Salah Abdeslam, petit délinquant fêtard devenu « combattant » de Daech

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Il était resté mutique pendant l’enquête, il a parfois fallu couper le micro pour le faire taire au procès des attentats du 13-Novembre. Salah Abdeslam, qui s’est présenté devant la cour comme un « combattant de l’Etat islamique », est un ancien petit délinquant et gros fêtard, devenu jihadiste sur le tard.

Le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis sera le premier à répondre aux questions de la cour d’assises spéciale, qui étudie à partir de mardi les parcours des accusés avant les attentats.

Nuit du 13 au 14 novembre 2015, dans une cage d’escalier de banlieue parisienne. Deux adolescents qui traînent sont rejoints par un jeune homme, qui finit son hamburger et leur propose le reste de ses frites. L’accent belge, une parka, du gel dans ses cheveux noirs, « l’air bien fatigué » – « il rigole pour rien ».

C’est Salah Abdeslam, qui a abandonné sa ceinture explosive et attend de se faire exfiltrer vers sa Belgique natale. Il discute de tout et de rien, de sa fiancée avec qui il « va bientôt se marier ». Il regarde par-dessus leur épaule une vidéo sur le massacre qui vient d’avoir lieu au Bataclan. Ces attentats, « c’est pas humain », commente-t-il. Bientôt, sa photo et son avis de recherche seront partout.

Quelques heures plus tôt, il a déposé trois « kamikazes » au Stade de France. Avant cela il avait fait des allers-retours en Europe pour aller chercher les commandos de jihadistes, acheté du matériel pour les explosifs, loué des planques et les voitures du « convoi de la mort » qui prendra la route pour Paris.

A Molenbeek, la commune de Bruxelles où il a grandi dans une famille de cinq enfants, et où il a finalement été arrêté en mars 2016 après quatre mois de cavale, le Franco-Marocain, 32 ans aujourd’hui, n’avait pourtant pas laissé l’image d’un jihadiste en devenir.

« Fumeurs de joints »

Son profil était plutôt celui d’un petit délinquant, condamné une dizaine de fois pour délits routiers, violences ou une tentative de cambriolage en 2010 avec un ami d’enfance: Abdelhamid Abaaoud, le futur coordinateur des attentats du 13-Novembre. Ensemble, ils ont fait les « 400 coups », diront des proches.

Gros fêtard, buveur, fumeur, accro aux casinos, Abdeslam est coquet, a souvent « des copines ». Il ne travaille pas, traîne dans les cafés, notamment celui de son frère aîné Brahim – futur tueur des terrasses parisiennes. Un « café de fumeurs de joints », selon les voisins.

Il lui arrive de prier, mais pas aux bonnes heures. Dès la fin 2014 pourtant, il commence à parler de Syrie et propose à sa fiancée d’y aller. Elle ne le prend pas au sérieux: il a passé « les trois quarts de sa vie » en boîte de nuit, dira-t-elle aux enquêteurs.

Mais des proches remarquent que les frères Abdeslam entrent dans un « trip Etat islamique ». Ils arrêtent de boire, s’intéressent à la religion. Dans le bar que tient Brahim, on se regroupe maintenant pour regarder des vidéos jihadistes de prêche et d' »appels à la guerre ».

En janvier 2015, Salah Abdeslam est signalé pour des velléités de départ. En février il est convoqué au commissariat pour parler d’Abdelhamid Abaaoud, parti en Syrie. « Un chouette gars », dit-il, assurant l’avoir perdu de vue.

« Comme des chiens »

Quelques jours avant le 13-Novembre – ses proches le croient au ski – il dîne une dernière fois avec sa fiancée, pleure énormément, dira-t-elle. Dans la voiture qui l’exfiltrera vers la Belgique dans la nuit du 13 au 14 novembre, il pleurera aussi beaucoup la mort de son « kamikaze » de frère.

Sa mission exacte à lui reste une énigme. Il n’en a parlé qu’une fois, juste après son arrestation. « Je voulais me faire exploser au Stade de France », consent-il, « j’ai fait marche arrière ».

Les enquêteurs estiment plutôt que sa ceinture explosive était défectueuse. Dans une lettre qui lui est attribuée, il écrira: « J’aurais voulu être parmi les martyrs (…) J’aimerais juste pour l’avenir être mieux équipé ».

Un profil d’islamiste convaincu qu’il a laissé entrevoir à son procès en Belgique en 2018, où il a été condamné à 20 ans de prison pour une fusillade avec des policiers avant son arrestation, et qu’il a confirmé dès l’ouverture de celui du 13-Novembre.

Plus épais dans le box que sur la photo de son avis de recherche, barbe noire fournie sous son masque, il a calmement déclamé la profession de foi musulmane au premier jour d’audience, le 8 septembre. Avant de se présenter comme « un combattant de l’Etat islamique » puis plus tard de s’arroger la parole pour dénoncer, debout index levé, ses conditions de détention – « on est traités comme des chiens ». Le président finira par couper son micro.

Les accusés ne seront pas entendus sur le fond avant janvier, mais Salah Abdeslam a déjà déclaré que « le 13-Novembre était inévitable », à cause des interventions françaises en Syrie. Avant d’appeler au « dialogue » pour éviter d’autres attaques, sous le regard atterré des parties civiles.

Puis de conclure, au sujet des assaillants: « ces terroristes, ce sont mes frères ».

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