Un juriste ou un homme d’affaires? Les Tunisiens élisent leur président

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Les Tunisiens se sont déplacés en plus grand nombre dimanche pour élire leur président, pour la deuxième fois depuis la révolution, afin de départager deux candidats atypiques: un homme d’affaires et un juriste, au terme d’une séquence électorale majeure pour la jeune démocratie.

« Berlusconi » ou « Robocop »? Qui de Nabil Karoui, magnat des médias poursuivi pour fraude fiscale, ou de Kais Saied, rigide enseignant de droit constitutionnel, deviendra le deuxième président démocratiquement élu au suffrage universel de l’histoire du pays?

Kais Saied est arrivé en tête du 1er tour, et des enquêtes d’opinion lui président la victoire, mais les résultats officiels ne seront connus que lundi au mieux. La télévision nationale diffusera néanmoins des sondages dès le début de soirée.

Pour ce troisième scrutin en un mois, le taux de participation a atteint 39,20% à 15H30 (14H30 GMT), deux heures et demi avant la fermeture des urnes.

« Il paraît clair que le taux de participation va être meilleur que celui (enregistré) aux législatives et au premier tour de la présidentielle », a dit le président de l’instance électorale, Nabil Baffoun. La participation avait atteint 49% au premier tour le 15 septembre, et 41,3% aux législatives dimanche dernier.

Sur Facebook, de nombreux jeunes, pour la plupart favorables à M. Saied, se sont organisés pour faire du covoiturage et fournir des transports à ceux qui sont inscrits dans une autre ville que leur lieu de résidence.

Dans un bureau de vote, des électeurs se sont dits partagés entre « celui qui va appliquer la loi » –Kais Saied– et celui « qui aide les pauvres », en référence aux émissions caritatives qui ont fait la popularité de M. Karoui.

« Aujourd’hui c’est une occasion pour récupérer notre Tunisie, la Tunisie moderne (…), pas la Tunisie qui nous fait peur », a argué ce dernier, après avoir voté à Tunis, en tentant de se poser en rempart contre l’islamisme dont il accuse son rival d’être le relais.

Le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, arrivé en tête des législatives avec 52 places au Parlement (sur 217), a appelé à voter pour Kais Saied, universitaire au conservatisme sociétal assumé. En revanche, rares ont été les appels explicites à voter pour M. Karoui, sorti de prison mercredi soir mais qui reste poursuivi.

Kais Saied, arrivé en tête du premier tour en exaltant les valeurs de la révolution de 2011 et en prônant une décentralisation radicale, a appelé les Tunisiens à « se référer uniquement à (leur) conscience ».

Saga politique

La mort en juillet du premier président élu démocratiquement au suffrage universel, Béji Caïd Essebsi, a avancé la présidentielle de quelques mois, précipitant le pays dans une saga politique.

Il y a d’abord eu l’incarcération fin août de Nabil Karoui, qui caracolait dans les sondages. L’homme d’affaires a martelé que son arrestation, à quelques jours du début de la campagne du premier tour, était « politique ».

Le premier tour mi-septembre a emporté l’ensemble de la classe politique en place dans l’après-révolution.

Candidat sans parti, M. Saied, 61 ans, a obtenu 18,4% des voix, après une campagne low cost constituée de multiples visites de terrain et de pages animées par des partisans sur Facebook.

M. Karoui, 56 ans, fondateur d’une des principales chaînes de télévision du pays, Nessma, avait obtenu 15,6% des voix depuis sa cellule de prison.

Les deux hommes en rupture avec l’élite politique ont bénéficié du vote sanction d’électeurs exaspérée par les chamailleries politiciennes et l’horizon économique invariablement bouché.

Si la sécurité s’est nettement améliorée ces dernières années, après une série d’attentats jihadistes dévastateurs en 2015, le chômage continue de ronger les rêves, notamment des jeunes, et l’inflation grignote un pouvoir d’achat déjà faible.

« Consultations »

Le dernier rebondissement a été la libération in extremis mercredi, après plusieurs rejets de la justice, de M. Karoui.

La campagne s’est achevée vendredi par un débat télévisé sans précédent, et très suivi: plus de 6 millions de téléspectateurs, soit plus d’un Tunisien sur deux, selon un institut de sondage.

Alors que la Constitution de 2014 fait la part belle au Parlement, les regards se tourneront après ce second tour vers Ennahdha, chargé de former le nouveau gouvernement, une tâche ardue.

« Nous avons commencé nos consultations », a indiqué le chef du parti, Rached Ghannouchi, qui devra rallier de nombreux autres blocs pour atteindre la majorité de 109 sièges au Parlement.

« En principe c’est Ennahdha (qui dirige le gouvernement, NDLR) mais après les consultations, plusieurs scénario sont possibles », a-t-il souligné, alors que l’hypothèse d’un gouvernement de technocrates a aussi été évoquée.

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