France: reprise ce lundi de l’affaire des « Chibanis » marocains de la SNCF

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L’entreprise ferroviaire conteste sa condamnation pour discrimination. Les 800 cheminots de nationalité ou d’origine marocaine avaient obtenu 200.000 euros de dommages et intérêts en première instance.

Ils avaient achevé leur carrière avec le sentiment de s’être «fait avoir». En 2015, plus de 800 cheminots de nationalité ou d’origine marocaine avaient donc demandé «réparation» à la SNCF pour discrimination durant leur carrière. Après moult déboires, et pour certains, parfois dix ans de procédure, ils avaient finalement obtenu gain de cause le 21 septembre 2015. La SNCF avait alors été condamnée par le conseil de Prud’hommes de Paris à leur verser des dommages et intérêts d’environ 170 millions d’euros (en moyenne 200.000 euros par plaignant). La compagnie ferroviaire ayant contesté in extremis sa condamnation, l’affaire est rejugée à partir de ce lundi par la cour d’appel de Paris. Plusieurs centaines de ces «Chibanis» (cheveux blancs, en arabe) pourraient assister aux audiences, prévues sur deux jours dans la grande salle où se tient habituellement le procès-fleuve de l’explosion d’AZF.

Si la cour d’appel, qui rendra son jugement en janvier 2018, confirmait la discrimination, la facture pourrait s’alourdir pour le groupe public. L’avocate des cheminots, quasi-tous retraités aujourd’hui, a en effet réévalué à la hausse ses demandes, en les recalculant pour chacun sur la base du principe de «réparation du préjudice intégral». Elle espère également obtenir une reconnaissance de «préjudice moral» pour tous ces agents qui «ont ressenti une vraie humiliation». En face, le groupe ferroviaire plaidera qu’il a «toujours traité de la même manière ses salariés, quelle que soit leur origine ou nationalité». Le contraire eut été «antinomique avec les valeurs de l’entreprise».

Carrières bloquées

Marocains ou d’origine marocaine, ces anciens cheminots reprochent à la SNCF les différences de traitement qu’ils subissent depuis plus de 40 ans par rapport à leurs collègues, et qui, à l’heure de la retraite, sont plus criantes que jamais. Ils sont plus de 2000 à avoir été recrutés au Maroc dans les années 1970, grâce à un accord passé entre les deux pays, lorsque la compagnie ferroviaire publique avait besoin de main-d’œuvre.

Après une visite médicale et avant d’embarquer pour la France, ils signent leur contrat à l’Office national de l’immigration. C’est là que le bât blesse. Leur contrat, à durée indéterminée de droit privé pour travailleur étranger, diffère largement du «statut permanent» très avantageux dont bénéficient aujourd’hui plus de 90% des salariés de la SNCF, appelés les «cadres permanents» ou «agents au statut», et considérés comme des fonctionnaires. Le Graal, pour beaucoup. Pour l’obtenir, il faut avoir moins de 30 ans et être français (depuis peu, il est aussi accessible aux ressortissants de l’Union européenne). Devenus cheminots, ces employés immigrés, travaillent «dans des conditions difficiles, faisant exactement les mêmes tâches que leurs collègues français au statut mais voient leurs carrières bloquées et ont des retraites moindres», détaille à l’AFP Olivier de Boissieu, l’un de leurs avocats.

Retraites à la baisse

Dans les années 2000, la SNCF leur propose des plans de départ à 55 ans que beaucoup acceptent. Avant de déchanter, quelques années plus tard, en découvrant le montant de leur pension, diminué des années de cotisation manquantes. Selon les plaignants, la pension de base d’un contractuel ayant cotisé 40 ans «n’atteint pas le minimum garanti aux cheminots au cadre permanent après 15 ans de service», environ 1100 euros par mois. Des calculs contestés par la SNCF.

«Tant qu’ils étaient dans la force de l’âge, ils ne pensaient pas à l’avenir, et donc à la retraite. L’important était de ramener de l’argent», explique dans Le Monde Smaïn Laacher, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, qui a travaillé sur la condition des chibanis. Une raison qui explique que leur voix se fasse entendre si tardivement. «C’est aussi lié au contexte historique: quand ils ont été embauchés, il n’était nullement question de lutte contre les discriminations et les inégalités sociales. C’est devenu un sujet majeur au tournant du siècle».

Le Figaro

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