Visas Schengen: les intermédiaires font main basse sur les rendez-vous

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Visas Italie
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C’est presque devenu un parcours du combattant. Alors que plusieurs personnes ont dû faire face à des refus de visa Schengen, d’autres ne parviennent même pas à obtenir un rendez-vous. Car depuis les restrictions annoncées par Paris en septembre 2020, rien que l’obtention d’un rendez-vous pour déposer son dossier est devenu très compliqué, voire certaines fois impossible, ouvrant la voie à un marché noir de revente. Eclairage.

Les demandeurs de visas sont à bout de nerfs. Ceux qui souhaitaient partir à l’étranger, particulièrement en Europe en juillet/août sans avoir largement anticipé la prise de rendez-vous, ont dû se replier vers une destination plus locale ou vers un pays hors espace Schengen.

Depuis la propagation du virus, obtenir un visa pour la France ou encore l’Espagne est devenu très compliqué, surtout dans les centres de Casablanca et Rabat.

Seulement, ce sésame tant convoité par nombre de Marocains et permettant d’entrer dans l’espace européen pour les voyageurs en provenance des pays tiers, fait davantage de désespérés. Ledit visa de court séjour permet à une personne d’entrer dans n’importe quel pays de l’espace Schengen afin d’y rester jusqu’à 90 jours sur une période de 6 mois, à des fins touristiques ou encore pour des affaires. Malheureusement, l’obtention de ce dernier est actuellement compromise car il n’y a pas de rendez-vous possibles avant le mois de septembre: une période toujours pas disponible sur le site.

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Un service gratuit qui coûte cher

Ce délai très long s’explique par la forte demande de voyageurs qui ont rempli la démarche après que les pays de l’UE et de l’espace Schengen aient levé leurs restrictions. Pourtant, sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes se disent capables de faire des miracles et donc de dénicher, même en plein engouement, des rendez-vous à n’importe quelle date, bien que le site ne soit pas entièrement fonctionnel, et ce, depuis un moment.

H24info a donc fait le test pour vous. Nous nous sommes d’abord renseignés auprès de la plateforme TLS qui ne fonctionne pas. Aucune prise de rendez-vous n’est possible et pour cause: «maintenance du site».

En cherchant un peu, nous sommes tombés sur plusieurs «agents» qui ont fait de cet engouement un business qui rapporte de l’argent. Nous nous sommes fait passer pour un client Lambda et nous appellerons notre intermédiaire Siham. «Je peux vous trouver n’importe quel rendez-vous à TLS. Et le prix dépendra de votre ville ainsi que de la période durant laquelle vous voulez avoir ce rendez-vous», explique une «intermédiaire», travaillant au sein d’une agence de voyages à Casablanca.

Cette quadragénaire n’hésite pas à dévoiler le prix à payer: «un rendez-vous pour le mois d’août vous coûtera 1.000 dirhams par personne si vous habitez à Rabat, et environ 2.500 dirhams si vous résidez à Casablanca.»

Mais, si le site est bloqué, comment ces personnes peuvent-elles remplir le dossier en ligne de n’importe quel demandeur et lui trouver chaussure à son pied? «Je ne peux pas vous dire comment, mais c’est mon travail. Je sais que ce n’est pas tout à fait légal de procéder ainsi, mais je ne fais qu’aider les gens qui peinent à trouver un RDV», répond Siham.

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Ainsi, si on additionne ces frais, un Bidaoui devra payer environ 3.618 dirhams sans compter la réservation de l’hôtel ainsi que le billet d’avion (obligatoire à tout obtention de visa touriste). Et sans surprise, ces frais ne sont pas remboursés en cas de refus.

Si un Rbati par contre souhaite avoir un visa, il devra compter quelque 2.118 dirhams. «C’est aberrant. Le prix du visa a d’abord augmenté, puis on y a rajouté il y a quelques années de cela les frais de service de l’entreprise TLS pour maintenant devoir payer plus à cause desdits intermédiaires. C’est quand que cela va finir? Ceci sans parler des refus de visa», se plaint Salim, un employé au sein d’une entreprise privée à Casablanca.

Face à cette situation exceptionnelle, de plus en plus de Marocains préfèrent recourir à d’autres pays européens, généralement peu sollicités. C’est le cas notamment de l’Allemagne ou encore du Portugal. «La procédure est certes différente de l’Espagne ou de la France et la durée accordée est courte, mais au moins je suis sûr d’avoir mon visa», raconte Salim.

En effet, les frais de service de base d’un visa de court séjour pour la France (sans les prestations de service des intermédiaires) sont fixés par le Consulat français en euros. Ils s’élèvent à environ 258 dirhams (20 euros) par dossier déposé et ne sont pas remboursables, sauf si le demandeur décide de ne pas déposer son dossier avant la collecte des données biométriques. Suite à l’entrée en vigueur du nouveau Code communautaire des visas, les frais de visas court séjour (moins de 3 mois) passent de 60 à 80 euros (et de 35 à 40 euros pour les enfants de 6 à 12 ans) à compter du 2 février 2020.

Opter pour un pays sans visa

Rachid lui travaille dans un cyber à Rabat. Ses tarifs sont moins chers que ceux de Siham mais ses services restent tout de même payants alors qu’ils sont censés être gratuits. «C’est un peu délicat de prendre un rendez-vous pour le mois d’août, mais ce n’est pas impossible. Il vous coûtera 800 dirhams si vous habitez à Rabat et entre 1.500 et 2.000 si vous habitez à Casablanca», dit-il.

Un marché qui s’est installé essentiellement depuis la dématérialisation des prises de rendez-vous. «Ce sont des files d’attentes interminables et virtuelles. Nous, notre boulot, c’est de faciliter la tâche aux demandeurs en leur proposant un service payant», ajoute notre source.

Ces intermédiaires réservent des créneaux dès qu’ils se libèrent sur les sites des consulats à l’aide de robots en ligne. «Je connais des gens qui ont des tuyaux au sein des consulats ou encore des sociétés prestataires de service. Dès qu’un créneau se libère, ces personnes informent directement ledit intermédiaire afin qu’il puisse les réserver pour les vendre par la suite alors qu’ils sont gratuits», fait savoir Aziz, patron d’une agence voyages à Rabat.

«Nous, en tant qu’agence, nous n’avons pas de rendez-vous calés à vendre mais avons des tarifs préférentiels que nous obtenons auprès de ces gens afin de les revendre aux clients», ajoute-t-il.

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«Le Maroc ne peut malheureusement rien faire à ce sujet, ça ne relève pas de ses compétences. Car ce sont les autorités françaises qui détiennent l’entière responsabilité de ce qui se passe aujourd’hui. La seule chose que nous pouvons traiter, c’est la prestation de services de TLS, BLS, etc. car là seulement, nous pouvons parler du droit du consommateur», conclut Ouadi Madih, président de l’Association UNICONSO. Pour lui, s’il y a bien une manière pour mettre un terme à «ce marché noir», c’est de ne pas y participer.

«Si les pays d’Europe ne veulent plus de nous, pourquoi payons-nous très cher pour aller les voir ? Nous pouvons faire du tourisme interne ou encore opter pour l’un des 65 pays que le passeport marocain nous permet de visiter sans visa», explique Ouadi Madih.

Contactés par nos soins, l’ambassade de France et TLS (Rabat et Casablanca) n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

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