Vidéo. Bataille d’Anoual: retour sur un tournant de l’histoire du Rif

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Des résistants rifains

Ce 21 juillet a marqué le 96e anniversaire de la bataille d’Anoual. Retour sur les enseignements d’un événement qui inspire toujours les générations au Rif et dans tout le Maroc.

L’Histoire compte de grandes batailles. Certaines sont géantes par le nombre de soldats, les armes sophistiquées, les coûts engagés et les victimes tombées.

La bataille d’Anoual, dont c’est le 96e anniversaire cette année, est de petite échelle, mais ses conséquences ont marqué un tournant dans la lutte contre l’occupation: la résistance au Rif est passée de la posture défensive à l’offensive.

 

 

La conquête espagnole vers Al Hoceima
«Grâce au vide provoqué par la mort de grandes figures de la résistance au nord du Maroc, notamment Cherif Mohamed Amzian entre autres, l’occupation espagnole gagne du terrain dans la région», explique Omar Lamaalem, chercheur en histoire du Rif. En effet, l’ambition d’expansion espagnole ira grandissante, jusqu’à déployer 36.000 soldats dans la région.

Les Espagnols continuent à s’étendre avançant peu à peu vers Al Hoceima et installent diverses bases militaires, notamment au site d’Anoual le 15 janvier 1921, à 35 km de la commune de Driouech et 106 Km de Melilla.

«Quand ils ne sont pas aidés par certains mercenaires et des notables du Rif qui reçoivent des rentes, les Espagnols usent de la politique de la terre brulée et sèment famine, misère et oppression», souligne Omar Lamaalem qui préside l’association mémoire du Rif.

D’ailleurs, à cette époque, plusieurs familles du Rif choisiront d’immigrer vers l’Algérie pour fuir la catastrophe.

 

Abdelkrim El Khattabi et ses troupes s’organisent
Face à la menace rampante, Abdelkrim ben Mohamed El Khattabi (père) réunit 2000 résistants et décide d’attaquer les Espagnols, mais il est assassiné fin 1920. Son fils Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi reprend le flambeau.

Il commence alors par réunifier les tribus du Rif , notamment Aït Ouriaghel, ibbekoyen Ait Temsamane, Ait Oulichek (bien que très minoritaires) ainsi que des Ait Touzine, et embrigade les combattants. Il dessine ainsi, petit à petit, les traits d’un Etat structuré, conscient qu’il ne peut y avoir de guerre contre l’occupation sans organisation.

 

Dhar Oubaran, l’étincelle vers le triomphe
«Après avoir réussi, le 13 avril 1921, à créer des camps militaires non loin du site d’Anoual pour guetter les faits et gestes des Espagnols, la résistance parvient à repousser ces derniers lors d’une petite escarmouche à Dhar Oubaran. Cet exploit sera décisif», affirme Mustapha Qadery, professeur d’histoire.

Selon l’association mémoire du Rif, Abdelkarim et ses troupes parviennent plus tard à détecter, informés par des mouchards au sein de l’armée espagnole, le point faible des militaires: leur dépendance d’un point d’eau éloigné de 4 km de leur base.

C’est ainsi qu’en fin stratège, El Khattabi décidera le 17 juin d’encercler ses ennemis, leur interdisant l’accès pour se ravitailler et recevoir des renforts.

«L’embargo durera 5 jours pendant lesquels quelque 1500 résistants useront des techniques de la guerre des tranchées, infligeant une défaite cuisante à 6000 soldats espagnols sous les commandes du général Manuel Fernández Silvestre», souligne la même source.

D’ailleurs, à la suite de cette humiliation de l’armée coloniale espagnole, Manuel Fernández Silvestre, commandant général de Melilla (1920-1921) se suicida au début de la guerre du Rif .

 

El Khattabi, un pionnier de la guerre des gangs
«La particularité de ces tranchées est qu’elles étaient petites et ne pouvaient contenir qu’un homme ou deux, de telle sorte que les pertes humaines ne soient pas lourdes si les combattants étaient visés par des obus», explique ce membre de l’association mémoire du Rif.

«Les techniques utilisées dans la bataille ont inspiré plusieurs mouvements de libération nationale. Et elles sont encore à ce jour enseignées dans les écoles militaires concernant la guerre des gangs», souligne Mustapha Qadery, professeur d’histoire.

 

S’arrêter à Melilla, « une erreur » ?
C’est ainsi que la résistance, forte des munitions et armes du camp adverse, récupèrera tour à tour et en moins de trois mois les terres que les Espagnols ont pris onze ans à occuper. El Khattabi et ses troupes étaient même plus près que jamais de libérer Melilla, alors sous le joug de l’Espagne depuis 1497.

Mais, il estimera pour plusieurs raisons que le temps n’était pas opportun. Erreur, jugeront par la suite divers historiens et El Khatabi lui-même, rapportent plusieurs sources.

Par ailleurs, cette bataille que les Espagnols appellent encore «désastre d’Anoual» créera une véritable inquiétude chez les forces d’occupation espagnoles et françaises. Elles s’allieront ainsi contre la résistance au Rif jusqu’à user d’armes chimiques interdites.
Cette bataille a également eu pour conséquence de provoquer une des plus importantes crises politiques de la monarchie libérale d’Alphonse XIII. Elle fut la cause directe du coup d’État et de la dictature de Miguel Primo de Rivera.

 

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