Pape François : «J’ai pleuré en demandant pardon aux Rohingyas»

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Credits: AFP

Dans l’avion du retour vers Rome, le pape François s’est livré à une longue conférence de presse où il est revenu sur les étapes fortes de son voyage en Birmanie et au Bangladesh. Rencontrer des représentants Rohingyas était pour lui « ‘La’ condition du voyage ».

C’est l’ultime rituel des voyages du pape. Il est presque devenu une institution. A peine décollé dans l’avion du retour vers Rome, le pape François, quel que soit son état de fatigue, ne raterait pour rien son rendez-vous avec la presse qui l’accompagne. Les questions des journalistes sont posées par groupes linguistiques. Selon le temps de vol le pape accorde, un quart d’heure et parfois près d’une heure comme ce fut le cas samedi soir, 2 décembre 2017, lors de son retour du Myanmar et du Bangladesh, le 21ieme voyage du pontificat.

François semble toutefois moins apprécier que les journalistes posent des questions qui ne concernent pas le voyage. Non qu’il refuse de répondre tout azimut comme il le faisait volontiers au début de son pontificat – au risque, parfois, de formulations hasardeuses -, mais samedi soir, il a lui-même a imposé cette restriction. Très concentré sur son voyage il souhaitait ne pas sortir de ce sujet. Sa mise au point fut d’ailleurs exprimée assez sèchement après une question sur le nucléaire. Il y a répondu mais ce fut le seul «hors sujet» de cette conférence de presse.

Un «silence» calculé sur les «Rohingyas»

Interrogé sur le fait que le pape ait longuement attendu avant de prononcer le mot «Rohingyas» – du nom de cette ethnie musulmane dont 620 000 ressortissants sont actuellement réfugiés au Bangladesh après avoir été chassés militairement du Myanmar fin août 2017 – il a commencé par se justifier. François avait «déjà parlé» de ce sujet sur la place Saint-Pierre, le 27 août 2017. «On savait donc ce que je pensais sur le sujet». Mais «la chose la plus importante pendant ce voyage était que le message passe». Et pour cela «il fallait dire les choses pas à pas». Et d’observer: «j’ai compris que si j’avais prononcé ce mot dans un discours officiel» ou «si j’avais lancé publiquement une dénonciation» cela aurait interrompu le dialogue car «l’agressivité ferme les portes». Le pape a donc préféré «décrire des situations», évoquer des questions de «droits», de «citoyenneté», «ce qui m’a permis d’aller plus loin lors des entretiens privés». Au total, il s’est estimé «satisfait» du résultat: «Le message est passé».

«Quand j’ai demandé pardon aux Rohingyas, je pleurais»

Le Pape a aussi raconté pourquoi lors d’une cérémonie interreligieuse, vendredi soir à Dacca, dans la capitale du Bangladesh, il avait fini par lancer ce cri en faveur des Rohingyas: il leur a demandé «pardon» mais il ajouté cette phrase marquante: «Aujourd’hui, la présence de Dieu, s’appelle aussi Rohingyas» (nos éditions du 2 décembre). Ce moment fut la clé déplacement. François a alors révélé que cette rencontre avec les 16 représentants de l’ethnie Rohingyas était pour lui «‘La’ condition du voyage». Il fut même question, dans un premier temps, d’aller les rencontrer, sur place, dans un camp: «j’aurais aimé m’y rendre, a-t-il témoigné, les choses ont été étudiées mais cela n’a pas été possible».

 Finalement des «tractations» avec «le gouvernement du Bangladesh» ont permis le transfert de ces réfugiés de leur camp vers la capitale à la rencontre du pape. François «très heureux» de pouvoir les saluer «un à un» a toutefois glissé qu’il avait dû «se fâcher» – «je suis un pêcheur» a-t-il alors noté – quand «quelqu’un qui n’était pas du gouvernement» demanda à ces seize Rohingyas de redescendre de l’estrade. Le pape s’est interposé en rétorquant: «respect! respect!». Puis, «voyant que je ne pouvais pas les laisser partir sans leur dire un mot j’ai demandé le micro et j’ai commencé à parler… Je sais que j’ai demandé pardon à deux reprises (verbatim du message dans nos éditions du 2 décembre ndlr.) mais je ne me souviens plus de ce que j’ai dis. Je pleurais à ce moment-là… je cherchais à ne pas le montrer mais eux aussi, pleuraient». Et François de conclure «le message est finalement passé! Une partie était programmée, l’autre a été spontanée. Toutes les couvertures des journaux en ont parlé. Je n’ai pas entendu de critiques.»

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