Prônée par des praticiens mais contestée par de nouvelles études, la chloroquine continue de diviser

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Utilisée au Maroc et dans beaucoup d’autres pays sur les patients covid-19, l’hydroxychloroquine, variante «allégée» de la chloroquine, continue néanmoins de créer la polémique, notamment dans le milieu médical, car considérée comme inefficace. Plusieurs études ont en effet remis en question la pertinence de son administration, mais les tenants de la «médecine observationnelle» ont un autre avis…

L’hydroxychloroquine n’est plus seulement un sujet médical, mais politique. En effet, la molécule, prônée par le Professeur Didier Raoult de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée-Infection pour le traitement du nouveau coronavirus (covid-19), suscite la polémique dans le milieu médical, jusqu’à provoquer des soupçons de conflits d’intérêts. Elle connaît depuis fin février une notoriété inédite depuis que le Pr Raoult  a relayé une étude chinoise affirmant que le phosphate de chloroquine montrait des signes d’efficacité chez des patients atteints de SARS-CoV2.

L’effervescence autour de l’hydroxychloroquine a connu ensuite un regain lorsque le président américain Donald Trump s’en est fait l’apôtre, au point d’en prendre lui-même quotidiennement à titre préventif. Au Brésil, le président Jair Bolsonaro est convaincu de ses effets, pourtant non prouvés, au point que le ministère de la Santé a recommandé mercredi son usage pour tous les patients légèrement atteints.

 

Absence de consensus scientifique

 

L’hypothèse d’une action de ces molécules contre le nouveau coronavirus vient du fait que leurs propriétés antivirales ont montré in vitro ou sur des animaux et sur différents virus, des résultats positifs. Des études ont aussi montré des effets in vitro sur le SARS-Cov2 mais bien souvent, des résultats scientifiques in vitro ne se retrouvent pas in vivo chez l’homme.

Pour ce qui est d’une efficacité sur l’homme contre le SARS-Cov2, il n’y a pas de consensus scientifique, faute de recul suffisant et d’études menées selon les règles habituelles : randomisation (patients choisis par tirage au sort), « groupe témoin » (des patients reçoivent le traitement, d’autres non), « double-aveugle » (patients et médecins ne savent pas qui a pris le traitement et qui a reçu le placebo).

La plupart de ces études sont, qui plus est, menées sur un nombre restreint de patients. Enfin, une étude doit être publiée dans une revue scientifique après relecture critique et validation par d’autres scientifiques, indépendants de ceux qui ont mené les tests. A ce jour, il n’y a pas d’études qui remplissent tous ces critères à la fois et beaucoup contiennent des biais méthodologiques, plus ou moins importants.

 

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Le Pr Didier Raoult a rendu publiques plusieurs études qui selon lui montrent une efficacité de l’hydroxychloroquine associée à un antibiotique, l’azithromycine. Pour lui, l’urgence sanitaire justifie que l’on donne largement ce médicament.Il prône l’administration de cette bithérapie dès les premiers symptômes et affirme dans sa troisième étude portant sur plus de 1.000 patients qu’après 10 jours, plus de neuf sur dix (91,7%) n’avaient plus de charge virale.

Une étude réalisée dans des hôpitaux new-yorkais et publiée au début du mois dans la revue américaine NEJM montre que l’hydroxychloroquine n’a ni amélioré ni détérioré de manière significative la situation de patients en état grave. Deux études, une chinoise et une française, publiées la semaine dernière, constatent que l’HCQ ne réduit pas significativement les risques d’admission en réanimation ni de décès chez les patients hospitalisés avec une pneumonie due au Covid-19.

Et une autre étude, avec des données portant sur 96.000 patients au total, parue vendredi dans The Lancet, conclut que ni la chloroquine ni l’HCQ, ne se montrent efficaces contre le Covid-19 chez les malades hospitalisés, et que ces molécules augmentent même le risque de décès et d’arythmie cardiaque.

Néanmoins cette dernière est à prendre avec précaution, puisqu’elle n’entre pas dans la catégorie supérieure des essais cliniques dits randomisés, où les traitements évalués sont administrés à des groupes de patients aux caractéristiques comparables, constitués de façon aléatoire, pour éviter certains biais. L’étude Lancet est dite rétrospective: elle s’est appuyée sur un vaste registre international des dossiers médicaux électroniques provenant de 671 hôpitaux sur 6 continents.

 

Des résultats empiriques pourtant positifs

 

Néanmoins, au niveau de la médecine observationnelle, plusieurs praticiens conseillent l’utilisation de la bithérapie du Pr. Raoult. «Les indicateurs montrent de bons résultats. En 6 à 7 jours, la charge virale des malades commence à baisser. Et d’ailleurs, plusieurs études le montrent», expliquait le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb dans une interview pour 2M. Le Maroc a en effet commencé à utiliser le protocole sur les patients Covid-19 à partir du 23 mars dernier, et la courbe des guérisons a commencé à décrocher à partir du 10 juin, arrivant à 4573 cas de guérison sur 7375 cas de contamination.

 

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Aux Etats-Unis, l’agence du médicament (FDA) a autorisé l’utilisation, mais uniquement à l’hôpital « de manière adaptée, quand un essai clinique n’est pas disponible ou faisable ». Et non à titre préventif, comme Donald Trump s’en est vanté. En dehors des essais cliniques, la France a restreint l’usage de l’hydroxychloroquine à l’hôpital uniquement et seulement pour les cas graves sur décision collégiale des médecins. Au Sénégal, de nombreux malades du coronavirus ont reçu de l’hydroxychloroquine en milieu hospitalier. Elle est utilisée aussi au Tchad, en Syrie, en Algérie… En Russie, elle est aussi distribuée dans les hôpitaux pour traiter les patients testés positifs ou soupçonnés d’être infectés.

Côté essais cliniques : les CHU d’Angers et de Bordeaux testent l’hydroxychloroquine, tandis qu’une étude menée sur 900 soignants doit évaluer si hydroxychloroquine et azithromycine sont efficaces en prévention. L’essai européen (Discovery) qui teste quatre traitements, dont l’hydroxycholoroquine et qui suscitait beaucoup d’espoir se révèle plus compliqué que prévu, notamment faute de patients. Il ne livrera probablement pas de conclusions avant plusieurs semaines.

 

 

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