Vidéo. Zimbabwe: qui est Emmerson Mnangagwa, successeur de Robert Mugabe ?

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L’ancien vice-président, limogé il y a quelques semaines par Robert Mugabe, a gagné son bras de fer avec la première dame, qui souhaitait prendre la succession de son mari. Celui que l’on surnomme le «crocodile», et qui devrait accéder à la présidence vendredi, est un cacique du régime, associé à toutes ses politiques répressives depuis 1980.

Au «vieux lion» de 93 ans devrait succéder le «crocodile» de presque vingt ans son cadet. Alors que Robert Mugabe déclarait «être diplômé en violence», Emmerson Mnangagwa estime que la guérilla lui a appris à «détruire et tuer». Autant de métaphores et de qualificatifs qui témoignent de la nature de la transition politique en cours au Zimbabwe.

L’ancien vice-président Emmerson Mnangagwa est de retour ce mercredi dans la capitale, Harare, pour être investi président par intérim, dès vendredi, après la démission, mardi, du despote de 93 ans. À 75 ans, le «crocodile», surnommé ainsi pour son caractère impitoyable, avait déjà été désigné, dimanche, président du parti au pouvoir, la Zanu-PF, et candidat pour la présidentielle de 2018. Le Figaro dresse le portrait d’un cacique du régime, qui fut un acteur clé de toutes les répressions depuis l’indépendance du pays en 1980.

● Vainqueur du bras de fer avec la première dame

Longtemps considéré comme le dauphin naturel du plus vieux chef d’État de la planète, il avait été évincé de la vice-présidence, le 6 novembre, au terme d’un bras de fer avec l’épouse du chef de l’État, Grace Mugabe. Désireuse de succéder à son mari nonagénaire, elle avait obtenu le limogeage de son principal rival. Emmerson Mnangagwa avait alors trouvé refuge dans un pays encore inconnu. Ce qui n’a pas empêché son nom de résonner dans tout Harare au cours des dernières semaines. L’armée, hostile à l’ascension de la première dame, est intervenue dans la nuit de 14 au 15 novembre, prenant le contrôle du pays et écartant de facto le couple Mugabe du pouvoir. En accédant à la présidence, Emmerson Mnangagwa est en passe d’atteindre son but, après avoir longtemps attendu son heure. Mais il s’est fait discret pour ne pas apparaître comme le cerveau de l’intervention militaire. Comme celui qui aurait tué le père.

Le 22 novembre, le président sud-africain, Jacob Zuma (à droite), serre la main du «crocodile», alors en exil après son limogeage par Robert Mugabe. HANDOUT/REUTERS

● Un ancien de la guérilla indépendantiste

Né le 15 septembre 1942 dans le district de Zvishavana, dans le sud-ouest d’un Zimbabwe qui faisait alors partie de la Rhodésie britannique, le jeune Emmerson a grandi en Zambie. Fils d’un militant anticolonialiste, il rejoint dès le début des années 1960 les rangs de la guérilla indépendantiste contre le pouvoir de la minorité blanche. Avec des membres de l’Armée de libération nationale africaine du Zimbabwe (Zanla), la branche armée de la Zanu, le parti que dirige déjà Robert Mugabe, il est envoyé en 1964 en Chine pour se former d’abord au marxisme à l’université de Pékin, puis au combat et au renseignement. De retour en Rhodésie, il est arrêté en 1965 et échappe à la peine capitale. Comme Robert Mugabe, il purge dix ans de prison et garde de ces années de lutte des liens très étroits avec les militaires du pays. Takavafira Zhou, analyste politique à l’université d’État de Masvingo (sud), décrit Emmerson Mnangagwa comme un «jusqu’au-boutiste par essence».

● Au cœur des répressions du régime de Mugabe

Le «crocodile» ne verse guère de larmes et n’est connu que pour sa dureté. Dès l’indépendance du Zimbabwe en 1980, Robert Mugabe met Emmerson Mnangagwa sur orbite en lui confiant d’importants postes ministériels, notamment celui de la Sécurité de l’État jusqu’en 1988. En 1983, il dirige la division Gukurajundi, un groupe militaire formé en Corée du Nord, qui mène une répression brutale dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre). Son bilan n’a jamais été confirmé, mais elle aurait fait environ 20.000 morts.

Il sera ensuite ministre de la Justice puis des Finances, avant de devenir président du Parlement de 2000 à 2005. En 2008, il est chargé des élections auprès du président et dirige les fraudes et les violences qui permettent à Robert Mugabe de conserver le pouvoir malgré sa défaite au premier tour. Son zèle lui vaudra des sanctions américaines et européennes. Mais aussi en 2009 le poste stratégique de ministre de la Défense qui lui permet de commander l’ensemble de l’appareil sécuritaire.

● Un bras droit ambitieux

En 2004, il est victime une première fois de son ambition. Accusé d’intriguer pour le poste de vice-président, il est rétrogradé dans la hiérarchie de la Zanu-PF. Et sa rivale Joice Mujuru remporte la course. Il n’accède finalement qu’en 2014 à la vice-présidence, lorsque Joice Mujuru est victime d’une campagne de dénigrement orchestrée, déjà, par Grace Mugabe.

Il serait aussi l’un des hommes les plus riches d’un régime critiqué pour sa corruption, avec des intérêts dans les mines d’or. Un câble diplomatique américain datant de 2008, révélé par WikiLeaks, évoquait «un patrimoine extraordinaire», en partie amassé lorsqu’il a aidé le président Laurent Kabila à combattre les rebelles en République démocratique du Congo (RDC).

L’ancien président Robert Mugabe (à droite) aux côtés de celui qui était alors son vice-président, le 21 février 2017. Philimon Bulawayo/REUTERS

● Le président change, plus que le régime

Si l’annonce du départ de Robert Mugabe a donné lieu à des scènes de liesse à Harare, où certains habitants brandissaient des photos d’Emmerson Mnangagwa et du chef d’état-major de l’armée, Constantino Chiwenga, reste que l’état de grâce pourrait ne pas durer longtemps pour l’ancien vice-président qui fait figure de continuateur du régime. «Personne ne veut d’une transition qui verrait un tyran non élu remplacé par un autre», résumait déjà la semaine dernière le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson.

«Ce passé sombre ne va pas disparaître. Cela va le poursuivre comme un chewing-gum collé sous une semelle», prévient Piers Pigou, consultant d’International Crisis Group en Afrique australe. «S’il veut être jugé positivement, il va devoir mener des politiques qui ébranlent les structures de pouvoir de la Zanu-PF, en introduisant un vrai pluralisme politique et en séparant le parti et l’État», souligne-t-il. Pour susciter l’adhésion des Zimbabwéens et attirer les investissements étrangers, le futur chef de l’État a appelé à l’unité et promis de relancer une économie à l’agonie.

En 1980 déjà, Robert Mugabe, jeune premier ministre, avait fait le pari de l’union nationale, associant dans son gouvernement des membres des différentes communautés du pays, même des «Rhodésiens blancs». Une politique d’ouverture qui n’avait pas duré longtemps. En 1983, la répression commençait, avec l’implication directe d’Emmerson Mnangagwa.

Par Alexis Feertchak

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