Muhammadu Buhari réélu à la tête du Nigeria, l’opposition dénonce « une parodie d’élection »
Publié leMuhammadu Buhari a été réélu président du Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 190 millions d’habitants avec 56% de voix, selon les résultats définitifs communiqués par la commission électorale (INEC) mercredi matin.
Le président sortant « est déclaré vainqueur et est réélu », a officialisé le président de l’INEC, Mahmood Yakubu mercredi à l’aube, sachant que la compilation des résultats avait mis fin au suspense dès mardi soir.
Avec les résultats des 36 Etats du pays ainsi que de la capitale fédérale Abuja, M. Buhari a gagné en comptant une avance de près de 4 millions de voix par rapport à son principal rival, Atiku Abubakar, à 56% contre 41%.
Quelques centaines de personnes s’étaient rassemblées dans le quartier général du parti au pouvoir, le Congrès des Progressistes (APC) à Abuja, pour sabrer le champagne au son de l’afropop mardi soir, lorsque les résultats quasi-complets rendaient l’élection pliée.
Toutefois, vu l’heure tardive de l’annonce de la réélection du président, il y avait alors peu de ferveur ou célébration populaire dans le pays, même à Kano, l’un de ses fiefs, où ses partisans étaient sortis en masse en 2015 pour célébrer sa première victoire.
M. Buhari s’est adressé à ses partisans dans son QG de campagne mercredi matin en célébrant « une autre victoire de la démocratie nigériane ».
Depuis lundi, au fur et à mesure que l’INEC annonçait les résultats, Etat par Etat, parti par parti, le suspense s’était réduit, dans cette course qui s’annonçait pourtant serrée entre le président sortant et le candidat du Parti populaire démocratique (PDP).
Les écarts entre les candidats, tout deux haoussas du nord et musulmans, étaient certes moins prononcés que lors du scrutin de 2015, entre Buhari et Goodluck Jonathan, chrétien du Delta, mais Buhari a réussi à maintenir une large avance sur son adversaire.
Atiku Abubakar, riche homme d’affaires et ancien vice-président du Nigeria entre 1999 et 2007, a la réputation d’être l’un des hommes politiques les plus corrompus du pays.
Un homme austère engagé contre la corruption
Buhari, ancien général qui avait déjà dirigé le pays en 1983 pendant les dictatures militaires, est un homme austère qui s’est engagé à mener une lutte féroce contre la corruption, le « cancer » qui ronge le premier producteur de pétrole d’Afrique.
Après un premier bilan très mitigé et critiqué sur les questions économiques et sécuritaires, Buhari gardait une large avance dans ses bastions où il dépassait les 70%, mais a perdu près de 435.000 voix dans l’immense ville de Kano (nord), l’un de ses fiefs. Ses détracteurs l’accusent également de mener une chasse aux sorcières contre ses opposants sous couvert de lutte anti-corruption.
M. Abubakar n’a de son côté pas réussi à faire l’unanimité dans la région yorouba du sud-ouest, où le parti au pouvoir a gardé la majorité des votes, ou dans le sud-est igbo, malgré le choix de Peter Obi, ancien gouverneur de l’Etat d’Anambra, comme vice-président.
L’opposition a dénoncé des fraudes massives du parti au pouvoir pour maintenir Muhammadu Buhari à la tête du pays, et avait demandé l’interruption des résultats mardi soir. Toutefois, cette demande ne peut se faire que par voie de justice.
Retards à l’ouverture des bureaux de vote, intimidations d’électeurs, destruction de matériel électoral: la société civile et les observateurs ont dénoncé de nombreuses irrégularités et recensé au moins 53 morts dans des violences électorales.
Un taux de participation d’environ 40%
La mobilisation des électeurs nigérians a été faible lors de ce scrutin, avec un taux de participation d’environ 40%.
L’affluence a ainsi reculé dans quasiment tous les Etats du pays, notamment dans le sud-est. Dans l’Etat d’Abia par exemple, où les mouvements séparatistes pro-Biafra ont une forte assise populaire, le taux de participation n’a été que de 18%.
L’opposant nigérian Atiku Abubakar a dénoncé ce mercredi une « parodie d’élection » après l’annonce de la victoire du président sortant Muhammadu Buhari et annoncé qu’il allait saisir la justice pour contester le résultat.
« Si j’avais perdu dans des élections libres et justes, j’aurais appelé le vainqueur dans la seconde », a déclaré le candidat du Parti populaire démocratique (PDP) dans un communiqué. « Non seulement je lui aurais adressé mes félicitations mais j’aurais aussi proposé mes services pour contribuer à unir le Nigeria. »
Mais « je rejette les résultats de la parodie d’élection du 23 février 2019 et contesterai ses résultats en justice », a ajouté l’ancien vice-président.Le Nigeria est le premier producteur de pétrole du continent avec près de 2 millions de barils par jour, mais manque toujours d’infrastructures basiques, d’électricité ou d’eau courante et 87 millions de Nigérians vivent désormais sous le seuil de l’extrême pauvreté.