La hiloula des Abehassira, saints juifs du Sud du Maroc
Publié leLa récente annonce de la reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël a suscité une immense joie chez la communauté juive marocaine. Les échanges touristiques seront facilités, notamment en vue des pèlerinages des saints juifs, les « hilouloulot » (pluriel de « hiloula »), très prisés au Maroc.
« La hiloula, c’est la commémoration de la mort du Saint. Il y a 652 lieux saints au Maroc dont 200 communs aux juifs et aux musulmans comme Abrahm Moul Niss, le « patron des miracles » à Azzemour », explique Simon Skira, secrétaire général de la Fédération française du judaïsme marocain qui a étudié le judaïsme marocain.
La hiloula consiste donc à se rendre sur le lieu du tombeau du saint le jour ou la période de l’anniversaire de sa mort. Les pèlerins y passent souvent plusieurs jours dans une ambiance festive et spirituelle, à chanter, lire des psaumes et autres textes sacrés.
Le Maroc abrite les tombeaux de plusieurs dynasties de rabbins « Tsadikkim », donnant lieu à de nombreux pèlerinages juifs. Le Maroc est d’ailleurs le pays où il y a le plus de hiloulot. « Plus qu’en Israël, précise Simon Skira, cela grâce aux 800.000 Israéliens d’origine marocaine qui ont eu une éducation à ce sujet depuis des générations ». Dans ce sens, la future liaison aérienne directe entre les deux pays facilitera la concrétisation de ces pèlerinages pour la diaspora.
« En fait, la plupart des tsaddiqim sont reconnus pour posséder des attributs de sainteté seulement après leur mort. Les résultats spectaculaires et miraculeux de leur intercession avec Dieu sont de ce fait spécifiquement associés à leurs tombes, éparpillées dans tout le Maroc mais plus fortement concentrées dans les régions du sud », écrit Yoram Bilu dans son article intitulé « Reconfigurer le sacré: le culte des saints juifs au Maroc ».
« Au Maroc, les saints arrivent d’une communauté, on les appelle les saints patrons de la région. Au Sud du Maroc, il y avait notamment la dynastie des Abehassira qui était en contact avec les rois du Maroc », énonce Skira.
Dans la région de Drâa-Tafilalet, la ville d’Erfoud est le berceau de la dynastie Abe Hassira. Le patriarche fondateur de cette dynastie, Rabbi Chmouel Abehassira, portait à l’origine le nom d’Elbaz. Se voyant refuser l’accès à un navire faute d’argent, il s’assit sur sa natte et prit la mère ainsi, d’où le patronyme « Abou Hassera », « le père de la natte ».
Son tombeau se situe à Erfoud. « Rabbi Chmouel s’enferma un an ou deux, se plongea dans l’étude du Tanakh (textes sacrés juifs, ndlr) et chaque fois que les gens rencontraient un verset dans la Guémara (exégèse, ndlr), ils demandaient ‘Rabbi Chmouel, quel est ce verset?’ Il leur répondait ‘c’est celui-là, et son rapport avec la Guémara' », raconte Rav Menahem Bitton dans une vidéo produite par Torah-Box sur la Hiloula de Rabbi Its’hak Abi’hssira réalisée l’an dernier.
Les pèlerins visitent le tombeau de Rabbi Chmouel dans le cadre de la hiloula de Rabbi Its’hak Abehassera, enterré pour sa part à Toulal, près d’Errachidia. Rabbi Its’hak Abehassera est le quatrième fils de Rabbi Yaakov et l’oncle de Baba Salé (Rabbi Israel Abehassera), il serait né en 1859. Un an avant sa naissance à Rissani, son père a été informé en rêve par le kabbaliste Rabbi Itshak Louria qu’il aurait un fils dont l’âme proviendrait d’une source très élevée et qu’il faudra l’appeler Itshak comme lui, rapporte Torah-Box. Ce fut un grand érudit.
A Rissani, les pèlerins visitent également les tombeaux de Rabbi David Abehassira (grand-frère de Baba Salé) et le tombeau de Rabbi Messod Abehassira (père de Baba Salé). Grand ascète, Rabbi David Abehassira a vécu isolé pendant des années. Un notable de la ville a accusé mensongèrement les juifs de collaborer avec l’armée française. Il se serait finalement rabattu sur trois rabbins dont Rabbi David Abehassira qui mourut martyr, poursuit le média.
A Rissani, on trouve également le tombeau de Rabbi Messod Abehassira, le père de Rabbi Israel Abehassira, surnommé Baba Salé (le père priant). Eminent juge et dirigeant spirituel, Rabbi Messod Abehassira a passé sa vie à étudier la Torah.
Des centaines de juifs marocains effectuent le pèlerinage de cette dynastie chaque année. D’autres saints patrons juifs parsèment les différentes régions du Maroc, à l’instar du saint Rabbi Amram Ben Diwan à Ouezzane.