Vidéos. L'incroyable sauvetage des cosmonautes après l'explosion de Soyouz

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The Soyuz MS-10 spacecraft carrying the crew of astronaut Nick Hague of the U.S. and cosmonaut Alexey Ovchinin of Russia blasts off to the International Space Station (ISS) from the launchpad at the Baikonur Cosmodrome, Kazakhstan October 11, 2018. REUTERS/Shamil Zhumatov

Les deux hommes qui devaient rejoindre l’ISS sont en bonne santé en dépit d’un brutal retour au sol.

Nous avions presque fini par oublier qu’envoyer des hommes dans l’espace ne relevait pas de la simple routine. Même pour les Russes qui le font sans discontinuer depuis que Youri Gagarine est devenu le premier homme en orbite en 1961. Jeudi, l’équipage formé par l’Américain Nick Hague et le Russe Alexeï Ovtchinine n’a pourtant pas réussi à rejoindre comme prévu la Station spatiale internationale (ISS).

Deux minutes après un décollage sans encombre depuis le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, leur fusée Soyouz a connu une défaillance dont l’origine exacte reste à déterminer. Il semblerait que l’un des quatre boosters qui flanquent le corps central n’ait pas fonctionné correctement. Sur les images diffusées en direct, on peut seulement constater que la séparation des quatre engins ne se déroule pas comme prévu. En lieu et place de la célèbre «croix de Korolev» qui atteste du largage parfaitement symétrique des quatre propulseurs, une nuée de débris inhabituelle apparaît à l’écran. «Problème de lanceur, deux minutes 45 secondes. Problème de lanceur. C’était un vol rapide! », lance alors Alexeï Ovtchinine avec un flegme étonnant, compte tenu des circonstances.
La fusée ayant dévié de son plan de vol, le mécanisme de sauvegarde a été déclenché, probablement de façon automatique. La capsule Soyouz MS-10 a été éjectée à l’aide de petits moteurs situés sur sa coiffe. Elle se trouve alors à une cinquantaine de kilomètres d’altitude et va amorcer un retour sur Terre «balistique». Elle retombe en fait peu ou prou comme une pierre. Les astronautes encaissent pendant quelques dizaines de secondes une accélération comprise entre 6 et 7 G (ils pèsent alors six à sept fois leur poids) avant que les parachutes ne se déploient.
Lire aussi : Echec de décollage de la fusée Soyouz: ce que l'on sait
La capsule atterrit à 420 km à l’est de Baïkonour. Les secours (des hélicoptères de récupération et des parachutistes largués par un Antonov-26) arrivent sur place moins de 15 minutes plus tard. Les deux passagers sont non seulement en vie, mais en parfaite santé. Ils sont rapatriés vers la ville voisine de Jezkazgan, à 20 km de là, avant de retourner vers Baïkonour, puis la Cité des étoiles, à Moscou. Ils apparaissent souriants et détendus sur les clichés dévoilés par les agences spatiales russe et américaine.

Nuée de débris dans le ciel après l’explosion de Soyouz, un peu plus de deux minutes après son décollage.

Pour l’astronaute canadien Chris Hadfield, les deux hommes n’ont probablement pas eu le temps d’avoir peur, trop occupés à surveiller le comportement de leur vaisseau. «Je pense qu’ils ont plutôt ressenti de la frustration et probablement de la colère, explique-t-il dans une vidéo diffusée sur Twitter. Ils se sont entraînés pendant de longs mois pour cette mission, et voir la fusée tomber en panne signifie qu’ils n’iront pas dans l’espace aujourd’hui. C’est une immense déception.»
D’autant plus grande que les échecs sont, fort heureusement, très rares. Il faut remonter à 1986 pour retrouver la trace d’un accident au décollage pour un vol habité. L’explosion de la navette américaine Challenger, 73 secondes après le décollage avait alors coûté la vie aux sept membres de l’équipage (l’accident de la navette Columbia en 2003 s’était, quant à lui, produit à son retour sur Terre).
Cette fois-ci, les procédures de sauvegarde ont parfaitement fonctionné et sauvé la vie des astronautes. Comme lors des deux précédents, et uniques, échecs de Soyouz lors de vols habités, en 1975 et en 1983. C’est à peu près le seul point positif à retenir de ce raté qui ouvre de très nombreuses questions. Le directeur de l’Agence spatiale russe Roscosmos a annoncé la mise en place d’une commission d’État pour déterminer les causes de l’échec.
Le Comité d’enquête de la Fédération de Russie, principal organe officiel d’investigation du pays, a ordonné l’ouverture d’une enquête pénale. «Les responsables examinent actuellement le site de lancement, des documents sont saisis», est-il détaillé dans un communiqué. L’affaire intervient quelques semaines seulement après la découverte d’un trou de perceuse dans une capsule Soyouz arrimée à l’ISS qui avait déclenché une fuite sans gravité en orbite. Les autorités russes ont sous-entendu à plusieurs reprises qu’il pourrait s’agir d’un acte de malveillance.

L’Américain Nick Hague (à gauche), l’un des deux cosmonautes qui a dû être éjecté de Soyouz.

Les vols habités en Soyouz vont-ils pouvoir reprendre rapidement? Rien n’est moins sûr. Tout dépendra des résultats des investigations. C’est en tout cas un vrai problème, étant donné que la Russie est le seul partenaire de l’ISS à pouvoir envoyer des hommes dans l’espace depuis l’abandon des navettes américaines en 2011. Les États-Unis ont certes commandé à Boeing et SpaceX des capsules habitables, mais ces dernières ne sont pas prêtes. Elles doivent effectuer leurs premiers vols de démonstration d’abord sans équipage, courant 2019. La capsule Orion de la Nasa, de toute façon surdimensionnée pour des vols en orbite basse, ne sera pas non plus disponible avant plusieurs années.
Lire aussi : Vidéo. Une fusée Soyouz s'envole vers l'ISS avec trois astronautes à bord

Depuis le retour sur Terre de trois astronautes le 4 octobre, il ne reste plus que trois occupants à bord de l’ISS actuellement, dont l’Allemand Alexander Gerst. Ces derniers devaient rentrer sur Terre le 13 décembre. Ils vont très probablement prolonger leur mission d’au moins quelques semaines, dans l’espoir que la Russie résolve ses soucis techniques. Mais ils ne pourront pas rester éternellement en orbite. Si les réserves d’eau et de nourriture sont amplement suffisantes, la durée de vie en orbite de la capsule Soyouz avec laquelle ils sont censés revenir sur Terre est en principe limitée à 200 jours (six mois environ). Elle pourrait peut-être être légèrement étendue, mais pas pendant plusieurs mois.
L’Agence spatiale européenne (ESA) a simplement précisé que «ce tir avorté aura un impact sur le planning proche de l’ISS et sur la mission Horizons de l’astronaute de l’ESA Alexander Gerst. Nous ne pouvons pas faire davantage de commentaires pour le moment». Depuis l’an 2000, jamais l’ISS n’est resté inoccupée, ne serait-ce qu’une seule journée. Le risque n’a jamais été aussi grand de la voir abandonnée. Au moins temporairement.
Par Tristan Vey

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