Affaire Hajar Raissouni: décision jeudi sur la remise en liberté de la journaliste

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La justice marocaine répondra jeudi à la demande de mise en liberté d’une journaliste poursuivie pour « avortement illégal » et « relations sexuelles hors mariage », la défense ayant dénoncé lundi de nombreux « vices de forme » dans la procédure.

Hajar Raissouni, 28 ans, journaliste au quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum, risque jusqu’à deux ans de prison en vertu du code pénal marocain, qui sanctionne les relations sexuelles hors mariage et l’avortement quand la vie de la mère n’est pas en danger.

Pour la deuxième audience, devant une salle comble, les avocats de la défense ont à nouveau plaidé pour sa remise en liberté en soulignant les nombreux « vices de formes » et en dénonçant des « preuves fabriquées » en l’absence d’un flagrant délit au moment de son arrestation.

« Son interpellation ne peut être le fruit du hasard, elle était espionnée », « ce qu’elle a subi pendant l’enquête préliminaire était une humiliation qui relève de la torture », « on a introduit des appareils dans son corps pour fabriquer des preuves », « tout cela montre un climat de terreur » : L’équipe de la défense a multiplié les attaques en appelant le tribunal à « montrer que la justice est indépendante et peut stopper les abus ».

Le procès doit reprendre lundi prochain, mais les juges ont décidé de se prononcer dès jeudi sur cette nouvelle demande de mise en liberté.

L’affaire a suscité colère et indignation dans les médias et sur les réseaux sociaux, soulevant des débats sur les libertés individuelles au Maroc et sur les poursuites judiciaires visant les voix critiques.

Lundi, des militants pour la défense des droits humains et des féministes étaient présents au tribunal en signe de soutien, mais en nombre bien moindre que lors de la manifestation organisée lundi dernier avant l’ouverture du procès, selon un journaliste de l’AFP.

Placée en détention après son arrestation fin août devant un cabinet médical de Rabat, la journaliste assure avoir été soignée pour une hémorragie interne. Elle dénonce depuis son arrestation une « affaire politique ».

« Sale et diffamatoire »

Pour Reporters sans frontières (RSF), elle est « victime de l’acharnement judiciaire contre les journalistes ». Amnesty International a dénoncé des « accusations forgées de toute pièce » en appelant à envoyer massivement des demandes de libération au chef du gouvernement marocain.

Face au tollé, le parquet de Rabat a assuré dans un communiqué que son arrestation n’avait « rien à voir avec sa profession de journaliste », mais était intervenue dans le cadre d’une enquête judiciaire plus globale visant le cabinet médical.

« L’acharnement de médias proches des renseignements, avec des articles sales et diffamatoires montrent que c’est une affaire politique », a déclaré à l’AFP son oncle, Souleymane Raissouni, un éditorialiste engagé du quotidien Akhbar Al-Yaoum.

Selon lui, « on veut régler son compte avec un parti, le PJD (parti islamiste, à la tête de la coalition gouvernementale) et avec le journal Akhbar Al-Yaoum, en utilisant une journaliste qui n’a rien à voir avec tout ça, c’est lâche et immoral ».

La journaliste a été arrêtée le 31 août, en même temps que son fiancé, un universitaire soudanais qu’elle devait épouser mi-septembre. Interpellés au même moment, le gynécologue qui l’a traitée, un infirmier et une secrétaire sont jugés en même temps. La défense a plaidé pour la remise en liberté de tous les prévenus, après un premier rejet la semaine dernière.

Des organisations de médecins ont affirmé leur soutien au gynécologue et demandé une « révision de la réglementation portant sur la relation entre le médecin et ses patients dans le cadre du secret médical ».

Une révision du code pénal –y compris les dispositions concernant l’avortement– figure à l’ordre du jour des débats parlementaires.

Depuis l’arrestation d’Hajar Raissouni, de nombreuses voix, y compris dans les rangs des islamistes du PJD, se sont élevées pour demander de décriminaliser l’interruption volontaire de grossesse.

Entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc, selon des estimations d’associations.

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