun recours possible » jusqu’à présent, au regard de « la complexité sans nom pour exécuter le jugement », si l’autre parent débiteur était parti vivre à l’étranger ou inversement. La Convention de 2007 permettra une application plus efficace et accélérée des dispositions dans lesquelles le Maroc était déjà engagé depuis 1956. A ce titre, son incorporation dans le droit interne sera fluide.

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La Convention prévoit ainsi la coopération entre Etats membres via leurs autorités centrales qui, en matière de traités internationaux, sont les ministères de la Justice de chaque pays. Ces entités doivent transmettre et recevoir les demandes (à savoir, demandes de reconnaissance, d’exécution, d’obtention ou de modification d’une décision); introduire ou faciliter l’introduction de procédures; aider à localiser le débiteur et le créancier ou à obtenir des informations relatives aux revenus de l’un ou l’autre; faciliter l’exécution continue des décisions; faciliter le recouvrement et le virement rapide des paiements d’aliments; et aider à obtenir toute mesure provisoire nécessaire.

Plus en détails, voici les principales nouveautés accordées par cette convention commentées par le magistrat:

  • L’encouragement du règlement à l’amiable en recourant à la médiation, la conciliation et d’autres modes alternatifs de règlements de conflit;
  • La facilitation des procédures liées à la présentation des demandes et à leur mise en œuvre, facilitant ainsi le recouvrement et le transfert des échéances de la pension alimentaire;
  • La facilitation de l’obtention des preuves, soit « un élément majeur dans les dossiers de recouvrement des pensions alimentaires à l’étranger »;
  • L’adhésion au système de communication électronique entre les autorités centrales via le logiciel iSupport, « un apport majeur dans le cadre de cette convention »;
  • L’assistance à la personne requérante, « une nouveauté majeure qui permet de faciliter l’accès à la justice dans la mesure où elle accorde une aide juridictionnelle gratuite en complément des services de l’autorité centrale qui sont sans frais, et donc d’accéder plus facilement aux droits de demander cette pension ».

La ratification par le Maroc de la Convention de La Haye de 2007 permet de mettre en place les mécanismes qui simplifient les mesures de perception de cette pension alimentaire à l’étranger en assurant notamment une coopération plus fluide entre les autorités centrales pour rechercher les solutions les plus efficaces dans la perception des pensions alimentaires même si le débiteur est à l’étranger, résume Karim Harrouche.

Au menu du conseil du gouvernement jeudi dernier, le magistrat qualifie cette présentation devant les ministres de « première étape décisive qui ouvre la voie aux démarches de ratification au niveau internationale ». Le projet sera par la suite transmis au Parlement pour validation avant sa publication au bulletin officiel qui constituera le point de départ de son application en droit interne.

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