Soudan: la contestation appelle à marcher sur le palais présidentiel

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Un groupe clé de la contestation au Soudan a appelé dimanche les milliers de manifestants mobilisés à Khartoum à marcher vers le palais présidentiel, siège des généraux au pouvoir engagés dans un bras de fer avec les protestataires.

Des dizaines de milliers de Soudanais manifestent dimanche contre les généraux au pouvoir à travers le pays y compris à Khartoum où la police a tiré des gaz lacrymogènes, sur fonds d’appels internationaux à éviter une nouvelle répression sanglante.

Il s’agit du plus grand rassemblement dans la capitale depuis la dispersion le 3 juin d’un sit-in de manifestants devant le QG de l’armée à Khartoum, proche du palais présidentiel, qui avait fait des dizaines de morts.

Aux cris de « Pouvoir civil, pouvoir civil », les Soudanais manifestent dans plusieurs villes pour réclamer un transfert du pouvoir aux civils, à l’appel de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation qui espère une mobilisation massive.

« Nous appelons notre peuple révolutionnaire dans la capitale à se diriger vers le palais (…) pour demander que justice soit rendue aux martyrs et que le pouvoir soit immédiatement cédé aux civils, sans conditions », a indiqué sur Twitter l’Association des professionnels soudanais (SPA) qui fait partie de l’ALC.

« Pour les martyrs » 

Depuis la destitution et l’arrestation le 11 avril par l’armée du président Omar el-Béchir, le palais présidentiel est le siège du Conseil militaire de transition qui lui a succédé.

Avant le début des rassemblements dimanche, plusieurs pays et des ONG ont appelé à la retenue, près d’un mois après la dispersion brutale du 3 juin.

A Khartoum et dans les villes d’Omdourman, de Port-Soudan, d’Al-obeid, de Madani, de Kassala et de Khasma el-Girbade, les manifestants ont scandé des slogans révolutionnaires, selon les témoins.

A Khartoum, un important dispositif de sécurité a été mis en place et la police a tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants, selon des témoins. Les forces de sécurité ont également fait usage de lacrymogènes à Gadaref (est).

Brandissant des drapeaux soudanais et faisant le signe de la victoire, hommes et femmes ont envahi les rues du quartier d’al-Sahafa à Khartoum, selon un journaliste de l’AFP sur place. De nombreux magasins sont restés fermés.

« Nous voulons un Etat civil qui garantisse notre liberté. Nous voulons en finir avec la dictature militaire », a déclaré une manifestante, Zeinab, 23 ans.

« Personne n’a donné un mandat au Conseil militaire, tout le monde est contre le Conseil », a lancé un manifestant qui n’a pas voulu donner son nom.

En prévision des rassemblements, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) ont été déployés sur plusieurs places de Khartoum, à bord de leurs pick-ups armés de mitrailleuses.

Les autorités bloquent depuis des semaines l’accès à internet, outil stratégique pour mobiliser les manifestants dès le début du mouvement de contestation inédit au Soudan le 19 décembre 2018.

Ce mouvement a été déclenché initialement par le triplement du prix du pain dans un pays pauvre à l’économie exsangue. Les manifestations se sont ensuite transformées en contestation contre le pouvoir du général Béchir, qui dirigeait le pays d’une main de fer pendant près de trois décennies.

Epicentre de la contestation, le sit-in devant le QG de l’armée, entamé le 6 avril, a été brutalement dispersé le 3 juin. Au moins 128 personnes ont péri dans la répression qui a duré plusieurs jours, la grande majorité dans la dispersion du sit-in, selon des médecins proches de la contestation. Les autorités ont fait état de 61 morts.

Avertissement des généraux 

Les RSF ont été accusées par les manifestants, des ONG et des experts, d’être à l’origine de cette dispersion.

Un comité d’investigation mis sur pied par les généraux au pouvoir a reconnu l’implication d' »officiers et de soldats », mais le Conseil militaire a assuré avoir donné l’ordre de mener une opération antidrogue dans un secteur voisin, qui a débordé et mal tourné.

Samedi, les généraux ont averti qu’ils feraient porter à l’ALC « l’entière responsabilité » en cas de « perte humaine » ou de tout « acte de vandalisme » pendant les manifestations.

Dernièrement, les protestataires s’étaient contentés de petits rassemblements à Khartoum, parfois dispersés par les forces de sécurité.

Malgré le bras de fer, les chefs de la contestation et le Conseil militaire se disent ouverts à une reprise des négociations, à travers une médiation de l’Ethiopie et de l’Union africaine, pour dessiner les grandes lignes de la transition à venir.

Avant les manifestations de dimanche, l’Union européenne a affirmé qu’il était « du devoir du Conseil militaire d’assurer la sécurité de tous et de s’abstenir de tout recours à la violence contre les manifestants ».

Pour Amnesty International, « le conseil militaire ne doit pas laisser le pays glisser vers plus de répression. Le monde observe ».

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