Vidéo. Portrait. Ahed Tamimi, le nouveau symbole de la résistance palestinienne

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Deux yeux bleus au milieu d’une crinière blonde et bouclée. En quelques années, la jeune fille est devenue un symbole. Âgée de 16 ans, elle est actuellement en prison pour avoir frappé des soldats israéliens.
Elle rêvait de devenir footballeuse au FC Barcelone. Le sport n’aura pas fait d’elle une icône, l’activisme politique, oui. Ahed Tamimi, 16 ans seulement, est devenue en quelques années, et autant d’images-choc, le nouveau visage de la résistance palestinienne face à l’occupation israélienne de la Cisjordanie. La jeune femme a été placée en détention fin décembre suite à la diffusion d’une vidéo, devenue virale, où on la voit frapper deux soldats israéliens. Retour sur le parcours éclair d’une militante tombée dans l’activisme dès son plus jeune âge.
L’histoire d’Ahed Tamimi est intrinsèquement liée à Nabi Saleh, petit village de Cisjordanie, située entre Tel-Aviv et Jérusalem. Cette bourgade arabe de quelques centaines d’habitants fait face à la colonie israélienne de Halamish, qui s’est approprié des terres et une source d’eau appartenant au village. Un acte qui révolte les habitants de Nabi Saleh. À partir de 2009, une marche hebdomadaire de protestation est organisée et tourne régulièrement à la confrontation avec les forces israéliennes. La famille Tamimi est en pointe de la contestation.
Arrêté de nombreuses fois, le père d’Ahed, Bassem Tamimi, 50 ans, en est un des leaders. Bassem rêve de créer «un modèle de résistance civile, qui prouverait que nous ne sommes pas des terroristes et que nous sommes les propriétaires de ces terres, explique-t-il au journal israélien Haaretz, en 2010. Nous voulons envoyer aux Palestiniens et Israéliens le message qu’il existe cet autre modèle de résistance, non violent.» En 2012, son activisme le conduit une nouvelle fois en prison, Amnesty International mènera une campagne pour faire libérer celui que l’ONG qualifie de «prisonnier de conscience».
L’arme, c’est l’image
Lors des manifestations de Nabi Saleh, les pierres volent. Mais ce ne sont pas les projectiles principaux. La véritable arme ici, c’est l’image. L’oncle d’Ahed, Bilal Tamimi a lancé son «agence de presse citoyenne», «Tamimi press international». En réalité un blog diffusant quelques nouvelles de la lutte locale. La mère d’Ahed, Nariman Tamimi, tout aussi engagée que son mari se retrouve souvent derrière la caméra, à filmer les confrontations.
Et pour parvenir à ses fins, la famille Tamimi ne craint pas non plus de mettre en avant ses enfants. Bassem Tamimi estime même que leur présence est «cruciale pour les aider à prendre confiance et leur apprendre à faire face aux problèmes». C’est ainsi qu’en 2010, Ahed Tamimi se retrouve sur la première photo diffusée à l’international par l’Agence France presse (voir ci-dessus). Âgée de 9 ans, la petite fille est alors vêtue d’une robe taillée dans un keffieh palestinien. Devant elle s’avance un soldat israélien, dont le fusil d’assaut semble presque aussi grand qu’elle.
Deux ans plus tard sera prise la photo qui fera d’elle une icône. La fillette a un peu grandi. Elle est cette fois vêtue d’un débardeur où l’on voit distinctement le mot Love (amour) et le symbole de la paix popularisé par les hippies. Ahed Tamimi, poursuit des militaires, lève un poing menaçant, bien que totalement dérisoire face aux grands soldats qui l’entourent et que cette rébellion infantile fait sourire. «Je suis plus forte que n’importe lequel de tes soldats», hurle-t-elle. Un reportage de France 2 montre qu’Ahed sait déjà comment jouer avec les caméras. De quoi s’attirer les premières critiques de manipulation.
«L’image est la seule arme dont ils disposent, explique au Figaro Bertrand Heilbronn, le président de l’association France Palestine solidarité, qui a pu rencontrer plusieurs fois certains membres de la famille. Bien sûr, ils cherchent à se faire photographier. Mais c’est également la seule façon qu’ils ont de se protéger face à des soldats. Cela fait partie de la lutte non violente.»
Notoriété internationale
Qu’importe, sa notoriété est faite. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, l’invite pour la féliciter. Un honneur dont l’adolescente n’a que faire. «N’importe quel Palestinien vaut deux Erdogan, car on se bat pour notre terre», dira-t-elle au retour. Le New York Times magazine consacre sa une de mars 2013 à Nabi Saleh, avec pour titre «S’il y a une troisième intifada, nous voulons être ceux qui l’on lancée.» Ahed Tamimi est l’un des douze portraits mis en valeur par la publication américaine.
En 2015, une nouvelle image fait le tour du monde. On y voit un soldat israélien plaquer au sol un jeune enfant, le frère d’Ahed, le bras dans le plâtre, mais accusé d’avoir lancé des pierres sur les militaires. Un groupe de femmes l’agrippent, dont Ahed Tamimi, qui mord la main de l’homme.

À l’été 2017, Ahed Tamimi réapparait en Afrique du Sud. À 16 ans, elle est maintenant une jeune femme à la grande chevelure blonde et bouclée. Elle porte toujours le keffieh palestinien. La visite est hautement symbolique : accompagnée de deux autres jeunes activistes, elle dépose une gerbe de fleurs au mémorial de Hector Pieterson, jeune Sud-Africain tué lors d’une manifestation de la population noire à Soweto dans les années 1960. Elle expliquait alors lors d’une rencontre avec les habitants qu’elle ne voulait pas être soutenue «à cause de quelques larmes photogéniques, mais parce que nous avons fait le choix d’une juste lutte. C’est la seule façon d’arrêter de pleurer un jour.»

Relayée par les médias, la vidéo est vue des millions de fois. Sauf que l’image d’Ahed Tamimi n’est pas du tout la même, côté Israélien. On n’y voit pas la résistante, mais une «provocatrice qui sait médiatiser ses actes», selon certains journaux, qui soulignent l’humiliation dont sont victimes les soldats de Tsahal et, à travers eux, de tout le pays. Dans la nuit du 18 au 19 décembre, l’adolescente est arrêtée. Les images de la jeune femme sont à nouveau publiées dans tous les médias.
Le 1er janvier, le tribunal décide de retenir 12 chefs d’inculpation contre elle, portant notamment sur 5 autres faits de l’année précédente (agression des forces de sécurité, lancé de pierres ou encore pour avoir participé à des émeutes). Sa garde à vue a été prolongée d’une semaine. Elle risque plusieurs années de prison.

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