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“Paroles d’Experts” de Faïçal Tadlaoui. Trump II: “How US elections work” et quel impact pour le Maroc
Publié leLa récente réélection de Donald Trump aux États-Unis a pris tout le monde court et déclenché de nombreuses réactions à travers le monde, et particulièrement au Maroc, où ses impacts potentiels sont scrutés de près. Invités de ce numéro spécial présidentielle américaine, John Kincaid, professeur de sciences politiques au Lafayette College de Pennsylvanie et expert en fédéralisme américain, et Mehdi Alioua, doyen de Sciences-Politiques à l’Université Internationale de Rabat.
Pour de nombreux observateurs à l’international, le système électoral américain demeure une énigme. Le professeur Kincaid explique que le processus repose sur le Collège électoral, un mécanisme complexe instauré par les fondateurs de la Constitution en 1787 pour garantir un équilibre entre les États dans un pays fédéral. Contrairement aux démocraties où le président est élu au suffrage direct, les citoyens américains votent pour de grands électeurs qui, eux, choisissent ensuite le président. Ce système, bien que critiqué, reflète la nature fédérale des États-Unis et ses particularités historiques.
Répartition des pouvoirs : un président limité ?
Si la large victoire de Trump au sein de l’électorat et du Collège électoral pourrait laisser penser qu’il a les mains libres, Kincaid rappelle que le président américain ne dispose pas d’un pouvoir absolu. Le système fédéral américain accorde une grande autonomie aux États et impose des contre-pouvoirs par le biais du Congrès et de la Cour suprême. Même dans le cas où les républicains contrôlent le Congrès, les États gouvernés par des démocrates pourraient, par exemple, s’opposer aux mesures fédérales, notamment sur la question de l’immigration.
Ce sujet de l’immigration, qui a dominé la campagne de Trump, continue de diviser. Sa promesse d’expulser des millions de migrants pourrait se heurter à des obstacles majeurs. D’une part, les États dirigés par les démocrates ont la capacité de résister aux décisions fédérales en refusant de mobiliser leurs propres ressources. D’autre part, une expulsion massive exigerait des ressources financières et logistiques colossales, ce qui la rend difficilement réalisable. Le professeur Kincaid et Mehdi Alioua anticipent ainsi une intensification des batailles juridiques et des tensions entre les niveaux de pouvoir.
Les résultats de cette élection confirment tout de même un basculement significatif au sein de l’électorat américain. Trump a réussi à fédérer des groupes issus de la classe ouvrière, traditionnellement acquis aux démocrates, avec des minorités qui n’étaient pas historiquement républicaines.
Mehdi Alioua souligne de son côté que ce phénomène n’est pas uniquement américain, mais s’observe également en Europe, où les ouvriers se tournent de plus en plus vers des candidats de la droite nationaliste. Cet alignement change les dynamiques de vote aux États-Unis, rendant l’avenir politique moins prévisible.
Répercussions géopolitiques et prudence marocaine
Au Maroc, la réélection de Trump est scrutée de près avec un mélange de prudence et d’espoir. L’administration Trump a, par le passé, adopté une position favorable sur le Sahara, comme l’a rappelé le Roi dans son message de félicitations à Trump. Cependant, Mehdi Alioua rappelle que dans le domaine des relations internationales, rien n’est jamais définitif. Il invite à une vigilance continue de la diplomatie marocaine, malgré les apparentes garanties obtenues jusqu’à présent, soulignant que l’intérêt américain pourrait évoluer en fonction des priorités changeantes de la politique intérieure.
Cette campagne électorale, fortement marquée par les attaques personnelles entre candidats, reflète une société américaine de plus en plus polarisée, selon Kincaid. Ce phénomène, tout comme le basculement de l’électorat, ouvre une période d’incertitude pour les années à venir. Avec des tensions sociales et économiques exacerbées, cette élection est autant un soutien à Trump qu’un rejet de l’administration Biden. Un constat qui pourrait influencer la stratégie des deux partis dans le futur.
Le processus de transition entre l’élection et la prise de fonction en janvier est un moment clé. Kincaid rappelle que ce délai, raccourci dans les années 1930, permet de préparer l’arrivée de la nouvelle administration. Trump et son équipe doivent ainsi constituer un gouvernement solide pour mener à bien ses promesses de campagne, tout en veillant à nommer des responsables partageant ses priorités politiques.