Porno: en France, un rapport du Sénat dénonce « l’enfer du décor »

Publié le
Sénat français,sénat français composition,Pornographie violence
Sénat français. AFP.

« Violences systémiques », femmes « exploitées », mineurs trop facilement exposés à des contenus traumatisants: un rapport du Sénat, la chambre haute du parlement français, dénonce les dérives de l’industrie du porno et appelle le gouvernement à agir.

La lutte contre ces violences doit devenir une « priorité de politique publique et pénale », plaident les autrices de ce rapport intitulé « Porno: l’enfer du décor ».

Depuis l’apparition, au milieu des années 2000, des grandes plateformes internet comme Pornhub ou Xvideos, la diffusion du porno est devenue massive, ce qui a « contribué à la recrudescence de contenus de plus en plus +trash+ et violents, sans aucun contrôle ni considération pour les conditions dans lesquelles ces contenus sont produits », souligne le rapport.

Lire aussi. Violences sexuelles dans le porno en France: trois acteurs en garde à vue

Selon des données de Pornhub de 2021, la France se situe au quatrième rang mondial des pays les plus consommateurs de pornographie, en termes de nombre de consultations journalières, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, et devant l’Italie.

Et parmi une audience mensuelle moyenne de 19,3 millions de visiteurs uniques (personnes qui se rendent chaque mois au moins une fois sur un site classifié « adulte »), 2,3 millions sont mineurs.

« Les producteurs ne craignent pas d’exploiter la vulnérabilité économique et psychologique de femmes jeunes, voire très jeunes, et de réaliser des tournages dans des conditions déplorables », dénonce le rapport du Sénat.

Face à des productions « qui atteignent le paroxysme de la violence », la société doit réagir en renforçant la répression pénale contre les responsables de cette industrie, en « favorisant l’émergence de plaintes des victimes », et en imposant aux plateformes de supprimer gratuitement les vidéos lorsque les femmes en font la demande, préconisent les élues.

Actuellement, lorsqu’une femme abusée demande la suppression d’une vidéo dans laquelle elle apparaît, les producteurs lui réclameraient entre 3.000 et 5.000 euros, « soit dix fois plus que la rémunération obtenue pour la scène tournée », pointe le rapport.

Lire aussi. Le bébé de la pochette d'album « Nevermind » poursuit Nirvana en justice pour pédopornographie

Les sénatrices formulent par ailleurs plusieurs propositions pour empêcher les mineurs d’accéder au porno sur internet, une précaution qui s’impose en théorie aux diffuseurs mais qui, dans les faits, n’est pas appliquée.

– Traite d’humains –

L’Arcom, le régulateur français des médias, doit voir ses pouvoirs renforcés pour imposer des amendes « dissuasives » aux sites porno accessibles aux mineurs, et le gouvernement doit imposer le « développement de dispositifs de vérification d’âge ».

Alors que deux tiers des jeunes de moins 15 ans ont déjà eu accès à des images porno, la lutte doit aussi passer par l’éducation, estiment les parlementaires, pour qui la « marchandisation des corps » et la pornographie devraient être abordés dans les établissements scolaires, dans le cadre de séances d’éducation à la vie sexuelle et affective.

Ce rapport parlementaire survient alors que le milieu du porno français dit « amateur » est secoué depuis deux ans par plusieurs enquêtes judiciaires, l’une visant le site « Jacquie et Michel », et l’autre la plateforme « French Bukkake ». Trois acteurs et un réalisateur ont été placés en garde à vue mardi dans cette dernière enquête pour traite d’êtres humains aggravée, viol en réunion ou proxénétisme aggravé.

Lire aussi. Allemagne: démantèlement d'un vaste réseau internet de pédopornographie

« Ces procédures judiciaires révèlent au grand jour la barbarie, la violence, la haine sexiste et raciste de l’industrie pornographique française », a commenté dans un communiqué un collectif d’associations féministes, qui a salué le « rapport fondamental » du Sénat.

Au vu des plaintes déposées par des femmes victimes, « plus personne ne peut parler d’art ou de cinéma », ont ajouté ces associations.

Pour Grégory Dorcel, patron du géant du porno du même nom, la nécessaire défense des victimes ne doit pas conduire à une « généralisation abusive » ou à une « caricature ».

« Les victimes doivent être crues et entendues, et la justice doit faire son travail. Mais attention aux amalgames entre des criminels, qui doivent être poursuivis, et l’industrie porno dans son ensemble », a dit à l’AFP M. Dorcel, qui met en garde contre les positions « abolitionnistes » et suggère de réfléchir à la création du métier « d’agent » pour les acteurs du X.

La rédaction vous conseille

Les titres du matinNewsletter

Tous les jours

Recevez chaque matin, l'actualité du jour : politique, international, société...

Porno: en France, un rapport du Sénat dénonce « l’enfer du décor »

S'ABONNER
Partager
S'abonner