Les footballeurs subsahariens et les chants des sirènes de la Botola

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Nombreux sont les jeunes footballeurs subsahariens qui viennent chaque année au Maroc dans l’espoir de faire valoir leurs talents, mais qui, une fois sur le terrain, sont confrontés à une réalité bien différente.

Les sportifs subsahariens font le bonheur des clubs engagés dans les différents championnats professionnels marocains, du football au basket, en passant par le volley-ball et le handball. Plus présents dans le sport roi, ils font rugir les filets adverses, font des misères aux attaquants, ou encore sont les maîtres à jouer de leurs équipes. Des prouesses qui leur valent d’être appelés dans leurs sélections nationales respectives ou d’être «arrachés» par des clubs européens.

Mais ceci n’est que la partie visible d’un immense iceberg. En effet, nombreux sont ces jeunes subsahariens qui viennent chaque année au Maroc dans l’espoir de faire valoir leurs talents en Botola et dans les autres divisions, mais qui, une fois sur le terrain, sont confrontés à une réalité bien différente. Qui sont-ils? Pourquoi échouent-ils? Que deviennent leurs ambitions?

Durcissement de la loi

Avant, un joueur subsaharien talentueux pouvait espérer pouvoir se faire une place au soleil du football marocain. Mais depuis 2 à 3 ans, les lois ont changé: «Désormais, pour qu’un un étranger puisse jouer dans un championnat officiel marocain, il lui faut comptabiliser au moins dix sélections en équipe nationale au cours des trois dernières années, en équipe «A», chez les locaux, ou dans les catégories jeunes», nous confie Jackson Ayoula, conseiller sportif ivoirien basé à Casablanca. Ce qui réduit drastiquement les chances de nombreux jeunes footballeurs talentueux (l’on note déjà une légère baisse de leurs arrivées au Maroc).

La fin justifie les moyens

Une raison importante de l’échec de ses jeunes talents étrangers est le manque de professionnalisme dans la gestion de leur venue au Maroc. En général, un agent propose un joueur à un club en lui montrant son CV et des vidéos de ses prouesses. Si le club est intéressé, il s’occupe de payer les frais de voyage et l’hébergement du joueur jusqu’à la visite médicale. Et une fois que tout est réglé, la signature a lieu.

Deux autres cas voudraient qu’un club qui n’est pas convaincu par les vidéos, accepte de faire passer un test au joueur, mais sans rien prendre en charge, ou qu’une connaissance promette au jeune footballeur et à ses parents de lui trouver un club au Maroc grâce à ses «connexions» (qui n’existent probablement pas). Les parents, de niveau social modeste, rassemblent et remettent à cette connaissance l’argent du voyage et de la prise en charge de leur enfant.

«Je me disais qu’il suffisait d’arriver ici pour jouer»

Cette connaissance n’est très souvent pas ce qu’Ayoula appelle une «personne ressource», capable de savoir si le jeune joueur a le niveau requis pour pouvoir jouer au Maroc, et qui a les contacts nécessaires et un plan bien en place pour son poulain. La plupart de ces personnes ne sont intéressées que par l’argent qu’ils peuvent soutirer au joueur et ses parents. Alors une fois arrivé au Maroc, le jeune joueur peut ne pas réussir le test, ou réaliser qu’il a été trompé. En effet, «n’arrive pas à mettre un jeune dans un club qui veut», insiste Ayoula. Alors que faire?

«Je me disais qu’il suffisait d’arriver ici pour jouer», regrette Adama. Jeune footballeur très prometteur en Côte d’Ivoire, il a décidé, il y a 2 ans, de suivre un ami qui promettait de le faire «percer» (réussir) au Maroc. Mais il s’est vite rendu compte des difficultés du terrain. Et après l’avoir hébergé pendant un temps, son ami l’a laissé à lui-même. «Aujourd’hui, je me débrouille, j’ai réussi à trouver un petit boulot dans un snack à Oulfa (Casablanca)».

Plusieurs jeunes, originaires de plusieurs pays du continent sont dans le même cas qu’Adama. Désillusionnés, ils refusent de rentrer dans leur pays d’origine par crainte des regards moqueurs, mais surtout parce qu’ils s’en veulent de ne pas avoir été à la hauteur des sacrifices de leurs parents. Ils cherchent donc une petite occupation qui leur permettrait de se prendre en charge… ou de continuer leur aventure en Europe. En effet, Ayoula nous confie connaître beaucoup de jeunes footballeurs qui ont rejoint l’Europe par les bateaux de passeurs. Enfin, certains jeunes décident de retourner dans leur pays, mais ces cas sont très rares.

Une seconde vie

Ayoula fait partie de ceux qui, par passion mais aussi par profession, décident de «recycler»  les joueurs subsahariens qui se retrouvent au Maroc sans club, en fin de contrat, blessés, ou en méforme. Ancien footballeur professionnel en Côte d’Ivoire, il refuse de les laisser se décourager et abandonner leurs rêves. Le recyclage se fait en plusieurs étapes: «Je fais d’abord un travail psychologique, afin de leur redonner la motivation, de leur dire de ne pas baisser les bras. Ensuite vient l’étapes de la mise en jambe physique, à raison de deux heures d’entraînement physique intensif par jour, suivie de celles de la technique et de la tactique». L’homme s’occupe ainsi d’une vingtaine de jeunes qu’il fait participer à des compétitions à travers le Maroc. L’équipe a d’ailleurs récemment remporté un tournoi organisé par la wilaya de Mohammedia.

Certains de ses joueurs ont même eu droit à une seconde vie dans des championnats ailleurs. 3 d’entre eux ont rejoint la 1ère division mauritanienne, tandis qu’un autre s’apprête à (re)fouler les pelouses ivoiriennes dès l’entame de la prochaine saison. Un retour au bercail signe d’un nouveau départ.

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