«Tout doit s’envoler un jour…»: quand Pierre Bergé évoquait déjà sa mort

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Notre partenaire Le Figaro avait interviewé en juillet 2015 le mécène et homme de culture avant la vente de sa magnifique bibliothèque. Il confiait qu’il attendait «la mort avec un grand calme» mais qu’il rêvait «de voir le XXIIe siècle».

Pierre Bergé s’est éteint ce vendredi matin des suites d’une longue et sévère maladie face laquelle il se sera comporté avec un grand courage. Six ans après la vente des objets ayant appartenu à Yves Saint Laurent qui avait battu un record en 2009 avec 373,9 millions d’euros, Pierre Bergé mettait aux enchères sa prestigieuse collection de livres: «Je suis arrivé à l’âge où il faut faire du nettoyage dans sa vie. Je suis lucide. Je vais avoir 85 ans. Ma mère en a eu 108. Cela me laisse encore 23 ans devant moi. Mais je ne veux pas me faire, comme elle, rattraper par la maladie. Pour les mêmes raisons, j’ai vendu en 2009, chez Christie’s, la collection constituée avec Yves Saint Laurent. Nous étions pacsés. Tout m’est revenu, mais son testament stipulait de vendre au profit de la fondation Pierre Bergé & Yves Saint Laurent».

«Je ne veux pas me faire, comme elle [sa mère], rattraper par la maladie»

Pierre Bergé

Pour sa bibliothèque, il disait qu’il trouverait à qui donner les fruits de sa vente. «Peut-être au musée que je construis à Marrakech», confiait-il. Musée dédié à Yves Saint Laurent qui ouvre le 19 octobre prochain et dont il espérait de tout cœur assister à l’inauguration. Avant de mourir, disait-il.

Confidences sur la mort

Avec ses livres, il disait ne s’être jamais senti lourd. «Même si ce n’est pas rien de porter une telle bibliothèque. La littérature, au même titre que l’art, vous élève. Mais il faut savoir se détacher des choses. Ce sera le cas des générations futures qui sont en train d’inventer un langage qui n’est plus le nôtre. Nous sommes arrivés à la fin d’un cycle. Mais je ne suis pas nostalgique. Je suis profondément optimiste. J’attends la mort avec un grand calme mais j’espère qu’elle n’arrivera pas. Je rêve de voir le XXIIe siècle. Ce que je regretterai, ce sont mes rencontres avec mon bibliothécaire, Michel, avec lequel je pouvais parler des heures de tous ces livres devenus mes enfants.»

Il l’annonçait, sa bibliothèque restera vide: «Pas besoin de remplir avec des livres au mètre comme chez les dentistes. Je ne crois pas à la possession. L’art a toujours été, pour moi et Yves, en transit. Tout doit s’envoler un jour.» Avant d’ajouter, paradoxal, qu’il ne se séparerait pas de certains ouvrages malgré tout dont le Requiem de Cocteau, son grand ami dont l’homme d’affaires avait le droit moral sur l’œuvre. Requiem qui comporte cette dédicace: «Mon cher Pierre, je sais bien qu’il faut porter sa croix, la mienne est lourde, je t’envoie ce fleuve dans lequel on crache, je te l’envoie sur un exemplaire bleu pour te dire ma tendresse».

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