France: après l’attaque à la préfecture de police, appels à sauver l’islam face à l’islamisme
Publié leClimat « délétère », danger d’un « maccarthysme musulmanophobe »: après l’attaque à la préfecture de police de Paris, des responsables musulmans craignent une nouvelle stigmatisation et appellent les fidèles à se placer aux avant-postes de la lutte contre l’idéologie jihadiste pour éviter les amalgames.
« Le climat général est délétère », résume Chems-Eddine Hafiz, l’un des vice-présidents du Conseil français du Culte musulman (CFCM), six jours après qu’un fonctionnaire converti à l’islam et présenté comme radicalisé eut tué quatre personnes au cœur du système policier parisien, la préfecture de police.
« Nous vivons un temps où le simple vocable +islam+ est inflammable, explosif », estime, auprès de l’AFP, Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l’Islam de France (FIF).
Surtout, relève l’islamologue Rachid Benzine, « de plus en plus de gens en viennent à penser que la distinction entre islamisme et islam n’a plus lieu d’être » et ce, « parce que les attentats terroristes contemporains, en France, se revendiquent essentiellement de la foi musulmane », écrit-il dans une tribune publiée mercredi par Le Monde.
Si bien que point le risque d' »un nouveau maccarthysme » qui se développerait « à l’égard de tout ce qui se référerait à l’islam. Un maccarthysme +musulmanophobe + », explique-t-il.
Or, « ne percevoir l’islam qu’à travers ses expressions violentes contemporaines (…), voir dans chaque musulman (encore plus dans un converti récent) une menace (…) représente un vrai danger. Celui de mettre en place une société de la suspicion permanente, de la surveillance des uns par les autres, de la banalisation de la délation », avertit-il.
« Chasse au musulman »
Lors de l’hommage national mardi aux fonctionnaires tués, Emmanuel Macron a appelé « la Nation tout entière » à « se mobiliser » pour combattre « l’hydre islamiste », en construisant « une société de vigilance », « à l’école, au travail, dans les lieux de culte », capable de repérer « relâchements » et « déviations ». Tout en précisant qu’il s’agissait bien de faire preuve de « vigilance » et non de « soupçon ».
Mais ce discours a été interprété par certains comme un appel à la délation, entraînant protestations ou moqueries grinçantes sur les réseaux sociaux sous le hashtag « #signale un musulman ».
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« Le président est dans son rôle », estime Chems-Eddine Hafiz. « Mais il y a un problème de définition de ce qu’est l’+hydre islamiste+. Il faut préciser les contours de ce qu’est le +combat islamiste ». Sinon ça risque d’être une chasse au musulman ».
Lui-même appelle « les musulmans de France à se mobiliser pour rappeler les fondements de l’exercice de leur culte. L’objectif est de « déterminer ce que doit être le comportement du musulman lambda », selon lui. Et de « rappeler ce qu’est l’islam, pour bien le différencier de l’islam politique que l’on dénonce ».
Le CFCM, interlocuteur de l’État concernant le culte, « va faire des propositions en ce sens au ministre de l’Intérieur » lors d’une rencontre prévue le 18 octobre, a-t-il précisé. L’objectif d’un meilleur « contrôle des imams » sera aussi au menu.
« Nous n’avons jamais pris à bras le corps cette problématique », a-t-il relevé.
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« Il faut d’urgence que les musulmans de France se mobilisent contre l’idéologie jihadiste car ils sont religieusement bien placés pour réfuter la propagande mise en œuvre », estime pour sa part l’essayiste Hakim El Karoui, dans une tribune publiée par l’Opinion.
C’est « leur intérêt de démontrer qu’ils ne sont pas passifs face à la menace, tout simplement parce que leur image est durablement altérée par leur inaction actuelle », a estimé celui dont le projet d’Association musulmane pour l’islam de France (Amif) entend réformer le culte, notamment afin de mieux lutter contre le discours salafiste.
« Il y a un travail titanesque à faire qui consiste à déconstruire le discours, les fondements théologiques qui permettent la collusion entre la violence et le sacré », ce par « l’éducation, la connaissance, la culture », plaide Ghaleb Bencheikh.