Vidéo. Turquie: deux journalistes libérés après 500 jours de prison

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Un tribunal turc a ordonné vendredi la libération conditionnelle du rédacteur en chef et d’un journaliste du quotidien d’opposition Cumhuriyetjugés pour aide à des groupes «terroristes».
Cris de joie dans la salle d’audience. Vendredi, il est environ 23h quand le président du tribunal annonce la bonne nouvelle: le journaliste Ahmet Sik et le rédacteur en chef de Cumhuriyet Murat Sabuncu peuvent enfin sortir de prison. Incarcérés depuis près de 500 jours, les deux collaborateurs du quotidien d’opposition turc laissent échapper leur joie – et leurs larmes. Leur remise en liberté est néanmoins conditionnelle: ils sont toujours poursuivis pour «soutien à des groupes terroristes» – à l’instar de 15 autres employés de Cumhuriyet, dont 14 ont été précédemment libérés. Interdits de sortie du territoire, il leur faudra également pointer au commissariat de police une fois par semaine. Quant au patron du quotidien, Akin Atalay, il reste derrière les barreaux. «Le capitaine quitte le navire en dernier», a ironisé le juge. Mais pour les proches et confrères des relaxés, l’heure est au soulagement. «C’est un petit pas dans notre long combat contre l’injustice», souligne une collègue d’Ahmet Sik. Passé minuit et sous une nuit noire, elle a fait la queue pour les enlacer à l’entrée de Karbey, une cafétéria d’autoroute perdue à proximité de la prison de Silivri – dans l’enceinte de laquelle s’est déroulé le procès -, où un autocar est venu déposer les deux reporters relachés. Le visage pâle et fatigué, Ahmet Sik s’adresse à la foule. Il se dit «heureux» mais avant tout en «colère» contre le maintien en détention de son directeur. Fidèle à son franc-parler contre le gouvernement du président Erdogan, il enchaîne: «Un jour, ce sultanat mafieux prendra fin et là, nous nous réjouirons pour de bon».

 

La sixième journée de ce procès-fleuve, démarré le 24 juillet 2017, avait commencé sous haute tension. Au petit matin, une rangée de policiers antiémeutes gardait strictement l’entrée du palais de justice, situé à l’entrée de la prison de Silivri. Des heures durant, et face au regard circonspect des accusés, plusieurs témoins, invités par le tribunal, se sont relayés à la barre. Visiblement gênée de devoir parler contre ses confrères, Leyla Tavsanoglu, une ancienne journaliste de Cumhuriyet, s’est perdue dans de vagues commentaires en précisant: «Personnellement, je ne pense pas que les accusés aient un lien possible avec des organisations terroristes». Déchirés depuis quelques années par des dissensions internes – qui n’ont rien à voir avec le procès, mais que la justice tente d’exploiter -, la plupart des collaborateurs et ex-collaborateurs de Cumhuriyet s’accordent à penser que cette «mascarade juridique» – selon les termes utilisés par certains – vise avant tout à réduire au silence l’un des derniers journaux indépendants du pays. Accusés d’avoir soutenu trois groupes terroristes antagonistes (le mouvement FETO du prédicateur accusé d’être derrière le putsch raté de juillet 2016, le PKK et le DHKP/C, un groupe d’extrême gauche prônant la violence), les 17 employés risquent jusqu’à 43 ans de prison.
La libération conditionnelle d’Ahmet Sik et de Murat Sabuncu s’inscrit dans ce qui semble être une nouvelle vague de clémence du pouvoir. Le 16 février dernier, Deniz Yücel, le correspondant turco-allemand du journal Die Welt en Turquie, a lui aussi été libéré après plus d’un an de détention. D’après une source diplomatique européenne, ce n’est certainement pas un hasard si ces discrets signes de détente interviennent à deux semaines du sommet Turquie-Union européenne prévu à Varna en Bulgarie le 26 mars. Mais la «détente» reste relative.
Selon un décompte de l’organisation Reporters Sans Frontières, plus de 150 journalistes sont encore derrière les verrous en Turquie. Parmi eux, les frères Ahmet et Mehmet Altan ont récemment été condamnés à des peines de «perpétuité aggravées» et 25 autres journalistes accusés d’être impliqués dans la tentative de coup d’Etat, ont été condamnés jeudi à des peines allant jusqu’à sept ans et demi de prison. Ce vendredi, la libération d’Ahmet Sik et de Murat Sabuncu a également été ternie par une autre annonce de la Cour de cassation: cette dernière a décidé d’annuler la condamnation à cinq ans de prison de leur ex-rédacteur en chef Can Dündar, réfugié en Allemagne, en réclamant une peine nettement plus lourde, cette fois-ci pour «espionnage».

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